Un cinéaste iranien dynamise le Festival de Cannes 2018 dès son ouverture
Le film qui fait l’ouverture du Festival de Cannes cette année (sa 71e édition), et qui est en compétition pour la Palme d’or, est une pure merveille ; il s’agit de Everybody Knows du cinéaste iranien Asghar Farhadi.
En réunissant à l’écran Javier Bardem et son épouse Penelope Cruz, et en situant son film dans un petit village espagnol d’aujourd’hui, le réalisateur concocte une histoire de famille bouleversante autour de l’enlèvement d’Irene, une adolescente pleine de vie, pendant le mariage d’une de ses tantes. Et l’angoisse liée à cet enlèvement, qui a lieu pendant que la fête bat son plein, l’horreur de cette situation qui va gagner peu à peu la communauté villageoise toute entière, va faire émerger un secret de famille vieux comme le monde.
Asghar Farhadi sait jouer d’une situation existentielle commune (combien y-a-il de manières d’exister vis-à-vis de celles et de ceux qu’on aime ?) pour en proposer une variation unique, mid-tempo, dans les couleurs chatoyantes d’une Espagne et d’une communauté humaine idéalisées. La sensualité toute orientale dans la manière de filmer avec volupté les corps qui bougent, qui dansent ou qui s’étreignent, dans l’aggiornamento d’une fête de mariage visant à réconcilier celles et ceux qui se sont perdus de vue depuis bien trop longtemps, épouse les situations dramatiques dans un mouvement de cinéma vérité d’une grande délicatesse émotionnelle.
On savait également que le jeu de Javier Bardem se mariait à merveille à celui de son épouse (dans la vraie vie) depuis leurs débuts de jeunesse dans le fracassant Jambon, jambon de Bigas Luna (1992) ou plus tard dans Vicky Cristina Barcelona de Woody Allen (2008).
Le film de Farhadi a aussi le mérite de faire honneur à une compétition dont nous ne retenions, ces dernières années, que l’étalage de luxe obscène à l’heure qu’il est, de vanités et de médiocrité comportementale. (Je vais revenir sur ce sujet dans le post suivant.)
Asghar Farhadi a réussi ce tour de force : celui de nous intéresser, profondément, aux modes de communication et d’interaction d’une communauté villageoise, d’une structure familiale, riches en couleurs et en tempéraments, en nous faisant participer au dénouement d’une tragédie particulière avec un sentiment d’inachevé dans la résolution des affects.
Le film s’interrompt avec l’idée qu’on n’en a jamais fini ni avec l’enfance, ni avec les compromissions de l’existence, ni avec la famille, ni avec les amours qui ne disent jamais leur nom véritable et secret.
Ce film est une splendeur. Précipitez-vous vite le découvrir en salles.
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