Lorsque Max Vatan (incarné par Brad Pitt à qui la cinquantaine sied à merveille), un agent allié canadien, rencontre la résistante français Marianne Beauséjour en 1942 au Maroc français, pour monter une opération-suicide (rien de moins que tuer l’ambassadeur allemand au Maroc lors d’une cérémonie à l’Ambassade), ce dernier va faire ce qui est hautement déconseillé par Londres : tomber amoureux de sa partenaire de boulot. Alors les ennuis, les vrais, peuvent commencer, car une fois la miss épousée (incarnée par la non moins sublime Marion Cotillard) notre couple glamour de cinéma, une fois définitivement installé à Londres sous le blitz (les séquences nocturnes de bombardement de Londres sont impressionnantes) donne naissance à une ravissante fillette, et tout l’enjeu du film repose sur la question suivante : et si notre vaillant officier canadien (il est lieutenant-colonel quand même, excusez du peu) s’était amouraché de la mauvaise personne ? Je ne vous en dis pas plus, car tout l’enjeu du film réside dans cette interrogation obsessionnelle à laquelle Max va devoir répondre, surveillé de près par sa hiérarchie militaire, sous peine d’être accusé de haute trahison.
Peut-on concilier sentiments et travail bien fait ? Sait-on vraiment qui est la personne qui nous paraît la plus familière ? L’amour est-il aveugle au point de nous faire perdre toute constance et toute mesure dans l’évaluation de l’être cher et désiré. Si nous sommes des « machines désirantes » comme le pronostiquaient Félix Guattari et Gilles Deleuze en 1973 (dans L’Anti-Oedipe. Capitalisme et schizophrénie, Les Editions de Minuit), alors la lutte incessante entre l’incarnation des idéaux de fraternité et le retrait dans le confort domestique ne cessera jamais, et le film de Zemeckis, très académique (mais moi j’aime cet académisme là, le post-classicisme hollywoodien des années 2010), à la structure narrative classique assumé, répond avec émotion à cet écheveau de contradictions : que doit-on placer plus haut que tout, l’idéal de justice ou l’amour inconditionnel pour nos proches ?
Alliés de robert Zemeckis, sous couvert de grand spectacle lyrique à la manière d’autrefois, propose une brillante alternative aux films bruyants et pyrotechniques d’aujourd’hui, sans oublier de nous offrir une mise en scène de cinéma, ample et généreuse, comme autrefois, quand on aimait vraiment, sans arrière pensée, le cinéma, le beau, le vrai cinéma, dont les couleurs en technicolor nous enflammaient la rétine, et nous empêchaient de dormir tranquillement.
Alliés est un beau film.