Une certaine tendance du cinéma français, 2ème partie
On en revient toujours à cette vieille question, jamais résolue en apparence : qui est le plus légitime pour donner naissance à un film, celui qui le réalise et qui est en principe derrière la caméra (même si la plupart des réalisateur.rice.s se contentent de jeter un œil dans le combo lors du tournage d’une scène), ou bien celui qui joue dedans et qui possède le capital-risque (un peu similaire à la valeur monétaire d’un joueur de football de l’élite) ?
Il semblerait que le vrai pouvoir appartienne aujourd’hui davantage aux acteur.rice.s, dont je ne suis pas certain qu’ils portent tous de la même manière le désir de raconter des histoires. Ce qui fait que ces dernières se ressemblent toutes dans l’ensemble, avec la cohorte d’histoires de familles re-re-recomposées et surmultipliées, et multiethniques de préférence. On se demande quand même comment tous ces gens tellement libéraux et larges d’esprit vivent au quotidien. Car dans les comédies françaises actuelles on ne voit plus aucun personnage aller au travail ou chercher de la petite monnaie pour acheter son pain ou les croissants. Tout ce qui fait le sel de la vie de chacun d’entre nous n’intéresse plus les décideurs du cinéma français. Et nous n’avons plus le choix qu’entre comédies sirupeuses et dégoulinantes de bons sentiments et drames sociaux d’une noirceur absolue qui vous dégoûtent de la vie et d’a peu près tout ce qui en fait la saveur. Entre la misère sociologique et les rires faciles on est sommé de choisir son camp.
Remarquez, chez d’autres ce n’est guère mieux. Chez les américains par exemple les films tendent à devenir de plus en plus insipides et inoffensifs. Le reflet de la mondialisation couvre à peu près l’ensemble de la réceptivité des images en ultra HD ; et la nouvelle norme mondiale veut imposer à coups d’objets filmiques manufacturés dans les usines high-tech le flux continu, incessant, robotisé, des histoires qui ne s’arrêtent jamais. Car aujourd’hui plus aucun personnage ne meurt. Car plus aucune action racontée n’est marquée du sceau de l’irrémédiable, du moment unique et non reproductible. Le superflu dans les histoires est devenu ce qui est essentiel à la mécanique narrative audiovisuelle, films et séries mêlés.
À ce rythme tous ces gens qui ont les clés de l’imaginaire contemporain vont finir par nous éloigner pour de bon des salles. Il viendra un jour – proche, je le crains – où le cinéma ne signifiera plus qu’une chose, celle de refléter la norme majoritaire et consensuelle des gens du spectacle partout à travers le monde.
Quels utilisateurs de salles deviendrons-nous dans un proche avenir ?
Il n’est déjà qu’à remarquer qui hante les festivals de cinéma d’art & essai comme ceux de Locarno, de Gindou, de La Rochelle, d’Auch, etc. À force de nous faire croire que celles et ceux qui paient leur place de ciné tout au long de l’année incarneraient bon an mal an le vrai public pour qui le cinéma est conçu [alors que 60 à 70 % de la production cinématographie française procède de l’auto-congratulation permanente et satisfaite des gens du milieu ; cette sauterie entre gens bien nés coûte quand même des centaines de millions d’euros par an. Ça fait quand même cher Le Sens de la fête (Éric Toledano & Olivier Nakache, France, 2017) non ?] il ne faudra pas s’étonner le jour où les bonnes poires que nous sommes n’alimenteront plus la machine à fric du cinéma indigeste qu’on nous propose. Ce qui arrive avec l’alimentation aujourd’hui, ainsi qu’avec les produits pétrochimiques, arrivera aussi à l’industrie culturelle.
Nous en aurons vite marre des ersatz d’acteur.rice.s, d’écrivain.e.s, de chanteur.euse.s, de tous ces néo-artistes en pâte à modeler fabriqués à la moulinette.
à suivre…
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