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Ciné Seventies : « The Driver » de Walter Hill

Isabelle Adjani et Ryan O' Neal illuminent de leur beauté et de leur talent ce magnifique film d'actions urbaines de Walter Hill.

Isabelle Adjani et Ryan O’ Neal illuminent de leur beauté et de leur talent ce magnifique film d’actions urbaines de Walter Hill.

Les cinéastes américains ont été pendant longtemps fascinés par la figure du braqueur de banques. Et en 1978 Walter Hill s’intéresse plus spécifiquement à celui qui ne participe pas directement au braquage : le chauffeur qui, une fois le larcin réalisé, doit conduire à tombeau ouvert pour échapper à la police.

Pour incarner son héros, un chauffeur mutique blond virginal, Walter Hill a choisi le magnifique acteur Ryan O’ Neal, lequel avait éclaboussé de sa classe le tournage de Barry Lyndon de Stanley Kubrick trois ans auparavant. Ryan O’ Neal, en grand professionnel, incarne à la perfection cet homme qui utilise ses qualités hors-normes de pilote pour aider des malfrats à commettre des hold-up. 

Au début du film, ses employeurs ne peuvent que se féliciter d’avoir un as du volant comme lui dans l’équipe ; mais voilà qu’un policier particulièrement finaud (incarné par le génial Bruce Dern) s’est juré de le coincer et de l’envoyer derrière les barreaux (pendant au moins 15ans). 

Et puis une très belle jeune femme de 22 ans (incarnée à la perfection par notre Isabelle Adjani nationale, auréolée du succès de L’Histoire d’Adèle H. de François Truffaut en 1975, et que Hollywood courtisait), joueuse professionnelle de poker, se met dans les pas du beau pilote, sans que l’on sache, lui comme nous, quelles sont ses intentions. Tout est en place (le pilote qui n’aime ni les armes à feu ni la violence, la joueuse ambiguë, le flic cintré) pour que la mécanique filmique nous entraîne dans une farandole de courses-poursuites échevelées. 

À mon sens The Driver reste à ce jour le plus beau film de Walter Hill, car ici tout fonctionne merveilleusement bien : la narration est fluide, les dialogues sont crédibles, les principaux interprètes jouent à la perfection et la photographie du film de Philip Lathrop est belle à tomber de son canapé.

Et puis il s’agit d’une œuvre matricielle, à laquelle d’autres grands noms d’Hollywood voudront se confronter : Michael Mann avec Le Solitaire en 1981, Dominic Sena avec 60 secondes chrono en 2000, ou encore Nicolas Winding Refn avec Drive en 2011, sans oublier la franchise au succès foudroyant Fast & Furious (10 films à ce jour, de 2001 à 2023).

The Driver (1978) est un réjouissant film policier et d’actions urbaines qui reste un modèle d’écriture cinématographique au découpage impeccable. Ne boudez pas votre plaisir et faites rugir les chevaux !

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Quand l’anarchie se matérialisait en musique : « Pistol » (2022)

Le quatuor à ses débuts, vers 1976, quand Sid n'avait pas encore rejoint la formation.

Le quatuor à ses débuts, vers 1976, quand Sid n’avait pas encore rejoint la formation.

Pour s’attaquer à un monument de la musique populaire anglaise de la fin des années 1970, il fallait avant tout réunir une brochette de comédiennes et de comédiens exceptionnels. Pour la production, diligentée par la chaîne FX Network, il ne fallait pas se louper : car pour interpréter Sid Vicious, John Lydon, Steve Jones, Paul Cook, Glen Matlock et Chrissie Hynde il fallait des jeunes gens à la hauteur. Et la première chose que l’on constate en visionnant les 6 épisodes de Pistol c’est que chacun d’entre eux incarne avec justesse – et un charisme fou – cette pléiade de jeunes voyous qui révolutionnèrent l’espace musical anglo-saxon en une poignée d’années seulement (de 1976 à 1979 environ, pour faire court).

