On le savait depuis belle lurette, une fois assis derrière leur volant, la plupart des automobilistes deviennent cinglés. Et les pétages de plomb en règle de personnages masculins perturbés sont monnaie courante au cinéma, depuis au moins 50 bonnes années.
Duel (États-Unis, 1971) de Steven Spielberg trône en majesté sur le podium de nos souvenirs cinéphiliques, suivi par The Hitcher (États-Unis, 1986) de Robert Harmon, et par le tout aussi impeccable Chute libre (Falling Down, France/États-Unis/Royaume-Uni, 1993) de Joel Schumacher, dans lequel un Michael Douglas à la coupe de cheveux en brosse du plus bel effet devient fou furieux à cause d’un embouteillage, par une journée caniculaire mémorable.
Enragé (Unhinged, États-Unis, 2020), le film de Derrick Borte, écrit par Carl Ellsworth, reprend cette antienne : une jeune mère de famille, qui amène son fiston à l’école en voiture, a le malheur de klaxonner un peu trop brutalement un automobiliste ; lequel ne redémarre pas son pick-up assez vite dès que le feu passe au vert. Rachel va alors très vite comprendre qu’elle vient de croiser la route de qui il ne fallait pas. [Attention = spoilers] Car un peu plus tôt dans la nuit, l’homme en question a occis son ex-femme et les membres de son nouveau foyer à coups de pieds de biche bien sentis, avant de faire flamber bien tranquillement toute la maisonnée.
Pendant 1h30 de pure montée d’adrénaline, sans aucun temps mort, le réalisateur Derrick Borte nous fait ressentir l’extrême panique qui gagne Rachel de minute en minute, au fur et à mesure que le personnage joué avec jubilation par l’immense Russell Crowe (en très grande forme) monte dans les tours-minutes (j’ose le jeu de mot idiot !). De plus, le travail effectué sur le son et sur les bruitages est sidérant d’audace et d’inventivité : on entend le bruit des soupapes des moteurs à chaque accélération anxiogène de la rutilante Volvo de couleur grenat conduite par la très expressive actrice Caren Pistorius (nous n’avons pas fini d’entendre parler d’elle au cinéma, croyez-moi, tant la demoiselle est talentueuse). Car ici, la berline familiale de la mère de famille esseulée, et le gros pick-up gris métallisé du prédateur-chauffard pantagruélique, sont le double exact de Rachel et de son antagoniste, qui n’est jamais nommé. Les séquences de poursuite entre la Volvo qui prend la fuite et le SUV qui la pourchasse dans les rues d’une ville très photogénique de Louisiane (où le film a été tourné en extérieurs) sont de très haute tenue.
Vous y penserez maintenant à deux fois avant d’appuyer machinalement sur le volant, la prochaine fois qu’un malotru vous grillera la priorité. Non, mais ?!