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Un séjour au Texas : « Texas Chainsaw Massacre » (2022)

Massacre à la tronçonneuse Texas Chainsaw Massacre, premier du nom, réalisé par Tobe Hooper en 1974, reste le film matriciel du genre horrifique contemporain au cinéma. Alors, réinvestir le mythe du tueur motivé Leatherface au début des années 2020, sous la houlette de Fede Alvarez à la production pour le compte de Legendary Pictures et de Netflix, était un pari risqué. Car les fans absolus de cette franchise, qui aiment regrouper cet ensemble de films sous le vocable Leatherface, comme un cri de ralliement à un cinéma d’horreur organique à l’ancienne, allaient montrer de quel bois on se chauffe, et de ce qu’on avait dans l’estomac… Non, mais !

Prenez deux sœurs, Lila, une rescapée de la tuerie du lycée de Stonebrook, et sa grande sœur Melody, qui veille sur elle, et qui décide d’investir ses économies dans la ville fantôme de Harlow, au Texas, pour la faire revivre en mode « attention, les bobos prennent goût à la campagne ! » Elles sont accompagnées dans leur aventure par un couple d’amis et par un bus rempli à ras bord de jeunes investisseurs friqués et branchés. Tout se passerait pour le mieux si les choses étaient faites dans les règles de l’art ; mais voilà, une irréductible vieille dame a volontairement oublié de quitter les lieux. Elle a dirigé pendant cinquante ans l’orphelinat de Harlow et a redonné du sens à la vie cabossé de ses petit.es pensionnaires. Melody et ses ami.es, depuis Austin, et avec l’aide des banquiers, ont acté l’expropriation de cette vieille dame impotente. Mais cette dernière s’accroche désespérément à sa vieille bâtisse. Elle ne veut pas partir…

Ne réveillez surtout pas le monstre endormi, et qui sommeille depuis trop longtemps sous le masque tragique de la Mort Rouge. Car il a passé les dernières années de sa vie à s’occuper du mieux qu’il pouvait de celle qui lui a accordé de l’attention. Bientôt, très bientôt les startuppers trentenaires autosatisfaits vont mordre la poussière au son de la musique abrasive d’une antédiluvienne tronçonneuse à la chaîne rouillée.

On va entendre à nouveau crier, hurler, gémir, haleter, dans ce coin de Texas aux couchers de soleil flamboyants. Et Leatherface de danser, danser, danser, dans l’aube ou au crépuscule, accompagné par le chant de la tronçonneuse, avec cette envie folle de poétiser les engins agricoles.

Ce Massacre à la tronçonneuse cuvée 2022, réalisé pour Netflix par David Blue Garcia, est un film d’horreur graphique millimétrée, dans lequel même les plus vaillantes Texas Rangers finissent par succomber, un sourire aux lèvres. Welcome into the Lone Star State !

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L’apprentissage du désordre : « The Apprentice » (2024) d’Ali Abbasi

The AprenticeDans The Apprentice (2024) un cinéaste d’origine iranienne, Ali Abbasi, qui vit à Copenhague, réunit dans son casting deux acteurs formidables, Sebastian Stan et Jeremy Strong, et une actrice exceptionnelle, Maria Bakalova, pour nous raconter les débuts à New York de l’actuel 47e président des États-Unis d’Amérique, à savoir Donald J. Trump.

Mais il ne s’agit pas d’un biopic, ni d’un assemblement de moments marquants dans le parcours singulier d’un individu mondialement connu. Il s’agit plutôt de dresser deux époques l’une face à l’autre : la deuxième moitié des années 1970, quand New York était une ville cosmopolite et dangereuse, voit les ambitions d’un jeune héritier de l’immobilier rencontrer une figure de mentor ; il s’agit du sulfureux Roy Cohn, un avocat affairiste qui a comme fait d’armes l’électrocution des époux Rosenberg sous le sénateur Mac Carthy. C’est dans cette première partie du film qu’on assiste à l’envol du magnat de l’immobilier qui tire toutes ses ficelles du sac à malices de l’avocat. Comment suborner un témoin lors d’un appel d’offres de la mairie de New York pour la fabrication d’un hôtel de grand standing dans un quartier de mixité sociale, laquelle sera réduite à néant si le projet est retenu ? Ou encore comment menacer un juge des affaires administratives en lui exhibant sous le nez des photos volées dans lesquelles il est en fâcheuse posture dans les bras de prostitués mexicains pubères ? Cette première partie met en images les recettes imprimées par Machiavel au XVIe siècle dans la Florence des Médicis. S’agissant des us et coutumes des trafics d’influence et des malversations au sein de ce que l’actrice bulgare Maria Bakalova nomme à plusieurs reprises dans les bonus DVD du film l’empire américain, cette comparaison n’est pas fortuite.