Assister, bien que de manière fictive, à l’audition d’un John Lydon pour le poste de chanteur, qu’on croirait tout droit sorti d’un centre de redressement, alors qu’il n’y a pas plus fils à maman que ce charmant garçon, ou encore voir se nouer une relation d’estime réciproque entre le voyou au grand cœur Steve Jones et la future reine de la rock music Chrissie Hynde, qui n’a pas encore rencontré ses Pretenders, donne le tempo d’une série qui reprend le flambeau là où l’avait laissé choir Martin Scorsese à la fin du dernier épisode de la première et ultime saison de Vinyl (États-Unis, HBO, 2016).

Pistol (États-Unis, FX Productions, 2022) est une mini-série en 6 épisodes qui retrace le parcours fulgurant des Sex Pistols, le groupe de punk définitif diront certains. Mouais, diront certaines autres qui préfèrent assurément The Clash, The Damned ou The Stranglers.

Question de goût et d’éducation aussi, assurément. Car suivre tous ces groupes en concert, entre 1976 et 1980, à Londres puis dans le nord de l’Angleterre, quand ils partaient en tournée, relevait du sport de combat, tant les anti-punks et anti-punkettes étaient légion en Albion.

C’est de cela que parle Pistol, cette série réalisée par Danny Boyle basée sur les mémoires du guitariste Steve Jones (vous pensez qu’il est objectif le bougre, mouais, allons donc mes ladies !), qui règle quelques comptes quand même avec le milieu sordide de la musique qui vend beaucoup de disques à des kids qui n’ont tout simplement pas les moyens de se les acheter.

Mais ne boudez pas votre plaisir : one, two, three, four… Here’s the Sex Pistols !

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Quand la fantaisie atténuait la tristesse

 

Quatre garçons dans le vent des années 1970 s'en donnent à cœur joie.

Quatre garçons dans le vent des années 1970 s’en donnent à cœur joie.

Ce sont quatre copains, quatre garçons dans le vent de la France giscardienne. Nous sommes en 1976 et les socialistes ne sont pas encore revenus au pouvoir (il faudra attendre mai 1981 pour cela). Et puis sous François Mitterrand, Claude Brasseur incarnera plutôt des types durs au mal (dans Une affaire d’hommes de Georges Conchon en 1981, ou encore dans Légitime violence de Serge Leroy un an plus tard, en 1982). Quant à son copain Jean Rochefort, une fois les socialistes revenus Place Beauvau comme au Quai d’Orsay ou encore Place Vendôme, ce dernier s’intéressera de plus en plus aux chevaux et à l’équitation, sans cesser toutefois de jouer dans des films solides (comme Un dimanche de flic de Michel Vianey en 1983, où il retrouve Victor Lanoux, ou encore L’indiscrétion de Pierre Lary en 1982, en compagnie de Jean-Pierre Marielle et de la divine Dominique Sanda).

Mais en attendant, en 1976 et en 1977, les quatre garçons que sont Jean Rochefort, Guy Bedos, Victor Lanoux et Claude Brasseur, ont pour seule obsession de prendre un peu de bon temps en jouant au tennis en double et en essayant de conquérir une femme (c’est surtout le cas d’Étienne Dorsay, joué avec finesse par l’impérial Jean Rochefort – dire que je l’ai croisé un jour Place Wilson à Toulouse, en 1994 ou en 1995, et que je n’ai pas osé l’aborder pour lui témoigner toute mon admiration ; j’étais jeune alors, et incapable de cette générosité-là : dire à un artiste de cinéma qu’on l’aime. Oui, bon, séduire une femme d’accord, mais si possible jeune, afin de faire oublier la routine d’une vie conjugale routinière qui met la libido en sourdine (il faut dire que madame a décidé de reprendre ses études universitaires et par conséquent ouvre l’appartement bourgeois à une flopée de chevelu.e.s qui préparent le Grand Soir ; seul le jeune Christophe Bourseiller ne s’y trompe pas, qui veut coucher à tout prix avec Marthe Dorsay (délicieuse Danièle Delorme), l’épouse d’Étienne.

