Pendant l’âge d’or d’Hollywood, disons des années 30 au milieu des années 60, les films mis en chantier devaient être les garants de l’excellence technique et artistique de tous les collaborateurs d’une firme. Même si chaque major avait ses spécialités (le flm noir pour la Warner, le mélodrame pour la MGM ou le film fantastique pour la Universal par exemple), chacun redoublait d’audace pour se hisser au sommet de l’art cinématographique. Bien sûr les réalisateurs n’étaient pas en reste, et quelqu’un comme Billy Wilder n’était pas n’importe qui. Avec la toute confiance du patron de la Paramount Billy met en scène Sabrina pour l’écran, d’après l’adaptation d’une pièce de théâtre à succès de Samuel A. Taylor (d’ailleurs ce dernier participe à son adaptation au cinéma, avec Ernest Lehman et Billy Wilder). Il choisit pour les principaux rôles William Holden, Audrey Hepburn, et enfin Humprey Bogart (qui remplace Cary Grant, premier choix du réalisateur, au pied levé). Dans cette histoire sentimentale qui échafaude avec maestria et une classe indescriptible un triangle amoureux (une jeune ingénue, fille du chauffeur des Larrabee, une riche famille d’industriels, se pique d’amour pour le play-boy David, avant de finalement lui préférer son frère aîné Linus, plus raisonnable mais non moins séduisant), le réalisateur déploie une mise en scène fastueuse (richesse et foisonnement des détails dans l’intérieur des appartements, des bureaux, du garage de voitures de collection…) et vigoureuse, sans aucun temps mort, avec une agilité indépassable, même aujourd’hui (à l’heure des agités de la caméra, de plus en plus nombreux). En outre l’excellence de la distribution et la modernité des dialogues génèrent toujours le même plaisir, le même ravissement.
Le film sortit sur les écrans fin 1954, et fit d’Audrey Hepburn une star absolue, mythique. Mais ce qu’il faut souligner à la vision de Sabrina, 62 ans plus tard, c’est la modernité étourdissante du jeu d’Audrey Hepburn, qui, non contente d’être une jeune femme sublime, devint une des meilleures actrices à Hollywood, sans se départir d’une élégance folle, et d’une générosité et d’une gentillesse à toute épreuve (elle fut d’ailleurs ambassadrice de l’Unicef tout au long de sa vie). Rentrer dans la ronde menée par Audrey, en compagnie de William Hoden (un sacré acteur celui-là aussi !) et de Bogie (pour moi le plus grand acteur américain de tous les temps ex-aequo avec Cary Grant et Gary Cooper), sous la caméra lumineuse de ce bon vieux Billy (la photographie en noir et blanc de l’immense Charles Lang Jr est stupéfiante de beauté), c’est être assuré de voyager en toute quiétude en excellente compagnie. Sabrina est peut-être bien une des meilleures comédies romantiques de l’histoire du cinéma. Pas moins !
Enfin, pour rester des gens dignes, civilisés et polis, nous passerons sous silence le triste remake réalisé en 1995 par Sidney Pollack, sous le même titre, avec Harrison Ford et Julia Ormond.
Précipitez-vous voir le vrai, l’original, et vous m’en direz des nouvelles !!
Excellent été à vous toutes et à vous tous !!