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En 2021, un « Slalom » sinon rien !

Jérémie Renier et Noée Abita dans cet extraordinaire "Slalom" de Charlène Favier.

Jérémie Renier et Noée Abita dans cet extraordinaire « Slalom » de Charlène Favier.

Avoir été empêché d’aller au cinéma pendant au moins 6 longs mois permet de comprendre à quel point la projection d’un film en salle reste une expérience incomparable. Ainsi, nous étions nombreux ce mercredi 19 mai 2021 à nous rendre dans notre cinéma préféré (pour ce qui me concerne Ciné 32, à Auch dans le Gers), pour y voir un des nombreux films que les distributeurs et les programmatrices de salles avaient en réserve.

À partir de cette date du 19 mai, et jusqu’à l’été, à peu près 200 nouveaux films, dont la plupart ont été tournés en pleine pandémie ou juste avant, attendent de débarquer ; malheureusement leur temps de présence à l’écran risque d’être drastiquement réduit, tant l’embouteillage des films est important.

Pour ce retour en salle tant attendu j’ai eu le bonheur de voir un premier film français, réalisé par Charlène Favier : il s’agit de Slalom (France, Mille et Une Productions, 2021), qui a pour interprètes principaux une toute jeune comédienne répondant au nom de Noée Abita, et le grand acteur de cinéma Jérémie Renier. Ce drame naturaliste met face-à-face une adolescente de 15 ans, en ski-étude dans un lycée situé dans les Alpes françaises, et son coach, un quadragénaire qui vampirise littéralement ses élèves-recrues.

Le film, intense, nous montre de l’intérieur ce que ça fait d’être happé, d’être hypnotisé, par un mentor charismatique qui se sert de sa position pédagogique pour abuser de l’innocence d’une personnalité en construction, pas encore tout à fait autonome. En même temps, ce premier long-métrage n’élude aucune des chausse-trappes que ce genre de récit génère automatiquement : comme par exemple la question de savoir si le sport de haut niveau, dans ses infrastructures mêmes, lesquelles sont pensées dans un moment d’effervescence jubilatoire – pour ce qui est du ski alpin français, disons depuis l’époque des Jeux Olympiques d’Hiver d’Albertville en 1992 -, n’induit pas ce comportement prédateur outrancier au sein des fédérations sportives et des comités de pilotage. La question, cruciale, reste posée, mais fort heureusement cette réalisation extrêmement maîtrisée et soignée n’est en aucun cas un film-dossier de plus qui illustrerait un thème sociologique contemporain.

À qui appartient le corps d’une jeune femme en devenir ? À elle-même ou bien à celles et à ceux qui le fétichisent et qui, peu à peu, par leurs paroles et par leurs gestes, se mettent à le démolir ?

Slalom de Charlène Favier est un film admirable, lucide, courageux, délicat et suprêmement intelligent. La beauté sidérante des Alpes sous la neige, alliée au caractère volontaire de sa jeune héroïne, blessée mais résiliente, qui gravit les sommets l’un après l’autre (d’abord elle devient championne de France de slalom, ensuite championne d’Europe de la même discipline de ski alpin), tout cela ensemble nous hante de manière entêtante après la projection.

Slalom est une œuvre cinématographique d’aujourd’hui parfaitement aboutie, et qui accompagne l’éclosion d’une magnifique réalisatrice de films de cinéma, et d’une très belle jeune comédienne, que nous suivrons toutes deux passionnément au long des années.

Ajoutons qu’avant le démarrage de la séance, dans la Salle 5 de Ciné 32, une programmatrice nous a remerciés d’être présentes et présents au cinéma pour accompagner cette nécessaire et salutaire reprise d’activité culturelle. Qu’elle en soit ici chaleureusement remerciée à son tour.

 

 

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« Your Honor » vs « Un homme d’honneur » (2020-2021)

Les magnifiques comédiens Anglo-Saxons Hunter Doohan et Bryan Lee Cranston.