Enfin, quoi, Étienne Dorsay s’ennuie au Ministère de l’Information. Alors il va se prendre d’une passion toute juvénile pour la pétulante Charlotte (incarnée avec très grande classe par l’immense comédienne Annie Duperey), alors que sa propre épouse, Marthe, est la dignité faite femme. Mais un homme marié, encore aujourd’hui, peut-il réellement se rendre compte de ce qu’il faut d’abnégation, de vrai courage et de sens du sacrifice, pour supporter les invraisemblables et mesquines supplications de n’importe quel pathétique mâle (cela, Victor Lanoux le joue à la perfection dans son rôle de Bouly le boulet). D’ailleurs de cette bande des quatre, il est le seul à avoir un rôle très ingrat, et comme Lanoux le joue à la perfection, on se rend alors compte qu’il était lui aussi un formidable acteur.

Un éléphant ça trompe énormément d’Yves Robert (Gaumont, 1976) nous parle de cela : pendant que Rome brûle nous contemplons, debout sur l’Aventin et pour le moment à l’abri des flammes, avec une jubilation discrète, le brasier s’étendre et les flammèches commencer à lécher les murs des maisons en torchis des faubourgs ; Claude Brasseur, ou plutôt Daniel, son personnage d’avocat suffisant, joue lui-aussi avec le feu en séduisant de jeunes giscardiens à gourmette…

… à suivre

 

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The Movie Hunter présente : « The Mechanic » (1972)

Le Flingueur Dans les années 1970 le réalisateur anglais Michael Winner met en scène ses meilleurs films en compagnie de son acteur fétiche, l’américain Charles Bronson. Tous les deux ensemble ils vont proposer au public une série de thrillers urbains, dans lesquels l’acteur, minéral, taiseux et noueux, affronte les forces noires d’une société capitaliste dérégulée : des sociopathes camés et désœuvrés qui violent des femmes dans Death Wish (1974), des personnes peu recommandables qu’il faut éliminer physiquement pour le compte de l’Organisation dans The Mechanic (1972), un shérif raciste particulièrement coriace dans Les Collines de la terreur (toujours en 1972), ou encore les membres de la mafia de Los Angeles dans Le Cercle noir (1973).

Michael Winner, le dandy anglais, savait filmer Charles Bronson, bloc de virilité à l’état pur, force agissante qui ne verbalisait jamais ses sentiments, mieux que personne : dans The Mechanic (États-Unis, MGM, 1972), ce chef-d’œuvre que les 2 artistes fomentèrent ensemble, au titre français, Le Flingueur, parfaitement adapté pour une fois, et 2 ans avant cette autre œuvre maîtresse, Death Wish, qui allait irriguer tout le cinéma noir américain des 40 années suivantes, Bronson campe le héros taciturne à l’acmé de sa carrière et de son charisme minéral. Tout est dans l’attitude, tout est dans l’attirail : pantalon cintré en pattes d’éléphant (on sort du Flower Power et le rêve hippie a un coup dans l’aile – même constat dans Breezy de Clint Eastwood, sorti un an plus tard, en 1973), chemise bleu ciel d’ouvrier métallurgiste, blouson en cuir noir italien, ajusté, et le cheveu noir de jais mi-long avec une fine moustache latino en prime, et deux petits yeux étincelants de malice, qui vous figent instantanément quand ils se posent sur vous.

Steve McKenna a 44 ans, vit seul dans une superbe maison à Los Angeles, et est le meilleur tueur à gages de l’Organisation. Au début du film, après avoir minutieusement exécuté un contrat, ses employeurs lui demandent de dessouder son mentor, un ami de son défunt père. McKenna n’a aucun remords, il n’hésite pas à occire le vieil homme dans sa voiture, lequel laisse un fils de 24 ans, Arthur Bishop, qui zone dans l’existence, mais qui a du potentiel juge McKenna. Il décide alors d’en faire son associé.

