Le multivers d’Alex Garland [#2]
Le rythme lent insufflé à chacun des 8 épisodes de Devs (de 52 minutes chacun environ) met en alerte les sens des téléspectat.eur.rice.s : on sent, à chaque péripétie, que notre héroïne Lily Chan s’enfonce davantage dans des imbrications complexes de seuils de réalités à la fois inexplicables et totalement opaques. Au début son amoureux russe, petit génie informatique futé, est recruté au sein du mystérieux cube dans la forêt. Mais il ne va pas en revenir, et Lily va s’efforcer de comprendre pourquoi, car la vision officielle de la boîte, comme quoi il s’est suicidé en s’immolant par le feu, ne la convainc pas. À partir de ce moment originel le cheminement de Lily va épouser les équations complexes de la mécanique des fluides ; je sais, cette phrase ne veut absolument rien dire, elle n’a aucun sens, mais c’est pour vous faire ressentir de quelle manière on se retrouve perdu, en perte de repères, devant la dramaturgie de cette mini-série assez géniale. Et cela s’appuie sur : la neurasthénie apparente des personnages principaux (Lily Chan et son ex-boyfriend Jamie incarné par l’acteur Jin Ha), la très belle qualité des images du chef opérateur Rob Hardy, sans doute fabriquées avec des caméras numériques Ultra HD Next Gen (notamment la caméra Sony CineAlta Venice), la musique enveloppante que l’on doit aux compositeurs Geoff Barrow et Ben Salisbury, et l’opacité certaine des dialogues pour qui n’a jamais mis les pieds dans un campus scientifique.
La science dure fait bien sûr saliver tous les showrunners de la planète (surtout après la pandémie de Covid-19 que nous venons de traverser), alors parsemer les dialogues de sa nouvelle création audiovisuelle pour la télé et les plateformes de SVOD d’un verbiage abscons permet de faire passer la pilule. Car depuis la fin de Game of Thrones (États-Unis/Royaume-Uni, 2011-2019, 8 saisons) l’héroïc-fantasy et le merveilleux médiéval ne font plus recette auprès de personne. Pour le moment. jusqu’à ce qu’une nouvelle pépite vienne prendre le relais (beaucoup misaient sur The Witcher de Lauren Schmidt [États-Unis/Pologne, 2019- , 8 épisodes au moment où l'on se parle] mais la série n’a pas encore eu le succès escompté).
Devs comporte des morceaux de bravoure, à travers des séquences mémorables : les bastons orchestrées par le chef de la sécurité de Devs, Kenton, sont assez éprouvantes ; toutes les scènes qui se déroulent à l’intérieur du cube sont à couper le souffle ; et pendant la majeure partie du show les plans de coupe sur la statue géante d’Amaya, qui figure la gosse du démiurge, disparue tragiquement, insufflent un regain d’énigmatique amplitude. Si bien qu’une fois le premier épisode visionné on ne peut pas s’empêcher de regarder la suite du programme.
Cette série d’anticipation luxueuse laisse bien des arcs narratifs en suspens, et frustre plusieurs catégories de télespectat.eur.rice.s à la fois. Quelle période du passé de l’Humanité aimeriez-vous voir si une intelligence artificielle vous permettait de le faire ? Qu’est-ce qui motive vraiment tous ces personnages, au passé indéfini, de scientifiques géniaux qui ont réussi à infléchir la courbe de notre espace-temps ? [L'anagramme du titre de la série donne en partie la réponse]
Mais qu’est-ce que vous attendez donc ? Précipitez-vous toutes affaires cessantes sur les 8 épisodes de Devs que diable ! Puis reprenez vos cours de première et de terminale S en Mathématiques et en Physique ; pour rire un bon coup, peut-être…
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