Les magnifiques comédiens Anglo-Saxons Hunter Doohan et Bryan Lee Cranston.

Quand une production audiovisuelle a du succès dans une aire culturelle donnée, on la voit réapparaître peu de temps après en un autre endroit de la sphère culturelle. C’est ce qui arrive avec une série israélienne qui a donné lieu a une version américaine, puis qui est maintenant adaptée pour les écrans français. Il s’agit de Kvodo (Israël, 2017), dont le remake américain s’appelle Your Honor (États-Unis, 2020-2021) et comporte 10 épisodes, et la version française qui est une création originale TF1 Productions se nomme Un homme d’honneur (France, 2021) et contient 6 épisodes.

De quoi s’agit-il ? Dans la version américaine comme dans la version française (je ne parlerai pas de la création originale israélienne dans la mesure où je ne l’ai pas encore visionnée) on assiste à la catastrophe accidentelle qui arrive à un magistrat en exercice et à son fils lycéen. Le père vit seul avec son fils depuis que son épouse est morte un an auparavant. Au commencement donc a lieu un terrible accident, entre un adolescent, le fils du magistrat, qui percute violemment au volant de sa voiture un autre adolescent du même âge qui roule en moto. En totale panique, le jeune garçon de 17 ans n’appelle pas les secours et prend la fuite. Très vite, dès l’épisode inaugural, on apprend que la victime est le fils benjamin d’un baron de la drogue, redouté et redoutable. Quand le magistrat, un juge fédéral de la Nouvelle-Orléans dans la version américaine, un procureur de la république parisien dans la version française, apprend l’identité de la victime que son fils vient de mortellement blesser, il va plonger dans l’envers du décor ; il va devenir parjure, créer de fausses preuves, utiliser l’outillage traditionnel des malfrats qu’il envoie en prison habituellement, tout cela pour sauvegarder la peau de son fils.

Une belle alchimie entre les comédiens Rod Paradot et Kad Merad.

Une belle alchimie entre les comédiens Rod Paradot et Kad Merad.

Évidemment il existe une nette différence entre les 2 versions, dans la mesure où, avant de parler de différences de principes en matière de narratologie et d’expression de la dramaturgie des 2 côtés de l’Atlantique, les systèmes judiciaires français et nord-américains sont aussi très différents. Bryan Cranston avait donné à son personnage du juge Michael Desiato une épaisseur extraordinaire, assez bouleversante. La grande maîtrise dramatique de cet acteur exceptionnel permettait d’adhérer à l’histoire rocambolesque qui nous était racontée ; son antagoniste Jimmy Baxter, le chef de la mafia de la Nouvelle-Orléans, interprété avec classe par le magnifique comédien Michael Stuhlbarg, n’y était pas pour rien non plus. on assistait en 10 épisodes à la réalisation sophistiquée, extrêmement maîtrisée en matière de grammaire cinématographique, à un duel épique au sommet.

Cependant il ne faut pas négliger l’adaptation française, car elle ne démérite pas. Kad Merad est parfaitement crédible en magistrat parisien qui se trouve impliqué dans une affaire qui dépasse l’entendement, et Rod Paradot, qui joue son fiston désemparé, offre une partition sobre et élégante. Ils sont particulièrement aidés par l’interprétation toute en finesse donnée par la grande actrice Zabou Breitman, qui dans son rôle de la commandante de police Laure Constantine, prouve une fois de plus qu’elle est actuellement une de nos plus délicates comédiennes.

À suivre… (avec grand intérêt !)