Bien entendu, l’aventure des 2 compères, sanglante, va tourner court. Car dans tout film qui mêle mafia, grand banditisme, et espionnite à l’entourloupe, tout n’est qu’affaire de filiation et de trahison. Même un James Bond aguerri doit parfois se méfier d’un Félix Leiter.

La majeure partie du film se déroule dans les paysages urbains sublimes de Los Angeles et de la Californie des Seventies, et le dernier quart de bobine, éblouissant, plonge nos 2 amis/ennemis dans l’écrin somptueux de Naples et de la Côte Amalfitaine. Jan-Michael Vincent, véritable découverte du film, laissait augurer d’une carrière exceptionnelle, un peu à la manière d’un Jeff Bridges qui accompagnait le grand Clint dans le chef-d’œuvre originel de notre ami Michael Cimino la même année : Le Canardeur (Thunderbolt and Lightfoot, États-Unis, The Malpaso Company, 1974). [Mais nous reviendrons très vite sur toute cette affaire dans un prochain numéro de The Movie Hunter, c’est promis !].

Hélas, Jan-Michael Vincent, le jeune acteur américain, ne confirma jamais les grands espoirs de carrière cinématographique placés en lui, si on excepte les 4 saisons hautement divertissantes et parfaitement recommandables, notamment pour les enfants, de la série télévisuelle Supercopter, entre 1984 et 1987.

Charles Bronson, lui, comme à son habitude, tient la baraque comme personne, et prouvait, en 1974, que son seul véritable rival en matière de comédies d’aventures policières efficacement rythmées et rondement menées, n’était autre que son vieil ami Clint Eastwood.

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À propos de « Star Wars » [#1]

Star Wars À mon sens la première trilogie Star Wars reste inégalée aujourd’hui (en juin 2021) car elle a respecté un ordre chronologique précis : 3 années entre chaque nouveau film. 1977 = le tout premier Star Wars sort sur les écrans de cinéma ; 1980 = L’Empire contre-attaque lui succède ; et enfin 1983 = Le Retour du Jedi clôt en majesté la trilogie. 

Remontons un peu dans le temps, jusqu’au début des années 1970 à Hollywood : George Lucas, quand il est étudiant en cinéma à USC (University of South California), réalise un film de fin d’études sous la supervision de son professeur Irvin Kershner. Ce dernier l’encourage à le développer pour en faire un long-métrage de cinéma. En même temps, un autre jeune cinéaste brillant, Francis Ford Coppola, approche George Lucas et décide de produire son « petit film » avec sa propre société de production American Zoetrope. Ainsi THX 1138, le premier long-métrage de George Lucas sort sur les écrans en 1971 et fait parler de lui.

Si bien que le patron de la 20th Century Fox, Alan Ladd Jr, s’intéresse à lui et décide de l’avoir dans son écurie. George Lucas enchaîne ainsi avec la réalisation de son 2e long-métrage, lequel évoque ses souvenirs d’adolescence : il s’agit d’American Graffiti (1973) qui prouve que ce jeune réalisateur peut mettre en images, en son et en musiques une comédie extrêmement bien ficelée et audacieuse. Et cela juste après avoir mis en boîte un film de S.-F. dur et expérimental qui a décontenancé le public.

En misant sur George Lucas Alan Ladd Jr a senti tout le potentiel extraordinaire du jeune homme. C’est pourquoi il accepte de financer le projet suivant de son poulain après avoir lu un premier traitement de 14 pages intitulé The Star Wars. Le budget alloué à ce projet se monte à 100 000 dollars seulement. Les choses vont alors s’enchaîner très vite dès la signature du contrat de mise en pré-production.

To be continued…

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Enjoy « Phantom of the Paradise » de Brian De Palma (1974)

Phantom of the Paradise Commençons cette nouvelle année en nous plongeant dans les circonvolutions esthétiques d’un grand film de Brian de Palma, tout à fait unique dans sa filmographie. Il s’agit de Phantom of The Paradise (États-Unis, Harbor Productions), un film haut en couleurs sorti sur les écrans en 1974.

