Que penser du dernier Eastwood en fin de compte ? Le film est-il une hagiographie d’un tueur assermenté par l’armée des Etats-Unis ou bien plutôt une interrogation scrupuleuse sur l’ambivalence du mal et des affects contrariés ?
Le cinéaste choisit la forme classique, chronologique, pour qu’on puisse comprendre les motivations de Kyle. Entre ses deux premières cibles bien en vue dans la lunette de son fusil lors de sa première opération en Irak et la pression sur la détente, on nous déroule la vie de Kyle, condensée en une vingtaine de minutes depuis l’enfance jusqu’à son engagement dans les Seals.
Ensuite on a affaire au classique film de guerre, avec les sorties de la base en humvee, puis les opérations de sécurisation, puis les pertes, immanquablement.
En tout Kyle aura participé à 4 opérations en Irak, ce qui représente quand même à peu près mille jours sur le terrain, de quoi perdre la vie plusieurs fois, de quoi cramer une fois pour toutes les notions d’empathie et de réconciliation. Ce qu’Eastwood nous montre si bien c’est qu’on ne revient pas des flammes et du feu explosif impunément. Quand Kyle rentre il a laissé une partie de lui-même sous le soleil acide de l’Irak ; pour quoi au juste ? Personne n’est vraiment en mesure de lui donner une réponse digne de ce nom, sauf peut-être sa femme, interprétée avec maestria par Sienna Miller.
Au bout du compte Eastwood aime les diptyques. Alors, après avoir proposé Mémoires de nos pères/Lettres d’Iwo Jima (2006), il complète aujourd’hui avec American sniper (2014) le travail commencé avec Le Maître de guerre (1986) dans les années 1980. Mais maintenant il pose un regard courroucé sur toute cette affaire : la guerre et ses désastres, qui n’épargnent personne.