Ensuite, et en regard, nous est proposée en deuxième partie l’ascension, au sommet de la gloire industrielle et médiatique, du golden boy Trump, pendant la décennie reaganienne (les années 1980) qui a permis aux traders et aux yuppies de détricoter tout l’édifice social des États-Unis, mis en place sous Roosevelt pendant le New Deal, en 1933. Comment on s’empare des leviers du pouvoir économique, quand on ne respecte aucune règle de bienséance financière ? Donald J. Trump va appliquer à la lettre les préceptes de son mentor. Il construit son édifice immobilier mais les premières fissures apparaissent : le ménage avec Ivana bat de l’aile et le mentor autrefois admiré, fait maintenant figure de repoussoir. D’ailleurs on ne prend plus ses appels au téléphone.

Il faut saluer l’interprétation remarquable de Sebastian Stan (dans le rôle de Donald Trump), celle tout aussi savoureuse de Jeremy Strong (dans le rôle de Roy Cohn, le mentor sulfureux) qui est en train de devenir mine de rien le meilleur comédien vivant de sa génération, et la parfaite partition de Miss Maria Bakalova qui donne beaucoup de relief au personnage d’Ivana Trump.

Ce film dresse le portrait d’une époque (le tournant des Seventies/Eighties en Amérique du Nord) pendant laquelle s’est édifiée notre modernité, à travers la frénésie avec laquelle le capitalisme outrancier et la financiarisation de l’économie des pays à économie de marché a contaminé le monde entier. Ce film devient indispensable pour savoir exactement dans quel monde complexe nous vivons. Mais en même temps il reste un grand spectacle visuel et sonore qui rivalise avec les grands films politiques américains d’antan (je pense aux Trois jours du condor de Sydney Pollack en 1975, ou à JFK d’Oliver Stone en 1991, qui est cité par le réalisateur dans les bonus DVD du film).

 

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Ciné 80 : (#7) « Les Sorcières d’Eastwick »

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Comment se défaire de l’emprise d’un homme ? Sous ses atours de comédie fantastique grand public Les Sorcières d’Eastwick (Warner Bros., 1987) de l’Australien George Miller, montre par l’exemple comment les femmes peuvent lutter pour mettre fin à une relation toxique. Trois amies de la même petite ville ont un rituel : chaque jeudi soir elles se retrouvent chez l’une d’entre elles pour se lamenter sur leur vie ordinaire en solo (une vient juste de divorcer, l’autre est veuve, enfin la dernière a trop d’enfants à élever). Mais surtout elles espèrent rencontrer l’homme qui les sortira de la torpeur de la vie provinciale, seulement rythmée par les kermesses, par les potins, et par les sorties à l’église. Soudain s’installe en ville un étranger, un anticonformiste qui vient de racheter un domaine de sinistre mémoire, où autrefois on y brûlait les sorcières.

Ce Daryl Van Horn a les traits de Jack Nicholson, et nos trois amies, incarnées par Cher, Susan Sarandon et Michelle Pfeiffer, vont succomber au charme ensorceleur de cet envahissant personnage. Au début, tout est rose acidulé, mais à Eastwick l’amour dure trois nuits, puis l’inquiétude prend le pas sur la félicité des débuts. L’homme se fait de plus en plus pressant, envahissant, menaçant auprès de ses trois amantes. Alors nos trois amies vont devoir réagir sans plus attendre.