C’est effectivement un film unique dans l’œuvre de ce réalisateur, qui aimait, durant les années 1970, mettre en boîte des histoires policières tordues, ou bien des univers fantastiques extrêmement dérangeants. Les années 1970 furent pour De Palma l’apothéose de son travail filmique, de créateur de formes cinématographiques, audiovisuelles, qui continuent de faire sens aujourd’hui.

Mettre en scène en 1974, à travers la caméra 35 mm, l’histoire de Faust tenait du pari. Car il fallait s’entourer à la fois d’une équipe artistique et d’une équipe technique de haut vol. Et c’est ce qui arriva à De Palma, il bénéficia en outre de l’appui financier du producteur indépendant Edward R. Pressmann et le film, une fois tourné, reçut un budget de 2 millions de dollars pour être distribué par la 20th Century Fox. Ce qui n’empêcha malheureusement pas le film de faire un flop à sa sortie. 

Dérouter l’histoire du pacte de Faust avec le diable pour l’ancrer au beau milieu des seventies triomphantes aux États-Unis, dans le milieu du glam-rock et des groupes vocaux de doo-wop et de R&B, c’était chercher la bagarre. Surtout que le film fourmille d’innovations technologiques : ici, le split-screen (l’écran est partagé en 2 ou en 4 images, qui montrent simultanément ce qui se déroule dans la scène) est utilisé avec beaucoup d’à-propos ;  le travail sur le son est stupéfiant, et la musique et les chansons composées par l’auteur-compositeur de rock Paul Williams, qui interprète avec beaucoup de jubilation le rôle difficile de Swan, ce producteur machiavélique qui signera sa damnation en croyant entourlouper ce pauvre musicien Winslow Leach, sont à tomber.

L’histoire est toute simple : un producteur de musique à succès, Swan, qui va bientôt inaugurer son Paradise, qui fait office de salle de concert, de studios d’enregistrements dernier cri et d’usine à musique et à son, vole un opéra-rock, la cantate Faust, à un génie de la musique totalement inconnu, Winslow Leach.

Mortellement blessé et détruit dans son orgueil d’artiste maudit, ce dernier va tout faire pour se venger, et se faire aimer de la jeune chanteuse Phénix.

Ce film est devenu au fil des décennies un objet de fascination absolue, surtout auprès des musicien.ne.s qui s’y entendent quand même un peu en matière de musique (ça va sans dire) et d’émotions esthétiques, non ?

À noter que Phantom of the Paradise a reçu le Grand Prix du mythique Festival du film fantastique d’Avoriaz en 1975.

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Ciné 90 : (#4) « Le Silence des agneaux » [2/2]

Jodie Foster Under my thumb chantaient The Rolling Stones pendant les années 1960, ces années mirifiques durant lesquelles les formes artistiques semblaient inventer chaque jour de nouvelles manières d’appréhender l’existence. On changeait aussi de peau comme de couleur, on changeait sa chemise ou son pantalon mille fois par jour ; car l’aventure était au coin de la rue, et le cinéma américain des années 1960 reflétait cet état d’esprit aventureux. Ainsi les méthodes classiques de production des films semblaient être À bout de souffle (Breathless en américain, France, Mono, N&B, 1960). C’est ce qu’avait compris Jean-Luc Godard, de l’autre côté de l’Atlantique au même moment.

Pourtant, 30 ans plus tard et des brouettes, deux personnages de complets cinglés allaient empoisonner l’âme irradiée (après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, après la Chute du Mur de Berlin et l’effondrement pathétique de l’Union Soviétique, après l’épidémie de S.I.D.A, après la cohorte d’esprits malfaisants qui coursaient les gamin.e.s dans les rues et dans les camps de vacances… Remember Crystal Lake et Elm Street !) de spectatrices et de spectateurs qui n’avaient jamais eu autant peur au cinéma depuis cet autre grand film malade, The Exorcist de William Friedkin (États-Unis, Mono, Metrocolor, Warner Bros., 1973).

