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L’élasticité de nos souvenirs : Adieu et bon vent, Michel Blanc !

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Michel Blanc s’en est allé au creux de l’automne rejoindre son « pays merveilleux », lui qui se demandait dans la nuit enneigée, juché haut sur son télésiège, seul, totalement isolé, et en manque des autres de la bande du Splendid, quand est-ce qu’il reverrait son pays de Cocagne.

Avec la disparition de Michel Blanc disparaît aussi une certaine idée du cinéma français : à la fois populaire (dans la mesure où il s’agit de rassembler devant l’écran des spectatrices et des spectateurs de toute sorte, de toutes conditions sociales, en leur proposant un humour dialogué désopilant, et jamais lénifiant, ni moqueur), et suprêmement intelligent et bienveillant. À l’heure où des apprentis sorciers se servent des IA génératives pour livrer leur scénarios aux chaînes de TV, on ferait mieux d’étudier scrupuleusement la manière de jouer low-fi de ce petit blond dégarni à la moustache rigolote. Michel Blanc a livré, à travers la diversité de ses rôles au cinéma, un archétype du français moyen râleur, conscient de ses limites, mais qui n’en veut. Il était avant tout un comédien extraordinaire qui ne jouait jamais seul, c’est pourquoi ses duos à l’écran sont irrésistibles : avec Gérard Lanvin dans le premier film qu’il réalisa en 1984, Marche à l’ombre, avec Bernard Giraudeau dans Viens chez moi, j’habite chez une copine de Patrice Leconte en 1981, ou encore avec Anémone dans Ma femme s’appelle reviens du même Patrice Leconte en 1982, ou avec Miou-Miou et Gérard Depardieu dans le film sulfureux de Bertrand Blier, Tenue de soirée en 1986. Et c’est avec ce rôle qu’il va gagner la reconnaissance de la profession.

Ensuite Michel Blanc ne cessera jamais de tourner, et sa discrétion naturelle lui évita de tomber dans le piège des tournées promotionnelles éreintantes dans les médias TV. Il apparaissait seulement quand la production l’exigeait et savait choisir ses mots, avec un sens évident de la narration : par exemple ce moment hilarant où à la télévision belge il narre l’épisode suivant, véridique ; il tombe sous le charme d’une américaine dans une boulangerie, ils sortent dans la rue tous les deux pour continuer à flirter et pour griller une cigarette, ensemble, et au moment où il allume la cigarette de la belle, il met le feu à ses cheveux blonds. On retrouvait là cet exceptionnel acteur de comédie cinématographique qui avait l’étoffe des plus grands, de Charles Chaplin et surtout de Buster Keaton, qu’il aimait temps. Il avait aussi réalisé une poignée de films essentiels du cinéma français comme Grosse fatigue en 1994, Mauvaise passe en 1999, Embrassez qui vous voudrez en 2002, et Voyez comme on danse en 2018. Lui-même avait tourné dans 83 long-métrages de cinéma.

So long, Michel Blanc. Tu as accompagné nos vies à travers tes rôles au cinéma. Les cinéphiles et cinéphages que nous sommes ne t’oublieront jamais.

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Ciné 90 : (#8) « Impitoyable »

Impitoyable

En 1878 un homme, William Munny, qui élève seul son garçon et sa fillette depuis la disparition de son épouse, morte prématurément (à l’âge de 28 ans) de la variole, va se remettre en selle pour traquer et punir deux cowboys. L’intrigue de ce film produit et réalisé en 1992 par Clint Eastwood, est épurée comme une tragédie ; elle met face à face dans le dernier acte deux archétypes de la brutalité de l’Ouest nord-américain : d’un côté nous avons un ancien tueur impitoyable, racheté par l’amour d’une femme, et de l’autre lui fait face un sheriff aussi brutal que les soudards qu’il aime corriger avec violence. Deux mêmes faces d’une même pièce s’affrontent avant de quitter définitivement le décor, quand les Grandes Prairies sauvages laissent la place à l’ère industrielle et au mécanisme.