En 1987, deux ans seulement après la sortie en salles de Mad Max au delà du dôme du tonnerre (Warner Bros., 1985) il était intéressant de voir le réalisateur australien aux commandes de cette adaptation du roman éponyme de John Updique, un romancier américain pas franchement grand public, plutôt étiqueté monde intello de la Côte Est universitaire. Comment allait-il se sortir des méandres du roman afin de rendre lisible, et visuelle, et accrocheuse, une narration très littéraire ? Brian de Palma a affronté les mêmes problématiques au moment de son adaptation pour le grand écran du roman de Tom Wolfe Le Bûcher des vanités (Warner Bros., 1990).

Loin des cascades motorisées filmées en plein de désert de Namibie le film repose sur la rencontre entre la star masculine de l’époque Jack Nicholson (dont les lumières jetaient leurs derniers feux) et trois actrices de cinéma dont la carrière s’envolait au firmament : Sarandon, Cher et Pfeiffer. Toutes les trois, elles étaient capables de tenir la dragée haute au cabotin Nicholson (dont le sommet de l’interprétation avait été figé à tout jamais par les caméras de Stanley Kubrick dans Shining en 1980 pour la Warner). Une séquence du film de George Miller illustre à merveille cela : quand Cher pénètre à la tombée de la nuit dans le manoir de Daryl pour sauver Sukie (le personnage de Michelle Pfeiffer) à qui il fait du mal à distance, la caméra filme en gros plan Jack Nicholson dans une longue tirade dont il a le secret (il fait son numéro d’acteur-star) pendant que le contrechamp sur Cher nous la montre impassible, faire face en toute simplicité devant cette démonstration d’acting virtuose, mais vaine en fin de compte. C’est Cher qui rend crédible la séquence, et qui préfigure le contre-pouvoir à venir de ces trois femmes puissantes, qui veulent mettre un terme à l’emprise du mâle.

Même si les effets spéciaux du film paraissent désuets aujourd’hui, cette comédie fantastique réalisée par le créateur des Mad Max se laisse revoir (ou découvrir pour la toute première fois) avec beaucoup de plaisir.

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« Nosferatu » (Hiver 2024/2025) : un film hivernal qui nous accompagnera longtemps

Ellen Hutter en proie aux machinations vampiriques.

Ellen Hutter en proie aux machinations vampiriques.

 C’est entendu : quand on aime à la folie les films de vampires, on se précipite dans sa salle de cinéma la plus proche et, sans demander son reste, on jubile. Car les créatures de la nuit reviennent en force au cinéma cette année ! Alors, qu’on se rassure tout de suite : ce Nosferatu 2024 est un grand cru, un très grand cru même. Et nous allons essayer de comprendre pourquoi.

Pour Lily-Rose Depp : Pas de grand film sans grande actrice à l’intérieur. L’incarnation d’un personnage reste l’élément fondamental pour que l’œuvre cinématographique imprime durablement nos rétines. Et dans le rôle de la belle Ellen Hutter, qui est fraîchement mariée au falot clerc de notaire Thomas Hutter, Lily-Rose Depp est parfaite. Elle sait rendre à merveille les contrariétés de sa personnalité mélancolique qui vont permettre au cruel Strigoï (un vampire en roumain) de venir chambouler la psyché de cette épouse corsetée, qui étouffe sous le poids des conventions bourgeoises. Mais, comme dans le remarquable Bram Stoker’s Dracula de Coppola, l’amour cherche à triompher du mal.

Pour la mise en scène au cordeau : On reconnaît les maîtres et les maîtresses du cinéma contemporain à leur capacité à bâtir un univers fictionnel tangible, solide, opératique. La ville de Wisburg en 1838, reconstituée en République Tchèque, est aussi un des personnages principaux du film. La reconstitution historique est somptueuse. La photographie de Jarin Blaschke est tellement belle dans son monochrome qui tire vers le noir et blanc, qu’on peut espérer pour lui une nomination dans la catégorie du meilleur directeur de la photographie cette année aux Oscars.