Durant toutes les années 1970, à Hollywood, les réalisateurs égo-maniaques se tiraient la bourre pour savoir qui lèverait le plus de chair fraîche à outrager. Les années 1960, quant à elles, se sont terminées, non pas dans l’épandage d’un aphrodisiaque universel, mais dans de sanglantes orgies païennes totalement dépravées, monstrueuses. C’est sur ce terreau d’immondices et de turpitudes morales que sont nés les personnages d’Hannibal Lecter, de Buffalo Bill, et de l’autre cinglé de binoclard complètement tordu qui aime mater les jeunes aveugles nu.e.s dans le très sombre Jennifer 8 de Bruce Robinson (Jennifer Eight, Canada/États-Unis/Royaume-Uni, Dolby, Paramount Pictures, 1992).

Les êtres maléfiques s’incarnent dans la figure du tueur en série. Il faudra attendre les années 2010 pour enfin se permettre d’en rire dans le très coloré et pourtant perturbant The Voices de Marjane Satrapi (États-Unis/Allemagne, Dolby, 2014).

 

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So long, Sean

L'immense Sean Connery en compagnie de la délicieuse Lois Maxwell pendant le tournage de "Dr. No" (1962)

L’immense Sean Connery en compagnie de la délicieuse Lois Maxwell pendant le tournage de « Dr. No » (1962)

La plupart du temps on pense qu’on a passé un cap, on pense que les années accumulées au compteur nous ont éloigné de l’enfant que nous étions. Notre vie d’adulte, qui se déroule néanmoins dans le décor d’un monde brisé, nous amène irrémédiablement vers des rivages incertains. Mais on croit dur comme fer être en possession de la boussole qui nous permet de garder ce cap. Nous n’aimons pas avoir peur, nous n’aimons pas être blessé, nous n’envisageons pas de disparaître sans que cela génère une immense souffrance chez celles et ceux qui nous aiment éperdument. Les solstices et les équinoxes peuvent bien nous enseigner le contraire, nous refusons de quitter cette scène inquiète sans en connaître le dénouement.

La disparition de Sean Connery m’a fait prendre conscience à quel point j’avais aimé ses films, à quel point ces films-là m’avaient accompagné sans que je m’en rende compte pendant mes années d’enfance et d’adolescence, vouées à découvrir l’immensité de l’univers cinématographique. Pendant mon enfance j’ai vu tous les films de James Bond interprétés par Sean, qui avaient tous été tournés durant la décennie qui précédait ma naissance. Mais pour ne pas me dédire je dois avouer que j’étais beaucoup plus attiré par les James Bond Movies incarnés par Roger Moore. Seulement, la patine du temps aidant, je me suis vite rendu compte que l’interprétation du personnage de 007 par Sean était – comment dire cela le plus précisément possible – habitée par une grâce naturelle, un charme félin qui, aux yeux d’un enfant d’une dizaine d’années à peine, recelait une mystérieuse aura de danger venimeux. Le personnage de Bond interprété par Sean n’était pas spécialement sympathique pour un kid de la campagne gersoise éperdu de cinéma – celui de Roger Moore l’était à contrario.

Mais avec les années notre cinéphilie s’étoffait, se précisait, s’allongeait, et alors nous découvrîmes, émerveillé.e.s, les très grands films dans lesquels Sean avait montré toute sa superbe : Pas de printemps pour Marnie d’Alfred Hitchcock, 1964 ; La Colline des hommes perdus de Sidney Lumet, 1965 ; Traître sur commande de Martin Ritt, 1970 ou encore Cuba de Richard Lester, 1979, etc… À ce moment-là je ne savais pas qu’il s’était efforcé de garder son accent écossais en toutes circonstances de tournage. Il est plaisant de savoir que Sean a tourné tous les dialogues du Nom de la rose (Der Name der Rose, Jean-Jacques Annaud, Allemagne de l’Ouest/Italie/France, 1986), par exemple, avec son accent inimitable.