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Les films d’horreur contemporains : [#2] « The Hunt » (2020)

Betty Gilpin, impressionnante, dans "The Hunt" de Craig Zobel (2020)

Betty Gilpin, impressionnante, dans « The Hunt » de Craig Zobel (2020)

Depuis plus d’une dizaine d’années les Productions Jason Blum dominent en qualité le genre horrifique au cinéma. Même si les débuts furent laborieux (qui, parmi les amateurs de films d’horreur, aime vraiment, sans arrière pensée, la saga des Paranormal Activity – 5 films au total à ce jour), tout le monde s’accorde à dire que des franchises comme par exemple American Nightmare (4 films à ce jour) ou Happy Birthdead (2017) et Happy Birthdead 2 You (2019) ont renouvelé en profondeur les codes surannés du film d’horreur, basés sur les jump scares à répétition. Il faudra un jour prochain écrire un livre, qui se proposera d’analyser de quelles manières ce producteur américain a déjoué tous les pronostics, en remettant au goût du jour les formules qui firent le succès des Productions Roger Corman et Amblin Entertainment au siècle dernier.

En 2020 une production Blum remet les pendules à l’heure : il s’agit du film The Hunt, qui est réalisé par Craig Zobel, sur un scénario machiavélique de Nick Cuse et de Damon Lindelof, vous savez, le génial créateur de la série TV phénomène Lost.

Le film est une relecture ahurissante des Chasses du Comte Zaroff d’Irving Pichel & Ernest B. Schœdsack (The Most Dangerous Game, États-Unis, RKO Radio Pictures, 1932), porté de bout en bout par une actrice exceptionnelle, Betty Gilpin. Cette sublime actrice américaine de 34 ans nous scotche à notre canapé (faute de mieux car pour le moment, hélas, les salles ne sont toujours pas rouvertes, et c’est insupportable !), et ses mimiques qui ponctuent les purs moments d’adrénaline de la pellicule, nous font deviner une nature comique qu’une réalisatrice talentueuse devra vite exploiter. Pour moi, en 2021, le monde du cinéma de divertissement appartient à Betty Gilpin donc, et à Rebecca Ferguson ; d’ailleurs ces 2 actrices se ressemblent étrangement comme 2 gouttes d’eau… Mystères, mystères !

Ensuite je ne peux rien vous dire de plus car il faut absolument visionner The Hunt, vierge de tout préjugé. Cela vous permettra d’être réceptif aux péripéties et à l’enchainement des séquences, jusqu’au déroulé final, totalement inattendu et diablement bien mis en scène. Cela faisait longtemps qu’on ne m’avait pas offert un vrai morceau de bravoure dans un film de cinéma, disons depuis le beau duel entre Uma Thurman et Lucy Liu sous la neige dans Kill Bill, le 1 ou le 2, je ne sais plus.

Il va falloir compter désormais avec le cinéaste Craig Zobel dans les années à venir.

Jetez-vous avec gourmandise sur The Hunt, frissons de plaisir garantis !

 

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Vivement 2021 !

Marilyn Joyeuses et heureuses fêtes de fin d’année à tout le monde !

Que l’année 2021 nous apporte des moments d’émotion et de joie incomparables.

Big kisses from Marylin.

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Les colonies humaines dans l’espace sauveront-elles le genre humain ?

Raised by Wolves C’est, entre autres, de cela dont il est question dans la série de science-fiction du moment, Raised by Wolves (États-Unis, HBO Max/Warner TV/Scott Free Productions, 1 saison, 2020- ) d’Aaron Guzikowski.

Le voyage dans l’espace, afin de trouver une planète viable pour la coloniser, est la marotte principale des auteurs de S.-F. d’aujourd’hui. Depuis que le regretté astrophysicien Stephen Hawking a exprimé l’idée, selon laquelle la seule chance de salut de l’Humanité pour les siècles à venir, résidait dans la colonisation humaine d’une planète hors du système solaire, les créatifs de la S.-F. s’en donnent à cœur joie, et nous proposent à chaque fois leur vision de toute cette affaire.