Pour les variations subtiles autour du mythe du vampire : Dans ce Nosferatu le comte Orlok, cet aristocrate déchu des Carpathes, autrefois puissant, fait vraiment peur à l’écran. Car on est en présence d’un non-mort, d’une créature éternellement en putréfaction, qui ne peut subsister sur la surface de la terre qu’en propageant le mal. Qu’y-a t’il de pire que de s’attaquer à des fillettes à la veille de Noël ? Bill Skarsgård offre une interprétation remarquable de ce vampire tyrannique, en ne copiant personne dans sa façon de jouer cet être surnaturel orgueilleux et démoniaque.

Pour le sound-design : La qualité du son couplé à une musique de Robin Carolan entêtante, ensorcelante et mélancolique à souhait, souligne chaque intonation de la mise en scène orchestrée par un véritable génie de la réalisation : Robert Eggers.

Pour le réalisateurNosferatu est seulement le 4e film pour le cinéma de Robert Eggers, et il nous offre encore une fois un chef-d’œuvre de poésie macabre, dont la beauté des plans va nous accompagner une bonne partie de cette nouvelle année 2025 qui commence à peine. Il signe un remake respectueux de son matériau originel (le roman de Bram Stoker et le premier Nosferatu de l’histoire du cinéma du génie allemand Murnau). Après The Witch (2015), The Lighthouse (2019) et The Northman (2022) son Nosferatu (2024) finit de nous convaincre : avec Robert Eggers nous sommes en présence d’un merveilleux réalisateur de cinéma, qui, en quelques films, a complètement renouvelé les genres horrifiques et fantastiques.

Pendant nos soirées et nos nuits hivernales le Nosferatu de Robert Eggers avec Lily-Rose Depp va réchauffer longtemps nos petits cœurs transis. Pour notre plus grand plaisir d’amoureuses et d’amoureux fous des créatures de la nuit.

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« Dune : Deuxième partie » tient toutes ses promesses

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Ce deuxième film de la saga Dune au cinéma, réalisé par Denis Villeneuve, et qui doit être suivi d’un troisième opus, raconte comment le jeune duc Paul Atréides, au contact des Fremen de la planète Arrakis, marche vers son destin de libérateur (ou au contraire d’asservisseur) de la planète des sables. Paul rejette l’idée selon laquelle il serait le Messie de la Prophétie, celui par lequel surviendra l’unification du nord et du sud de la planète Arrakis. Les Fremen sont en lutte contre la colonisation des Harkonnen voulue par l’Empereur galactique et la Bene Gesserit qui le conseille (Christopher Walken et Charlotte Rampling dans le film), et ont besoin d’un leader pour les mener à la victoire.

Pendant que Paul répond avec constance aux souhaits guerriers des Fremen du nord (les Fedaykins) et qu’il noue une histoire sentimentale avec la vaillante Chani, sa mère fait tout son possible pour qu’il endosse le rôle de Lisan-al Ghaïb, attendu depuis des milliers d’années par les fondamentalistes du sud. Ce dilemme, qui repose sur les épaules de Paul, devient la feuille de route sur laquelle se construit cet admirable film de cinéma.

Le production-design est un des plus beaux que nous ayons vu au cinéma ces dernières années. Chaque plan de cette fresque audiovisuelle d’une durée de 2h39 ajoute au plaisir visuel de chaque instant la richesse chromatique des décors et des costumes. Et Timothée Chalamet prend de plus en plus d’épaisseur au fur et à mesure que la sainte trinité Lisan-al Ghaïb/Usul/Kwisatz Haderach commence à se dessiner sous ses traits. Ce Dune : Deuxième partie (2024) est hautement recommandable, car ses images déroulent agréablement cette histoire de grandes familles cosmiques qui se battent entre elles pour la suprématie dans un coin d’univers, en l’an 10 191 du Calendrier impérial.

Mettre en images, en musique et en sons cette fresque romanesque de Frank Herbert n’était pas une mince affaire, et Denis Villeneuve et toute son équipe ont merveilleusement réussi cette entreprise cinématographique. Aujourd’hui, comme les sagas Star Wars et Star TrekDune (qui sera bientôt une trilogie, nous l’avons dit) prend ses quartiers de noblesse dans l’univers des grandes œuvres de la science-fiction tendance Space-Opéra.