Sean Connery était un dieu de cinéma, il n’y qu’à considérer la liste des metteurs en scène prestigieux avec lesquels il a tourné pour s’en convaincre : Terence Young, Alfred Hitchcock, Basil Dearden, Guy Hamilton, Sidney Lumet, Irvin Kershner, Lewis Gilbert, Edward Dmytryk, Martin Ritt, John Boorman, John Huston, John Milius, Richard Lester, Richard C. Sarafian, Richard Attenborough, Michael Crichton, Ronald Neame, Peter Hyams, Terry Gilliam, Richard Brooks, Fred Zinnemann, Jean-Jacques Annaud, Russell Mulcahy, Brian De Palma, Steven Spielberg, et Gus Van Sant.

Nous ne verrons pas de sitôt une telle stature au cinéma, car les codes de la représentation ont tellement changé depuis l’époque (1962) où il endossait pour la première fois le costume de cet agent des services secrets britanniques dont personne ne savait ce que cela donnerait de bon sur un écran de cinéma (James Bond 007 contre Dr. NoDr. No, Terence Young, Royaume-Uni, 1962).

Les films de cinéma sont fabriqués avec la matière même de nos rêves, de nos illusions, de nos atermoiements, de nos petites et grandes lâchetés, mais surtout avec nos grandes espérances. Les films de cinéma résistent au temps car ils fixent pour l’éternité l’image en sels d’aluminium de ce que nous aurions, toutes et tous, pu devenir si seulement on nous avait donné confiance en nous au moment de nos jeunes vies. Mais tous les cadres structurels, institutionnels, de la société humaine dans laquelle les éducateurs avaient pour mission de nous dresser n’avaient jamais envisagé que nous pourrions tomber fou amoureux de Marylin Monroe, de Montgomery Clift ou d’Elisabeth Taylor. Cet amour-là ne s’éteint qu’avec le dernier souffle de vie.

 

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« Peur sur la ville » (1975)

Avec Peur sur la ville (France, 1975) Henri Verneul signe au milieu des années 1970 un film policier urbain, nerveux, vif et accrocheur. Le film n’est pas seulement un Belmondo Movie dans lequel on voit l’acteur préféré des français.e.s à cette époque, se livrer à des cascades comme il ne pouvait pas s’empêcher d’en faire à chacune de ses sorties cinématographiques. On le voit par exemple courser le tueur de femmes Minos sur les toits de Paris, ou encore arpenter le dessus du wagon d’une rame de métro ou, pour finir, se suspendre à un hélicoptère de la Gendarmerie nationale.

La séquence mythique du film a lieu sur le toit du célèbre métro parisien.

La séquence mythique du film a lieu sur le toit du célèbre métro parisien.

Tiré d’un roman d’Ed Mc Bain le film raconte la traque par le commissaire de police Jean Letellier, un des cadors de l’Antigang, passé maintenant à la Criminelle, du tueur fou Minos, un criminel qui a décidé d’occire les femmes qui ont une sexualité épanouie, c’est-à-dire une poignée de gentilles filles à la jambe leste. Letellier est aidé dans sa quête, à laquelle il rechigne au début, de son assistant Moissac, un officier de police expérimenté et solide.

Mais l’essentiel n’est pas là, non, mais bien plutôt dans l’idée géniale d’avoir associé en tandem deux des plus charismatiques acteurs français de ce temps : Jean-Paul Belmondo et l’impeccable Charles Denner qui, par ses longs silences, ses regards mélancoliques et son élégance naturelle, équilibre parfaitement l’exubérance – somme toute assez contrôlée dans ce film – de Bébel, qui commençait à devenir ces années-là un produit d’appel pour des productions qui n’étaient plus trop regardantes sur la qualité esthétique. Cependant, au moins jusqu’à la toute fin des années 1980, l’acteur Belmondo réussira à fidéliser son public sur son seul nom, et non sur celui des réalisateurs qui le dirigeaient. Depuis le film de Philippe de Broca L’Homme de Rio (France/Italie, 1964) le public populaire n’avait jamais fait fausse route au comédien et le suivait les yeux fermés dans toutes ses péripéties cinématographiques ; il en était de même pour Alain Delon, l’autre acteur préféré des français.e.s, même si pour ce dernier l’amorce des années 1980 fut plus difficile à négocier. Mais nous reviendrons bientôt plus en détail sur toute cette affaire, c’est promis.