Les cowboys d’antan sont fatigués, ils ne savent plus vraiment monter à cheval ni construire une charpente qui tienne droit. Des historiographes à lunettes récoltent les anecdotes et sont en train d’écrire la légende de l’Ouest, celles chères à John Ford et à Sam Peckinpah. Clint Eastwood, lui, règle ses comptes avec un genre (le western) qu’il a magnifié pendant si longtemps. Il livre avec Impitoyable (Unforgiven, Malpaso Productions pour Warner Bros., 1992) à peu près le film parfait : la réalisation, sans chichi, extrêmement classique, bâtie sur le scénario de David Webb Peoples, enluminée par la belle cinématographie de Jack N. Green et mise en musique par la sublime partition du compositeur Lennie Niehaus, offre un dernier tour de piste à Clint en vieux cowboy fatigué, éreinté, mélancolique à souhait, mais que la brutalité et les comportements sordides de ses contemporains, va faire rempiler dans l’ordre de la violence sèche et de l’abjection.

On avait cru, en 1985, que Clint Eastwood avait livré son western définitif, le sublime Pale Rider (Malpaso Productions pour Warner Bros.), dans lequel il mettait de l’ordre chez les chercheurs d’or. Nous nous étions trompé.es. La messe n’était pas encore dite, Clint en avait encore sous les éperons.

En compagnie de son vieil ami Morgan Freeman (le plus grand acteur du monde selon la légendaire critique de cinéma Pauline Kael, pourtant avare en compliments), il allait faire rugir les carabines Spencer dans la prairie ; pourtant le cœur n’y était plus. Le temps avait fait son affaire, et les vieux tueurs fatigués ne prenaient plus plaisir à occire qui que ce soit. Même accompagnés d’un kid tête-à-claque, William Munny et Ned Logan savaient leur quête vaine, et cruelle.

Ce film de 1992 qui clôture en beauté une certaine idée du cinéma (qui n’a malheureusement plus cours aujourd’hui) résumait la situation à peu près comme ceci : si on ne croit plus aux quêtes, même inutiles, autant laisser en paix et paître tranquillement les chevaux et les poneys ; et aller vendre des étoffes à San Francisco.

À quoi sert d’être impitoyable si on n’a plus le choix ?

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Ciné 90 : (#7) « True Romance »

True Romance

Revoir True Romance, le film de Tony Scott, le frère de Ridley, trente-et-un ans après sa sortie en salles, c’est se replonger illico dans ce renouveau du cinéma hollywoodien, dont la figure de proue était Quentin Tarantino. Fort du succès de son Reservoir Dogs en 1992, et accompagné par les jumeaux maléfiques Weinstein, l’américain fort en gueule pouvait désormais placer n’importe lequel de ses scénarios, il était assuré de les voir se concrétiser en films de cinéma.

Ainsi, entre ses deux premiers films (Reservoir Dogs, donc, et Pulp Fiction, Palme d’Or au Festival de Cannes 1994), Tarantino avait confié la mise en images de son True Romance à celui qui avait donné un sacré coup de balai au Nouvel Hollywood des années 1970 : Tony Scott. Tony, son frère Ridley Scott, et quelques autres (Adrian Lyne, Joel Schumacher, Wolfgang Petersen, John McTiernan, …) avaient incarné la décennie 80 avec des films de pur divertissement gigantesques, comme Black RainLegendTraquéeLe Flic de Berverly Hills 2, Les PrédateursFlashdance9 semaines 1/2Génération PerdueL’Histoire sans finEnemyPredator, Piège de cristal.

Du coup, en concurrence directe avec ces mavericks de l’entertainment cinématographique, les vétérans de la décennie précédente (les Spielberg, De Palma, Scorsese, Eastwood, Friedkin et autres) montraient qu’ils en avaient encore sous le sabot. Ce qui nous valait une ribambelle de films extraordinaires pendant au moins deux décennies (les 80′s et les 90′s).

Oui, d’accord, mais True Romance dans tout ça ? De quoi ça parle ?