Et Ridley Scott n’est pas en reste, dans la mesure où il n’est pas près de remettre en jeu sa ceinture de champion poids lourd des catégories des arts de l’imaginaire. Alors il hybride à tout va les différents univers qu’il filme depuis 1979 et la sortie mondiale d’Alien, le 8e passager (Ridley Scott, Royaume-Uni/États-Unis, Brandywine Productions, 1979) : des bestioles xénomorphes sacrément hostiles et agressives, des androïdes doué.e.s de sentiments  humains et de capacités cognitives hors du commun, des civilisations extra-terrestres extrêmement évoluées mais qui n’en peuvent…

Depuis quelques années le réalisateur anglais revisite les fondements de sa rêverie spatiale cinématographique. Non content d’avoir relancé la machinerie Alien sur grand écran avec le succès que l’on sait, le père Scott tente le tout pour le tout : la réunification dramaturgique des différents arcs narratifs qui constituent les 3 matrices, celle d’Alien, celle de Blade Runner (Ridley Scott, États-Unis, Warner Bros., 1982), et celle de Prometheus et de Covenant : où les androïdes doué.e.s de raison, celles et ceux qui les traquent (chasseurs de primes première manière à la Rick Deckard ou à la Gaff), et nouveaux chevaliers croisés de la Nouvelle Alliance de l’espace, les Mithraïques, ainsi que les méchantes bestioles baveuses qui en veulent à tout le monde, sans oublier les Ingénieurs, ces êtres païens cosmiques qui savent mesurer la vie là où pourtant tout est noir, et terriblement hostile, tout ce petit monde se rejoint pour signifier le but suprême de l’existence.

En matière de S.-F. existe-t-il des prophéties auto-réalisatrices ?

À suivre…

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« Quand l’histoire fait dates : 7 septembre 1812, la bataille de Borodino/La Moskova »

Borodino En matière d’Histoire militaire, la date est le marqueur qui grave une bataille dans le temps.

Pendant plusieurs siècles de nombreux pays, dont la France, ont fait de la frise chronologique l’instrument de travail privilégié pour river un événement guerrier sur le socle immuable de l’Histoire nationale. Car écrire l’Histoire, c’est aussi affermir une position de pouvoir intellectuel, politique et social.

Les historien.ne.s sont des personnes morales qui doivent résister à la tentation de faire valoir une manière de voir et de raconter les faits, avec l’appui des documents et des archives, dans une perspective globale, qui paraît être en première lecture universelle, ne souffrant d’aucune contradiction.

Pourtant, un événement historique considérable comme la bataille de Borodino, le 7 septembre 1812, quand l’Empereur Napoléon se jette à marche forcée contre les cohortes du Tsar Alexandre Ier de la Grande et imprenable Russie, elle aussi un Empire qui ne souffre aucune concurrence, il y a plusieurs façons de le raconter, selon d’où l’on se place pour en parler. Et puis, par rapport à ce que l’historiographie française a gravé dans le marbre, qu’en est-il aujourd’hui du côté de l’historiographie russe ?

C’est de cela dont traite, en 27 minutes passionnantes, le nouveau film documentaire de Thomas Sipp, consacré à cette prodigieuse bataille de Borodino, qui marqua un tournant dans l’expansion de la conquête impériale napoléonienne vers l’Est. D’ailleurs les français préfèrent parler de bataille de la Moskova, un sous-affluent de la Volga, pourtant situé à une dizaine de kilomètres du champ de bataille de Borodino, qui devait ouvrir à la Grande Armée de Napoléon, commandé par le Maréchal Ney, les portes de Moscou. Patrick Boucheron explique avec clarté les enjeux mémoriels puissants qui confèrent à cette bataille un aspect singulier, tandis que l’historienne Marie-Pierre Rey, spécialiste de la Russie, plonge en détail dans quelques faits saillants de cette épopée hors du commun, qui vit 2 Empires au faîte de leur puissance s’affronter avec acharnement au début du dix-neuvième siècle.