Pour une fois les cascades et les séquences d’action qui jalonnent Peur sur la ville accompagnent le récit et ne se contentent pas de l’illustrer. Par exemple, la séquence de poursuite en voiture, qui voit le commissaire Letellier prendre en chasse dans les rues de Paris, en plein jour, Minos fuyant sur sa Kawasaki, est montée en parallèle avec celle où les flics de l’équipe de Letellier filent en douce un dangereux braqueur de banques. Alors le commissaire doit prendre une décision : soit continuer de filer au train Minos qui a déjà assassiné deux femmes au cours du film, soit aider ses collègues à mettre hors d’état de nuire le lascar qui lui file entre les doigts depuis 5 ans déjà.

D’ailleurs il ne faut pas oublier l’autre grande vedette du film : il s’agit de la fameuse R16 bleue nuit de Letellier et Moissac qui enquille les rues de Paris avec une folle élégance.

Peur sur la ville reste un modèle de thriller urbain efficace qui nous permet d’arpenter les rues d’un Paris méconnaissable, qui n’existe plus, et qui était le territoire exclusif des grands seigneurs du cinéma français de ce temps-là : Jean-Paul Belmondo, Alain Delon et Lino Ventura.

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« Vivre et laisser mourir » de Guy Hamilton [suite]

jb-11 En 1973 on continue d’adapter les romans de Ian Fleming – cet anglais qui créa le personnage de Bond dans ses livres – au cinéma. La source originelle n’était pas encore tarie. Mais les intrigues des livres, particulièrement bien charpentées, recevaient de sérieux coups de rabot quand il fallait en faire des intrigues de films. Car la narration qui est contenue dans un roman (la typologie des personnages, leurs manières de s’exprimer et de dialoguer entre eux, les péripéties qui émaillent une histoire d’espionnage ou d’aventures policières, le crédit qu’on porte à la vraisemblance des situations hautes en couleurs) ne sera jamais identique à ce qui sera gardé dans le scénario, encore moins dans les séquences filmées. Dans le livre de Ian Fleming dont est tiré Vivre et laisser mourir, le personnage de James Bond ressemble à la fois à l’image carnassière qu’en a donné Sean Connery, mais aussi à celle, en fin de compte plus humaine, moins cruelle, développée par Roger Moore à partir de 1973.

De plus, dans les livres de Ian Fleming beaucoup de personnages secondaires sont tués dans d’affreuses circonstances, ou bien mutilés sévèrement ; comme par exemple l’ami de Bond, l’agent américain de la CIA Felix Leiter, qui lui prête main forte à New York pour mettre hors d’état de nuire le sinistre chef politique et contrebandier Dr Kananga, qui sera donné en pâture à des requins qui lui dévoreront un bras et la moitié d’une jambe.

Mais les films estampillés 007 doivent rester grand public (au moins jusqu’à la fin de l’enrôlement de Pierce Brosnan dans le maître rôle) ; on y montre la conséquence de la violence, on n’y filme jamais les exactions violentes les plus outrancières. Et on retrouve aussi certaines scènes des livres de Ian Fleming, un peu transformées, en de certains endroits des films tout au long de la saga : comme par exemple celle des requins qui dévorent intégralement Felix Leiter, un peu après le début de Permis de tuer (Licence to Kill, Royaume-Uni/Mexique/États-Unis, 1989) de John Glen, dans lequel l’acteur gallois Timothy Dalton endosse le costume de 007 pour la deuxième et dernière fois.

timothy dalton as James Bond à suivre…

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