À Detroit, Clarence, un jeune homme passionné de cinéma et de pop culture, aimerait bien avoir une petite amie qui aurait les mêmes goûts que lui. Ça tombe bien, une jeune blonde très belle, Alabama, très désinvolte aussi, qui vient de débarquer de Floride, jette son dévolu sur lui. Ils forment très vite un couple très amoureux, mais il y a un hic : car Alabama est sous la férule de Drexl, mac et dealer de drogue de la pire espèce. Alors les ennuis vont arriver comme les B-52 dans le ciel allemand en 1942, c’est-à-dire en escadrille.

On retrouve dans True Romance tout ce qui a fait le succès des 3 premiers films de Tarantino (après, il se prend trop au sérieux à mon goût, la magie n’opère plus de la même façon) : des situations tordues couplée à des dialogues hilarants, un sens du cadre jamais mis en défaut, et une distribution aux petits oignons (Christian Slater, la sublime Patricia Arquette, Dennis Hopper, Gary Oldman, Tom Sizemore, Chris Penn, Christopher Walken, Val Kilmer en super-guest de luxe, la classe américaine, quoi !).

Bon, eh bien, cette litanie de films géniaux aura duré l’espace de deux décennies à peine (d’où le nom donné aux rubriques Ciné 80 et Ciné 90). Mais on peut les voir et les revoir à l’infini, et on ne sera jamais déçu.e, car la magie opère à chaque fois. Le soin apporté aux images, à la musique, au cadre, à l’interprétation, témoignait d’un profond amour et d’un très grand respect pour le cinéma de divertissement pour adultes et jeune public.

Très prochainement nous reviendrons en détail sur une merveille de film, dans notre rubrique Ciné 80 : il s’agit de l’indémodable Breakfast Club (1985) du regretté John Hughes.

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Ciné 90 : (#1) « Créatures féroces »

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Créatures féroces (1997) de Robert Young et Fred Schepisi, met à nouveau en scène la fine équipe du carton planétaire Un poisson nommé Wanda (1988), heureux mélange entre humour Monthy Pythons et comédie américaine à la Mel Brooks. C’est pourquoi neuf ans plus tard le studio Universal a mis en chantier une fausse suite, car si quelques protagonistes, et pas des moindres, restent les mêmes, l’histoire change du tout au tout par rapport au premier opus. Ce qui fait à la fois la force du film (on plonge Jamie Lee Curtis, John Cleese, Michael Palin et Kevin Kline dans un nouvel environnement, un zoo) mais aussi sa faiblesse (pas facile d’imaginer une histoire terriblement drôle dans ce contexte). Si les tribulations de cambrioleurs qui cherchent à se doubler les uns les autres est une des figures narratives que les scénaristes et réalisateurs anglo-saxons affectionnent (les Ocean Eleven et consorts par exemple), raconter les tribulations d’une équipe de gardiens de zoos, de son directeur, et des dirigeants d’une boîte à qui appartient ce même zoo, jouant sur le clivage américains bourrins pleins aux as et gentils hurluberlus britanniques, cela ne donne pas assez de relief pour en faire une comédie vraiment drôle ; en plus les scènes avec les animaux ne fonctionnent pas la plupart du temps, sauf une fois : quand le nouveau directeur du zoo interprété par John Cleese, planque les cinq animaux adorables dans sa chambre et dans sa salle de bains. D’ailleurs, à mon avis, la vrais star du film, reste le lémurien Rollo !

Par ailleurs, même si la composition de John Cleese reste de bon aloi, et si Jamie Lee Curtis est tout aussi séduisante et sexy que dans Un poisson nommé Wanda de Charles Crichton, le double numéro de Kevin Kline (par ailleurs acteur absolument génial) ne fonctionne pas ici, car trop caricatural, le magnat qu’il interprète est trop vulgaire (n’empêche que Trump doit ressembler plus ou moins à ça), et son fils trop niais pour être vraisemblable. Finalement, le film est une demi-réussite, même s’il laisse un agréable souvenir : celui d’une comédie qui donne le dernier mot (mais de manière amorale) aux employés face aux tenants du libéralisme le plus dégueulasse et aux représentants de l’ordre qui pour le coup passent pour de gentils neuneus !

Mais en ces temps indéfinissables, noirs comme une nuit de Walpurgis, même une comédie pas follement drôle comme celle-ci, arrive quand même à faire un bien fou. Et c’est déjà beaucoup !

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