Et puis il y a ce casting exceptionnel, où chaque actrice, chaque acteur est à sa juste place : citons pêle-mêle Timothée Chalamet, Zendaya, Javier Bardem, Rebecca Ferguson, Josh Brolin, Charlotte Rampling, Stellan Skarsgård, Florence Pugh, Léa Seydoux, Austin Butler, Dave Bautista… et Anya Taylor-Joy dans un plan furtif, mais dont le personnage va revêtir une importance considérable dans Dune : Troisième partie – nous en reparlerons, promis. Jeunes pousses et comédien.nes accompli.es se partagent l’affiche avec équilibre et pondération. Cela fait aussi partie de la réussite de cette deuxième partie assez spectaculaire. Si Dune : Première partie (2021) faisait figure de longue scène d’exposition qui mettait en place tous les éléments du mélodrame galactique à venir, ici nous sommes plongés au cœur de l’action, et c’est tant mieux.

Ce Dune : Deuxième partie, actuellement en exclusivité sur My Canal, offre un spectacle réjouissant pour commencer dans les meilleures dispositions cinématographiques cette nouvelle année 2025 qui débute.

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Un film miraculeux pour Noël : « Winter Break »

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C’est la saison. Les films et téléfilms de Noël se bousculent au portillon. Chaque plateforme y va de ses propositions, toutes plus convenues les unes que les autres. Pourtant il existe un film récent qui relève du miracle : il s’agit de Winter Break d’Alexander Payne, sorti au cinéma en 2023. Canal + a l’excellente idée de le présenter en coup de cœur ces jours-ci. 

Ce film est une bénédiction de Noël. Il raconte l’histoire d’un professeur de college américain (l’équivalent du lycée chez nous) sévère avec ses élèves (des jeunes garçons bien nés, qui domineront bientôt la société) et très à cheval sur le règlement intérieur de l’école, qui va devoir passer les 10 derniers jours de l’année 1970 au sein de l’établissement scolaire vide en compagnie de la cuisinière en chef et du seul élève qui n’a pas pu rejoindre sa famille pour les fêtes de Noël et de fin d’année. Ces 3 âmes en peine vont cohabiter pendant une dizaine de jours, apprendre à se connaître, à s’apprécier, à sortir de leur bulle protectrice et de leur zone de confort.

Dorénavant ce qui va compter c’est d’arrêter de se morfondre dans son coin et de se bâtir une nouvelle famille, beaucoup plus fraternelle et compréhensive que celle d’origine. Winter Break est une splendeur absolue, car la caméra prend son temps : elle filme le plus délicatement du monde chaque geste de ses trois comédiens prodigieux (le professeur Paul Hunham, l’élève difficile Angus Tilly et la chef-cuisinière Mary Lamb), avec la plus grande sincérité. Mention spéciale à Paul Giamatti, qui est prodigieux dans le rôle de ce professeur bougon et tellement humain : une pâte d’homme. Certaines séquences du film sont tout simplement bouleversantes et vous terrasseront d’émotion. La reconstitution des années 1970 est somptueuse, et dans la dernière bobine on est submergé par l’émotion. Ce film est appelé à faire date dans l’histoire du cinéma de notre siècle.

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Ciné 80 : (#6) « Top Gun »

Top Gun

Le lieutenant Pete Michell, indicatif « Maverick », est un as de l’Aéronavale. Pilote surdoué, c’est aussi une tête brûlée, et lors d’une reconnaissance depuis le porte-avions où il est affecté avec son navigateur (et ami d’enfance) « Goose », il « flashe » des MIG russes. Auréolés par ce fait militaire inédit et convoqués sur le champ par l’Amiral du bâtiment, il est décide que le pilote casse-cou et son navigateur iront compléter leur formation à Miramar, en Californie, à la Fighter Weapon School, l’académie aéronavale américaine qui forme l’élite des pilotes de combat. Dans cette école, appelée Top Gun, le lieutenant Maverick va être confronté à la compétition (le meilleur élève de l’école, Iceman, devient son adversaire le plus redouté dans la course au trophée Top Gun), au sentiment amoureux (l’instructrice de l’Air ne le laisse pas indifférent, loin s’en faut), et à la perte…

Top Gun, ce film de 1986 réalisé par Tony Scott, le frère de Ridley, est devenu au fil des décennies un film-totem. Car il regroupe toutes les thématiques qui passionnaient les teenagers que nous étions dans les années 1980. La camaraderie (et pendant les années collège, c’était important), le vrombissement surpuissant des réacteurs des Grumman F-14 Tomcat, ces machines de guerre effrayantes qui nous changeaient de nos mobylettes et de nos scooters bridés.

