Parfois le cinéma peut se résumer à un geste créateur d’une grande simplicité. Il suffit de filmer des visages en gros plan. Alors, le film qui se déploie sous nos yeux raconte l’évolution de ce visage filmé, en près de 2 heures de temps.
Dans L’Été dernier… (2023, et les trois points de suspension du titre ont leur importance), le nouveau film de Catherine Breillat, la caméra, impitoyable, traque les sentiments et les émotions à fleur de visage sur celui, très beau, de Léa Drucker. Cette avocate est en proie à la passion charnelle comme au temps de son adolescence.
Celles et ceux qui n’ont vu dans cette histoire d’abandon physique d’un corps de cinquantenaire au contact de celui d’un éphèbe de 17 ans, que le scandale annoncé lors d’une projection cannoise au printemps dernier, n’ont pas du avoir tellement d’émois amoureux contrariés au cours de ces dernières années. Au contraire, dans l’acte de s’abandonner dans les bras de l’objet du désir, la caméra de Catherine Breillat reste prude. La caméra caresse les visages, les cheveux, les corps enlacés des amants ; c’est tout l’inverse de ce que fit Bernardo Bertolucci en 1972 dans Le Dernier Tango à Paris par exemple. On est ici plus proche du geste de cinéma de Marco Bellocchio quand il filmait Maruschka Detmers et Federico Pitzalis dans Le Diable au corps en 1986.
L’Été dernier… raconte ce ravissement des sens, cette progression lente du désir, cette envie lancinante de franchir l’obstacle interdit, en dissimulant aux yeux des autres les coutures parfois trop apparentes des attitudes et des postures. La femme de cinquante ans incarnée avec majesté par Léa Drucker (à mon avis elle a des chances d’être couronnée du César de la meilleure actrice de cinéma en février 2024) représente le type de la bourgeoise bien mariée, mais qui s’ennuie. Mais comme on n’est pas chez Chabrol mais bien chez Breillat, on ne peut pas accuser le mari (magnifiquement interprété par Olivier Rabourdin – pour lui aussi un César à la clé, tiens) qui est un modèle de tempérance. On ne peut pas vraiment lui reprocher d’entraver les besoins d’émancipation de son épouse. Le jeune Samuel Kircher rend bien cette indolence qui sied au personnage d’ange de la tentation pasolinien.
Jetant aux orties les conventions, la femme de 50 ans saute le pas : que croyez-vous qu’il adviendra ?