Thomas Sipp a fait, une fois de plus, dans son film 7 septembre 1812, la bataille de Borodino/La Moskova un travail remarquable de mise en images, en musique et en sons de cette dramatique geste guerrière, afin de nous permettre d’en appréhender au mieux les enjeux stratégiques et humains.

Il s’agit d’un nouveau petit bijou dans la passionnante collection d’Arte, Quand l’histoire fait dates.

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Apprendre les rouages de l’économie de marché en 8 leçons !

Les actrices Marisa Abela et Myha'la Herrold, figures de proue de la première saison de la série "Industry".

Les actrices Marisa Abela et Myha’la Herrold, figures de proue de la première saison de la série « Industry ».

Industry (2020- , Royaume-Uni/États-Unis, 1 saison de 8 épisodes, BBC/HBO) est une série qui ausculte les rouages d’une entreprise de capitalisation boursière, Pierpoint & Co, située dans la City de Londres, à l’aune de ses nouvelles recrues.

Ces jeunes gens ont décroché le graal : ils viennent d’être embauchés pour la première fois de leur vie dans la haute finance, après avoir obtenu leur diplôme en économie. La série s’intéresse à une poignée d’entre eux, des jeunes filles et des jeunes garçons qui découvrent en même temps que nous, à l’intérieur de la machinerie capitalistique contemporaine, ce que faire du fric veut dire. Et ce que ça fait à l’intérieur de soi-même de vouer son existence aux mânes du dieu vert et de ses corollaires : la livre sterling, l’euro et le yen.

Dans ces 8 épisodes sobrement filmés, la caméra portraiture ces jeunes gens qui font connaissance avec l’aliénation, la vraie, celle qui ne laisse aucune place, ni aux sentiments, ni à la sensibilité, encore moins à l’empathie. Il n’y a qu’à voir de quelle manière on accueille la nouvelle du décès d’une de ces nouvelles recrues, Hari, retrouvé sans vie dans les toilettes du Desk.

Des jeunes gens, hommes et femmes d’une vingtaine d’années à peine, apprennent à pactiser avec le démon. Celles et ceux qui ont des soupçons seront brutalement écarté.e.s.

La finance internationale, le marché obligataire, les graphiques de variation des taux de change, les fluctuations des index et des indices, les méandres de variabilité des bons du Trésor ne font pas de sentiment.

Dès leur premier jour dans la boîte, on convoque les nouveaux arrivants dans un amphithéâtre pour leur annoncer qu’en l’espace de 6 mois la moitié d’entre eux se fera éjectée. Celles et ceux qui resteront n’auront même pas le temps de se poser la question de savoir si ça valait le coup. Car les super-datas d’analyses en surchauffe ne souffrent aucun retard, aucune négociation. 

Bienvenue dans un univers au-delà même de la cruauté la plus élémentaire !

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Le deuxième siècle du cinéma commence maintenant [#5]

Une belle actrice de talent sur la trace de ses prestigieuses consœurs.

Une belle actrice de talent sur la trace de ses prestigieuses consœurs.

Aimer le cinéma, c’est aimer celles et ceux qui l’incarnent.

Les actrices et les acteurs de cinéma sont la matérialisation concrète du désir puissant de vouloir raconter une histoire en images et en sons.

Ce désir puissant existe partout, en tous lieux, en différents endroits de la planète, parfois aux antipodes les uns des autres. L’envie sensationnelle de vouloir donner à voir ce qu’on a en tête passe toujours, depuis 1895, par le corps de l’actrice et de l’acteur. Les réalisat.eur.rice.s ne dirigent pas tellement leurs comédien.ne.s mais ils et elles les incitent à incarner un personnage en modelant avec d’infinies précautions une attitude, un geste et une intonation. Nous sommes toutes et tous les propres acteurs de nos vies ; chacun de nos sentiments, chacune de nos attitudes peuvent donner lieu à une multitude de récits. Alors le génie de la mise en scène de cinéma réside dans cette qualité essentielle : celle de traduire en scène, en séquence dialoguée, à travers une valeur de plan, par le truchement de la caméra et du micro, la variété et la complexité de nos comportements humains, en essence et en acte.