Top Gun a par conséquent été un marqueur indélébile dans nos jeunes vies de spectateurs émerveillés, et rassemblait autant d’admiratrices de la frimousse du beau Tom Cruise que d’admirateurs de la classe naturelle du décontracté Val Kilmer. Et que dire alors de l’extraordinaire actrice de cinéma Kelly McGillis, née à Newport Beach en Californie, et vue dans Witness de l’australien Peter Weir en 1985 et dans Les Accusés de Jonathan Kaplan en 1988 ? Et nos aîné.es préféraient la présence bienveillante de Tom Skerritt, indicatif « Viper », légende vivante de l’Aéronavale, en se souvenant que cet acteur américain né à Détroit, dans le Michigan, incarnait l’emblématique Dallas dans Alien : le 8e passager du frangin Ridley Scott, en 1979.

Top Gun a pris une place à part dans la nostalgie qu’on développe vis-à-vis du cinéma US des années 1980. Il reste indéniablement ce véhicule parfait qui raconte comment on apprivoise nos premières peurs : celle de l’abandon en premier lieu, ensuite celle du renoncement, enfin celle du deuil apprivoisé et de la remise en question nécessaire avant de parvenir à prendre un chemin moralement valide dans le monde qui attend les jeunes gens.

Quand, après de nombreuses péripéties sur la terre ferme comme dans les airs, le lieutenant Maverick décide de devenir instructeur à Top Gun, on pressent que ce ne sera pas le chemin emprunté par le jeune acteur de cinéma Tom Cruise, promis à une carrière fulgurante. Près de 40 ans plus tard, cet acteur qui éclatait en pleine lumière dans ces années 1980 bénies pour lui, est sans conteste le personnage le plus puissant d’Hollywood, aujourd’hui en 2024.

Top Gun premier du nom parle aussi de cette fulgurante ascension.

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Un été avec Natalie Wood (3/5)

La lente émancipation de la "petite fiancée de l'Amérique" commence par la reproduction, à la perfection, des gestes du Music-Hall.

La lente émancipation de la « petite fiancée de l’Amérique » commence par la reproduction, à la perfection, des gestes du Music-Hall.

Un an après Une vierge sur canapé, changement de registre pour Natalie Wood en 1965, qui partage l’affiche avec la star masculine du moment Robert Redford, dans la comédie dramatique musicale Daisy Clover de Robert Mulligan. Du rôle de la psychologue ingénue qui se laisse séduire par Tony Curtis, elle passe à celui de la petite fiancée de l’Amérique (petit mythème sucré inventé par Hollywood dans les années 1930 et 1940 pour vendre des places de cinéma au plus grand nombre), qui malgré elle va tomber dans les griffes de prédateurs sexuels autrement plus carnassiers que le journaliste inconséquent du film précédent. Cette étude sociologique filmée, dansée et chantée de Robert Mulligan nous montre de quelles façons les hommes qui détiennent le pouvoir artistique et industriel s’y prennent pour araser à jamais le libre-arbitre des jeunes et jolies femmes dont ils font des esclaves consentantes. 

La jeune Daisy Clover, qui est encore mineure, vit chichement avec sa mère sur le front de mer californien. Elle tient une baraque foraine qui vend aussi des clichés des vedettes de cinéma de l’usine à rêves, et pousse la chansonnette pour dissiper son ennui. Un concours de circonstance va l’amener à devenir la nouvelle girl next door dont raffolent les américain.ne.s. On va lui faire enregistrer des chansons, tourner des films, assister à des avant-premières prestigieuses en compagnie de Myrna Loy, de Clark Gable et de Joan Crawford. Et notre jeune vedette va bien entendu s’amouracher de la coqueluche masculine du moment, le jeune acteur Wade Lewis, logé à la même enseigne qu’elle, c’est-à-dire une prison dorée dans la propriété d’un couple de producteurs à la tête du Swan Studio.

