« 47 Ronin » (Carl Rinsch, 2013)
Un enfant court dans la forêt à en perdre haleine ; ça vous rappelle quelque chose ? Effectivement, ces images nous les avons déjà vues dans Conan le barbare de John Milius (1982). Cet enfant, échappant aux démons qui l’ont élevé, sera recueilli par le seigneur Asano et en grandissant prendra les traits du séduisant Keanu Reeves, qui restera malgré tout un « sang mêlé » et ne devra en aucun cas bouleverser le rituel de vie des samouraïs d’Asano. Les sangs mêlés, nous en avons déjà rencontré dans la saga d’Harry Potter et ils s’appelaient les sangs impurs. Passons. Le débonnaire seigneur Asano, un modèle de droiture et de bienveillance pour sa progéniture et ses samouraïs, reçoit le shogun de la région, lequel est accompagné du félon seigneur Kira, un rival redoutable accompagné d’une traîtresse sorcière qui se transforme en renard blanc quand ça lui chante. Mais ça notre beau et bon héros Kai (sous les traits de Keanu Reeves) le sait dès les premières minutes du film, n’a-t-il pas d’ailleurs été élevé par les démons de la forêt quand il était petit ? Cependant personne ne le croit, et surtout pas le général en chef d’Asano, le mutique et intègre samouraï Oïshi, interprété par le très convaincant acteur nippon Hiroyuki Sanada, dont la fierté blessée est un modèle d’interprétation au cordeau. Evidemment un complot va conduire à la mort du paisible Asano, et le film se change alors en histoire de vengeance, comme dans La fureur de vaincre de Lo Wei (1972) dans lequel Bruce Lee vengeait rageusement, jusqu’au sacrifice, son cher maître chinois assassiné par les japonais.
Sur le papier, malgré pas mal d’invraisemblance (ah bon ? Des sorcières jolies comme des coeurs mais méchantes comme la gale sillonnaient le Japon médiéval en toute impunité ?) le film du britannique Carl Erik Rinsch a tout du bon film d’aventures historiques plaisant à regarder. Plaisant à regarder, il l’est véritablement, tant la reconstitution soigneuse des paysages, des domaines des seigneurs et des ruelles des villages féodaux, comme autant de cartes postales chromatiques, est un émerveillement de chaque instant. La photographie du chef opérateur John Mathieson restitue à merveille les couleurs chatoyantes des paysages variés et enchanteurs. Là n’est pas le problème.
Le problème réside dans la vacuité qu’il y a à infuser des éléments surnaturels sur une intrigue tirée de l’histoire officielle d’un pays ou d’une civilisation. Ce phénomène désolant a envahi les intrigues de films depuis trop longtemps déjà, et décrédibilise toute tentative de reconstitution historique au cinéma : par exemple dans les 300 et sa suite La naissance d’un empire on devait se coltiner toute une panoplie de créatures grotesques issues de l’héroïc-fantasy la plus cheap ; dans 47 Ronin c’est la même chose, on y voit même un personnage de hollandais grimé comme s’il venait tout droit du plateau de tournage du nouveau Star Wars ; et après ça on s’étonne que les mômes soient nuls en histoire au collège !
Bref 47 Ronin n’est pas un mauvais film, loin s’en faut, il est même plutôt agréable à regarder, mais à force de nous proposer des scènes indigestes avec des créatures sans queue ni tête, on ne prendra plus pour agent comptant que La vie de Brian (1980) des Monthy Pythons comme modèle de vrai film historique retors ; c’est dire !
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