C’est pour cette raison que nous aimons tellement nous voir dans le miroir de l’écran blanc de la salle de cinéma. Nos orientations sensorielles, nos compréhensions, parfois justes, parfois erronées, du sens des choses se trouvent traduites en 24 images/seconde sur une bande de celluloïd de 16 ou de 35 mm, en couleurs ou en noir & blanc, en Mono ou en Stéréo.

En 2020, les corps, les visages de cinéma incarnent de nouveaux modèles de figuration et de représentation ; et certaines carrières sont émouvantes à scruter, en ce qu’elles nous éblouissent : une actrice comme Kristen Stewart, révélée par la saga de teen-movies Twilight (de 2008 à 2012), occupe crânement l’affiche depuis tout ce temps-là. Et ce n’est pourtant pas si facile, et pas donné à tout le monde, de garder année après année cette stature d’icône chic et glamour dans un monde globalisé qui a fait de l’oubli son principal principe d’occupation des jeunes esprits. En incarnant dans un biopic l’actrice américaine Jean Seberg (Seberg, Benedict Andrews, Royaume-Uni/États-Unis, Dolby Atmos, 2019) Kristen Stewart montre qu’elle se place dans une continuité artistique choisie, et âprement négociée.

À suivre…

 

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Le deuxième siècle du cinéma commence maintenant [#4]

Columbia Une chose est  sûre : ce deuxième confinement n’est pas une bonne nouvelle pour les métiers du cinéma. Toutes les productions sont à l’arrêt, les projets sont au point mort et de toute façon, comme les salles sont fermées…

Le premier confinement du printemps dernier avait saisi tout le monde (ou à peu près) d’effroi. Seule la guerre de 39-45 avait mis un terme à la projection des films en salles, et le monde d’après mai et juillet-août 1945 avait mis un sérieux coup de canif dans l’embellie du cinéma américain depuis les années 1930. Les Golden Age et Silver Age des 8 grandes compagnies de production hollywoodiennes de ce temps (Paramount PicturesUniversalColumbia PicturesThe Warner Bros. CompanyThe Walt Disney CompanyThe 20th Century Fox, Metro-Goldwyn-Mayer Inc. et United Artists) avaient profité aux nababs, aux stars incandescentes et dans la salle à manger des scénaristes de la Warner, à Burbank, Californie, San Fernando Valley, il n’était pas rare d’y croiser William Faulkner, Raymond Chandler, Dashiell Hammett et William Riley Burnett tailler le bout de gras.

Le cinéma de ce temps-là n’était pas un simple divertissement ; il était une religion ardente, avec des rites sacrés, une théogonie et des impressions sur pellicule qui valaient témoignage de foi. Veronica Lake, Louise Brooks, Gene Tierney, Jane Russell étaient les déesses de l’écran, qui ne figuraient dans aucun manuel d’anthropologie religieuse. Pourtant elles drainaient autour d’elles leur cohorte d’admirateurs fervents, de bonzes débonnaires prêts à sacrifier ce qu’ils avaient de plus cher pour continuer à exister dans leurs sillages d’ombres et de lumières. L’invention du cinématographe par Louis et Auguste Lumière a permis aux inventeurs-créateurs du vingtième siècle naissant de laisser libre-cour à leur imagination en fabriquant une nouvelle manière de raconter des histoires. Le plaisir de la lecture réside dans le fait d’être seul avec les mots imprimés ou écrits à la main sur la page ; le plaisir du cinéma, lui, réside dans le fait de regarder la même chose en collectivité. Rien de plus énervant que de subir le spectacle affligeant d’un écrivain qui lit à voix haute son texte ; rien de plus plaisant que cette ivresse quand surgit le lion rugissant de la M.G.M ou la personnification des États-Unis d’Amérique brandissant sa torche au générique des films de la Columbia.

