Vampire, vous avez dit vampire ? (Fright Night, États-Unis, 1985) est un film de Tom Holland, qui hanta les nuits des adolescent.e.s à l’été 1985 ; bien que chez nous il sortit au cœur de l’hiver, le 29 janvier 1986. Il n’en demeure pas moins que ce film Columbia Pictures en Metrocolor fit en France un score total de 1 084 255 entrées, ce qui n’est pas mal du tout pour un film d’exploitation pensé pour les pré-ados et ados des années 1980.
Ce qui a fédéré le public jeune dans les salles pour ce film-là, c’était le regain d’intérêt qu’on éprouvait pour la figure du vampire. Mais en 1985 on envisageait le vampire d’une façon très premier degré, Francis Ford Coppola n’avait pas encore jeté son dévolu sur le Dracula de Bram Stoker (Bram Stoker’s Dracula, États-Unis, 1992) et nous n’étions pas encore dans l’exercice de style un peu vain, il faut le dire, des cinéastes des années 2000, qui pour nous parler de nos vieilles et vieux ami.e.s les vampires, sont tous dans la posture.
Ici les vampires redoutent les crucifix, ont les incisives proéminentes, et les femmes de la confrérie incarnent le mal d’une manière particulièrement séduisante. D’ailleurs, l’acteur américain Chris Sarandon incarne cette figure maléfique avec toute la classe qui sied à un dandy qui tourneboule les jeunes filles en fleur. À noter que la séquence de ce vampire mâle sexy en diable, qui danse en boîte de nuit avec la petite amie adolescente de notre jeune héros traqueur de vampires improvisé, fut imaginée et tournée avant celle, mythique, de Michael douglas et de Sharon Stone se faisant des mamours langoureux sur le dance-floor (dans le superbe Basic Instinct, États-Unis/France, 1992). Alors je pose la question : à Hollywood, celui ou celle qui influence l’autre est-il toujours celui que l’on croit ? Il n’y a pas même jusqu’au sweet-shirt qui différencie Chris Sarandon de Michael douglas !
Le boy next door qui est le héros du film a donc maille à partir avec un mâle plus âgé que lui qui séduit les filles alors que lui-même ne répond pas aux avances de sa petite amie. Il préfère espionner la maison voisine, alors ce qu’il attend de ses vœux finit par se produire : le mal s’infiltre quand on l’appelle avec ardeur ou avec désespoir ; il s’insinue là où il n’y a plus de place pour la commisération. Et ce n’est pas le vieux chasseur de vampires d’opérette qui va le contredire : quand on est un bon garçon de 17 ans on ne passe pas son temps à espionner son voisin et ses jolies voisines plus âgées, non, on ferait mieux de se préoccuper du bien-être de sa ravissante girl friend et de la santé mentale de son meilleur ami, énervant comme tout. Mais il sera puni par Jerry Dandrige.
Au final ce film écrit et réalisé par le cinéaste américain Tom Holland racontait lui aussi la rencontre entre un adolescent un peu bêta et une personne adulte beaucoup plus âgée que lui avec laquelle il allait combattre : un vampire dans ce cas de figure. Un an plus tôt un autre jeune garçon affrontait des lycéens idiots des plages motorisés dans le film sucre d’orge Le Moment de vérité (The Karate Kid, États-Unis, 1984) de John Guilbert Avildsen, lui aussi un cinéaste américain très intéressant et redoutablement efficace. Ralph Macchio s’y initiait au karaté Shotokan en compagnie du vieux maître Pat Morita. Ces 2 films-là parlaient de transmission et d’entraide afin de combattre ses peurs les plus profondes.
Aujourd’hui, à partir de 7 ou 8 ans les garçons apprennent à se tirer dessus dans un jeu profondément pervers comme Fortnite. Quand une société démissionne à ce point, comment peut-on encore s’étonner que les valeurs qui autrefois faisaient le liant de n’importe quelle communauté nationale à travers le monde soient foulées aux pieds sans que les élites ne s’en émeuvent outre-mesure ?
Dans les années 1980 les films qui étaient fabriqués pour les enfants étaient peut-être sirupeux et rose-bonbons mais ils n’apprenaient pas à nous défier les uns des autres ; et surtout ils ne montraient pas à travers des images violentes et putassières comment s’éliminer les uns les autres pour atteindre les soi-disant meilleures places de la société, des postes à responsabilité dans des endroits où il fait froid, où les sans-cœur dominent, où il ne fait pas bon vivre.
Nous étions naïfs, et certains d’entre nous étaient plus peureux que d’autres, et sans doute aussi plus émotifs ; mais n’en déplaise aux décideurs d’aujourd’hui, le mal était contenu, il était circonscrit dans des machines narratives qui tentaient de nous donner les clefs pour arriver à nous aimer un petit peu, dans un monde tout aussi hostile et dangereux que celui de 2020. Mais ces films-doudous étaient rassurants dans la mesure où ils nous enseignaient seulement ceci : l’important n’est pas de savoir que les dragons existent, l’important est de savoir qu’ils peuvent être vaincus (Gilbert Keith Chesterton).