« Upgrade » de Leigh Whannell [1/2]
Notre proche avenir va certainement ressembler, à s’y méprendre, à ce que nous proposent certains films d’anticipation depuis de nombreuses années. Et il y a de quoi s’interroger et être inquiet. Car nous ne sommes plus dans la projection idyllique d’un futur émancipateur et connecté, celui que veulent nous vendre les GAFA. Ces géants du Net ne respectent aucune norme juridique ou morale, celles qui avaient cours avant et qui permettaient d’envisager sereinement un avenir pas trop destructeur. Mais c’est terminé. Car au moment où j’écris ces lignes la première androïde (ou cyborg, ou IA biomécanique ou que sais-je encore) totalement autonome va bientôt être en poste dans une compagnie d’assurances en Asie du sud-Est.
Ce que les fans hardcore de S.-F. sauvage et décomplexée (dont je suis) redoutaient, a eu lieu : c’est-à-dire que Skynet, ce programme d’Intelligence Artificielle bichonné par des scientifiques malins mais irresponsables, prenne son envol et s’émancipe de sa tutelle humaine encombrante. Et c’est en train d’arriver dans notre vrai monde, dans notre réalité, et pas seulement sur un écran de cinéma. Souvenez-vous comment cela se terminait : l’IA était tellement intelligente, complexe et structurée qu’elle avait tôt fait de mettre en exergue ce qui fait la primauté de l’espèce humaine sur toutes les autres, depuis maintenant 30 000 ans : éliminer ce qui gêne la prolifération des meilleurs, bien mieux adaptés au nouveau biotope. Les machines nous dégommaient et c’était jouissif à regarder sur un écran de ciné. Terminator 2 de James Cameron (1991) fit son entrée avec fracas dans l’histoire du cinéma fantastique et de S.-F.
Et on se disait, devant l’écran, en mâchant nos pop-corn, « non, quand même, ils vont trop loin à Hollywood, on n’est pas si débiles ; on ne va pas créer l’instrument de notre propre destruction, faut pas déconner ! » Et pourtant. Etait-elle si loin de nous la prolifération des armes atomiques partout sur le Globe, ainsi que notre extermination programmée depuis la crise des missiles à Cuba en octobre 1962 ? L’écrivain et réalisateur Michael Crichton ne parlait que de ça pendant les années 70 et 80, quand il orientait son travail de créateur sur la dualité homme/machine ; en imaginant la révolte des robots qui ne veulent plus être les laquais de qui que ce soit dans Mondwest (1973) et Runaway : L’évadé du futur (1984).
Upgrade (2018) est un film australien de science-fiction (ou plutôt d’anticipation cyberpunk) qui envisage ce que nous allons devenir quand nous serons assujettis au bon vouloir d’une Intelligence Artificielle qui au départ fut conçu pour réparer ce qui a été cassé ou irrémédiablement abimé. Grey est un mécanicien à l’ancienne, qui bichonne de superbes automobiles. Il leur confère une âme à travers le temps qu’il passe à réparer, à ajuster, à gonfler des moteurs. Grey est un homme concret, solide, car il travaille encore avec ses deux mains, plongés jusqu’au bout des doigts dans le cambouis et dans la graisse de moteur. Il est marié à une femme, Asha, cadre dans une boîte de nouvelles technologies, Cobalt. Et l’essentiel de leurs discussions dès l’entame du film porte sur la dichotomie qui pourtant cimente leur couple : Grey est un pragmatique qui ne trouve plus sa place dans ce monde où les voitures connectées vous ramènent chez vous sans que vous ayez besoin de conduire ; tandis que sa femme, Asha, ne comprend pas qu’on puisse encore éprouver l’envie de mettre la main à la pâte. Bien entendu, le drame surviendra.
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