Youth (2015) interroge la vieillesse quand elle se mesure à la jeunesse et à la beauté. Pour cela le réalisateur italien Paolo Sorrentino, âgé de 47 ans au moment de tourner, ausculte les comportements de deux vieux artistes qui sont arrivés sur le dernier palier de leur carrière artistique. Le premier, Fred Ballinger, était un musicien, compositeur et chef d’orchestre anglais prestigieux, pendant que le second, Mick Boyle, était un réalisateur américain de films très connu. Tous les deux sont amis depuis près de 60 ans, si bien que la fille de l’un a épousé le fils de l’autre. Ils sont en villégiature dans un sauna pour riches, en Suisse, et l’un travaille car il y peaufine le tournage à venir, qui sera vraisemblablement le tout dernier, pendant que l’autre est considéré comme apathique et ne pense qu’à la vie passée, quand tout semblait neuf, flamboyant, facile à appréhender.
Deux prodigieux acteurs, l’un américain (Harvey Keitel), l’autre britannique (Sir Michael Caine), incarnent ces personnages stéréotypés et prêtent leur élégance naturelle pour mieux représenter les désarrois de l’âge.
Le film montre l’essence de la vacuité qui est à l’œuvre dans un centre de remise en forme pour ultrariches : par exemple, le soir on s’y délasse en assistant à un spectacle qui se déroule sur une scène circulaire. Et on semble s’ennuyer prodigieusement. Pourtant, l’air de rien, dans le déroulement tranquille de ces jours et des ces nuits alpines de la Confédération helvétique, des questions vont finir par trouver leurs réponses. Ainsi le chef d’orchestre qui n’a plus dirigé depuis près de dix ans va commencer à ressentir la nécessité de se mesurer à nouveau à l’orchestre, tandis que le cinéaste yankee croit intensément au chef-d’œuvre testamentaire à venir.
Le film de l’italien Paolo Sorrentino, autre fois le chouchou des festivals internationaux de cinéma (Cannes, Venise, Locarno), est profondément mélancolique. Ses images léchées, sa progression lente vers un dénouement qu’on redoute pourtant, mais qui nous frappe comme la foudre, la précision maniaque apportée à l’interprétation des 5 rôles principaux (Michael Caine, Harvey Keitel, Rachel Weisz, Paul Dano et la divine Jane Fonda), en font un film bouleversant. Car ce cinéaste incarne depuis quelques années la beauté du cinéma européen mélangée à l’efficacité narrative anglosaxonne.
Alors pourquoi bouderions-nous notre plaisir d’assister par exemple au filmage d’une naïade nue en train de pénétrer dans l’eau métallique d’une piscine sous le regard médusé de deux vieux bons hommes qui comprennent à ce moment là que leur jeunesse s’est définitivement enfuie dans les limbes du temps ?