Where are you hidden, old friend ?
Le western, au cinéma, est le genre primordial, originel. Il est à l’origine des choses, dès la naissance du cinéma.
Dans les premières bandes tournées par les opérateurs sur le sol américain, le western, muet, en noir & blanc, se constitue comme mètre étalon de l’acheminement du sens donné à l’image. Il n’y a qu’à jeter un œil sur la liste exhaustive de ce qui fut tourné à la Keystone, à la United Artists, ou à la Fox et dans les autres compagnies, pour s’en convaincre. On a coutume de dire que Le Vol du grand rapide (The Great Train Robbery), tourné par Edwin S. Porter en 1903, est le premier western connu. De toute façon le matériau brut, pas encore décati, offre les premiers attributs, ceux d’une mythologie à naître.
Bien sûr les écrivains ont devancé les réalisateurs dans le récit de la conquête de l’ouest et de l’établissement de l’état-nation en terre américaine. Mais enfin, les images vont témoigner de ce qui fut autrefois narré par les ingénieux prosateurs (mais il faudra attendre Michael Mann, en 1992, pour avoir une adaptation, digne de ce nom, du puissant roman de James Fenimore Cooper Le Dernier des Mohicans). Les premiers faiseurs d’images (ce terme que j’emploie ici n’est pas péjoratif, loin s’en faut) vont véhiculer le mythe émergent partout dans le monde.
On sait combien il fut difficile, dans les premières années du cinématographe, d’avoir une vision neutre, non politisée, de ce qui fait une nation. Et les premières bandes de celluloïd témoignent d’un racisme certain (c’est un euphémisme), et d’une vision tronquée et partiale des choses. Au tout début on construit les éléments de langage, même si la plupart sont faux et imparfaits (mais le western révisionniste existe aussi au XXIe siècle avec le Django Unchained (2012) de Quentin Tarantino par exemple – nous reviendrons dessus en détail un peu plus tard) : comment témoigner alors du massacre des nations indiennes orchestrée par le pouvoir usurpateur ? Comment filmer l’homicide originel, c’est-à-dire l’assassinat d’Abel par son frère Caïn ? De nombreux westerns ont opposé les céréaliers avides aux paisibles éleveurs de troupeaux. Les grands propriétaires terriens de l’Ouest et du Middle West s’accaparaient les terres fertiles, les verts pâturages, et repoussaient vers la frontière les tous petits éleveurs, et poussaient à la misère les garçons de vache moins bien lotis par la fortune. Alors certains volaient du bétail, et le convoyage des troupeaux devenait un périple semé d’embûches : c’est de cela dont parle le très beau La Rivière Rouge (1948) de Howard Hawks, une œuvre splendide inégalée à ce jour, qui chorégraphie dans un noir & blanc somptueux (la cinématographie est signée de Russell Harlan, un directeur de la photo génial) le ballet fidélité masculine/trahison qui oppose et relie tout à la fois John Wayne, le père putatif, et le fils maudit mais admiré Montgomery Clift dans l’un de ses nombreux rôles inoubliables.
On n’y oublie pas non plus les jeunes pousses solitaires qui ont à cœur de faire tonner les coups de pistolet dans la prairie : je pense à ce film de vengeance ultime d’Henry Hathaway qui met en scène Steve McQueen dans Nevada Smith en 1966.
à suivre
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