caméra

Au deuxième siècle du cinéma l’étincelle des débuts est toujours là. Seulement voilà : une pandémie de Coronavirus, 19e de sa catégorie à être venu nous visiter, a bouleversé notre rapport aux images-fétiches. Désormais, le repli est quasi généralisé vers les écrans minuscules qui diffusent en continu du contenu audiovisuel. Le cinéma est plus que jamais menacé par ces formes de consommation filmique, et les pouvoirs publics ne prennent pas entièrement conscience du danger qu’il y a à n’utiliser aucun recours juridique face aux géants d’internet. Il sera trop tard quand certaines multinationales des médias et de la communication auront sciemment effacé de la mémoire des gens tout un pan de la culture cinématographique mondiale. Les îlots de résistance ne suffiront pas pour réactiver l’amour inconditionnel, exclusif, des images en 35 mm.

Il serait grand temps de se réveiller une bonne fois pour toute !

À suivre…

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« Lupin III : The First » – les nouvelles aventures, nippones, du gentleman cambrioleur

 Lupin III_The First Dans la famille Lupin, prenons par exemple le petit-fils, lequel a repris le flambeau de papy pour faire de la haute voltige en cambriolant. On sait depuis longtemps que les créateurs d’animés japonais adorent puiser leur inspiration dans les feuilletons d’aventures européens, et notamment français. Attention, cela dit, ils ont aussi leur propre univers culturel, qui n’a absolument rien à envier au nôtre. Et pour un Hayao Miyazaki qui mêle à la perfection références nippones et références européennes dans certains de ses films (par exemple la culture italienne dans le sublime Porco Rosso qui date de 1992), la plupart des réalisateurs d’animés inventent à chaque fois leurs paradigmes fictionnels.

Dans Lupin III : The First (Japon, 2019) du réalisateur Takashi Yamazaki, l’histoire commence en France, dans la campagne de la banlieue parisienne, pendant la seconde guerre mondiale. Dans la demeure du professeur Bresson, un célèbre archéologue, celui-ci confie à son fils et à sa belle-fille son journal secret dans lequel est répertorié l’emplacement exact d’une puissance énigmatique qui pourrait bien modifier le cours de la guerre en cours. Bien entendu les nazis sont à ses trousses. Le fils et la belle-fille et leur charmant bébé ont juste le temps de prendre la fuite avant l’arrivée du convoi nazi. Le journal du professeur Bresson est caché à l’intérieur d’un mécanisme ingénieux, inviolable, fabriqué par son ami… devinez qui ? 

Pour le savoir, emmenez vite vos enfants découvrir ce somptueux film d’aventures qui est un hommage décomplexé aux Indiana Jones que nous avons tant aimés. On sent que Takashi Yamazaki est un amoureux éperdu de tous ces films admirables qui mêlent l’action échevelée, les cascades délirantes et les relations humaines qui se nouent à l’intérieur de sa petite bande d’aventuriers, tous plus attachants les uns que les autres ; mention spéciale pour la délicieuse Laetitia, pour la complice de Lupin, qui est aussi une cambrioleuse de haut rang, et pour le duo formé par le samouraï qui ne se sépare jamais de son sabre et pour son acolyte nonchalant avec chapeau et mégot. Et dire que tout cela a été pensé au début avec seulement des encres colorées et des feuilles Canson de format grand aigle. Le génie de l’animation est français, ça d’accord, on nous le rabâche depuis assez longtemps maintenant, mais il y a quand même une poésie toute particulière qui est propre à l’animation japonaise.

Lupin III : The First est tout simplement une merveille d’aventures pour tous les âges et d’ingéniosité technique et artistique d’un très, très haut niveau.

Et puis aussi il faut aller au cinéma, il faut sauver le cinéma.

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