Dans ce film remarquable, où la caméra sait capter les beautés stupéfiantes de Natalie Wood et de Robert Redford (mais ce dernier n’est pas l’attrait principal du film, sa présence ne requiert l’usage que de 2 ou 3 bobines, guère plus), tous les éléments, même les plus insignifiants, sont importants, car ils soulignent l’enfermement dans lequel on maintient Daisy Clover. Par exemple, le nom du studio n’est pas anodin, Swan Studio, car en matière de cygnes noirs qui ne veulent pas jouer le jeu, à Hollywood ce n’est pas ce qui manque. La thématique du feu libérateur, qui brûle puis permet une renaissance chèrement acquise, est très bien amenée dans la dernière bobine : nous restons seul.e.s en présence de Daisy Clover, dans la maison au bord de l’océan qu’elle avait achetée à sa défunte mère avec ses émoluments de star de cinéma. Et nous nous régalons du génie comique de Natalie, qui a fait sienne la dextérité des génies burlesques d’autrefois : les Charlie Chaplin, Buster Keaton, Harold Lloyd, Laurel & Hardy… Et puis cet arrêt sur images final sur Natalie, radieuse et riant aux éclats, enfin débarrassée une bonne fois pour toutes des ces mauvais génies qui la maintenaient dans une spirale de confusion et de désarroi !

L’année suivante, en 1966, elle sera de nouveau à l’affiche avec son alter égo masculin, le mythique Robert Redford, dans le très beau Propriété interdite de Sidney Pollack.

To be continued…

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Entrez dans la ronde avec « Twisters »

Twisters Chaque été amène son lot de films qui ont pour mission de nous faire oublier, le temps d’une séance, les tracas des mois écoulés. Pour ce faire, quoi de mieux qu’un bon film-catastrophe, comme on en produisait dans les années 1970 : mais à l’heure du réchauffement climatique et de l’éco anxiété, tout ça est en train de tourner au vinaigre. Et pas sûr qu’en Californie on ait très envie de se réfugier dans une salle climatisée pour contempler des tornades destructrices pendant que 300 000 hectares sont en train de brûler dans la vraie vie. Cependant, au niveau spectaculaire et scènes ébouriffantes, ce nouveau film de tornades, Twisters (Lee Isaac Chung, 2024), comme on les aime – c’est-à-dire filmé à l’ancienne, avec des effets sonores Dolby Atmos stratosphériques - remplit le contrat. Le réalisateur Lee Chung rend terriblement oppressantes ces masses d’air dévastatrices qui ne laissent rien sur leur passage, sinon des morts par dizaines et de la désolation.

Bien calé dans son fauteuil de cinéma on joue à se faire peur devant ces images d’une nature indomptable. Et puis ce blockbuster de l’été est un écrin idéal pour présenter en tête d’affiche celui qui va régner dorénavant sur le star-système hollywoodien : Glen Powell. Oubliez une fois pour toutes les bellâtres des vingt dernières années, car sont appelés sur le trône : Glen Powell donc, et Miles Teller (ils s’affrontaient dans Top Gun: Maverick en 2022), et puis Austin Butler (qui lui embrasait les écrans la même année 2022 dans Elvis de Baz Luhrmann) ; vous y ajoutez Timothée Chalamet (qui a mis tout le monde d’accord dans le sublime diptyque Dune et Dune : deuxième partie, 2021 et 2024, de Denis Villeneuve), et vous avez le Quinté gagnant (en 5e position vous pouvez mettre qui bon vous semble).

Les 4 cités sont de toute façon appelés à régner sur Hollywood pour les 10 prochaines années. Comme autrefois Gary Cooper, Clark Gable, Spencer Tracy et James Stewart quand ils se partageaient le gâteau dans les années 1940, nos nouveaux mousquetaires masculins du circuit ont atomisé la concurrence. Un film comme Twisters, qu’on peut aller voir en famille (aucune scène du film ne mettra personne dans l’embarras), est un véhicule calibré pour tester les amortisseurs de sa vedette masculine. D’accord, le monde brûle un peu partout, mais… The Show Must Go On les ami.es.

Le blockbuster de l’été est là pour nous réconcilier avec ce que nous aimions au cinéma auparavant : visualiser en super grand format des personnages charismatiques toujours enclins à aider son prochain, en traversant des épreuves auxquelles nous autres ne survivrions pas ; puis ils s’en vont à la fin dans le soleil couchant (ou presque, on se contentera ici d’une salle d’embarquement d’un aéroport de l’Oklahoma, et c’est bien aussi), main dans la main vers des lendemains qui chantent.

Par les temps qui courent, ce n’est pas si mal.

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Un été avec Natalie Wood (2/5)

Sex and the Single Girl

En 1964 Natalie Wood est la tête d’affiche féminine da la savoureuse comédie Une vierge sur canapé (Sex and the Single Girl) de Richard Quine. Voici la phrase de présentation du film sur la plateforme OCS Ciné+ : « Un journaliste spécialisé dans la presse à scandales s’éprend d’une célèbre et ravissante sexologue, auteur d’un essai fortement controversé. »

Le journaliste en question, c’est Tony Curtis qui l’incarne, auréolé du succès phénoménal de Certains l’aiment chaud (Some Like It Hot, 1959) avec son complice Jack Lemmon, et la déesse de l’écran Marilyn Monroe. D’ailleurs, tout au long du film, il est fait référence dans les dialogues au film culte de Billy Wilder, quand plusieurs personnages secondaires trouvent au journaliste une ressemblance avec Lemmon. Et une scène en particulier, celle du peignoir, très drôle et magnifiquement rythmée, cite le travestissement de Curtis et de Lemmon dans le film de Wilder : après s’être jeté à l’eau, poussé par la psychologue éprise de lui qui tombe à la rivière elle aussi, le journaliste enfile le peignoir de Natalie Wood.

La charmante et très dynamique psychologue Helen Brown est interprétée par une Natalie Wood qui maîtrise à la perfection tous les ressorts dramatiques de la comédie américaine un brin sophistiquée. En 1964 il s’agit d’une consécration pour la jeune comédienne (elle a 26 ans seulement) qui donne la réplique au légendaire duo Lauren Bacall/Henry Fonda, des légendes du Hollywood d’avant. Mais les années 1960 appartiennent à la nouvelle génération des actrices qui sont nées dans les années 1930 et 1940, comme Natalie, Faye Dunaway et Ali MacGraw par exemple.

Richard Quine, le réalisateur, est un artisan qui maîtrise à la perfection tous les trucs et astuces du métier, et signe une comédie trépidante, qui ne se prend jamais au sérieux, et qui se moque gentiment : des hommes mariés qui mentent éhontément à leurs épouses et à leurs maîtresses, des femmes mariées esseulées qui veulent quand même continuer à croire au grand amour romantique de leur jeunesse, des journalistes nouvelle manière qui se spécialisent dans le scandale, le voyeurisme et la mauvais goût (la naissance de la presse people, déjà radiographiée par Federico Fellini dans La Dolce Vita en 1960), pendant que les psychologues et les psychanalystes en prennent aussi pour leur grade. Le film est ponctué de 3 numéros chantés et dansés dans la plus belle tradition du Music-Hall (Count Basie et son Orchestre assurent la partition musicale du film et les séquences chantées, car dans les années 1960 Hollywood aimait le jazz, et le jazz aimait Hollywood). Les gros plans sur Count Basie et sur ses musiciens en train de jouer leur musique, si belle, si entraînante, sont de purs moments de grâce artistique et cinématographique, de purs moments de bonheur absolu.

Tout est à l’unisson dans cette comédie de mœurs (ou de remariage, c’est selon) diaboliquement bien rythmée. Chacun et chacune y joue sa partition à la perfection. 

Mais nous n’avons d’yeux que pour Natalie !

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