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Le chef-d’œuvre de l’année cinéma 2024

LGDFS_Arte_2000x1126 Un juge iranien, qui doit appliquer les sentences recommandées par le régime, découvre la discorde dans son propre foyer. Ses deux filles se sentent concernées par la contestation civile qui défie le pouvoir, à Téhéran, depuis la mort de la jeune Mahsa Amini. Le juge a pour fonction de condamner les opposants politiques et les dissidents civils, mais quand la sédition se situe dans son foyer domestique, le dilemme moral s’installe. Doit-il continuer à être fidèle à ses employeurs, ou bien doit-il trouver des stratagèmes afin que ses filles ne deviennent pas des victimes de la répression ? Ce questionnement a valu au réalisateur Mohammad Rasoulof, après avoir réalisé Les Graines du figuier sauvage, d’être arrêté, puis emprisonné, et après sa détention il a quitté l’Iran et s’est réfugié en Europe. 

Iman est donc un enquêteur du régime, qu’il sert fidèlement depuis 20 ans. Dans le système judiciaire iranien l’enquêteur est l’équivalent du juge d’instruction en France. Sa fraîche nomination est de bon augure car Iman peut espérer par la suite devenir juge au tribunal révolutionnaire ; ce qui lui permettrait de mettre sa famille définitivement à l’abri du besoin. Pour l’heure le juge vit avec son épouse Nejmeh et leurs 2 filles Rezva, étudiante, et Sana, lycéenne, dans un appartement d’un quartier résidentiel de Téhéran.

Mohammad Rasoulof prend le temps de nous installer (le film dure 2h46) dans le quotidien de cette famille attachante de la bourgeoisie iranienne, dont le chef de famille s’acquitte scrupuleusement de ses devoirs professionnels et familiaux. Pourtant, de jour en jour, Téhéran s’embrase, et la petite famille ne va pas être épargnée par les événements. Toute la force du film réside dans cette inévitable prise de conscience, chez les femmes du juge, que la société civile iranienne change, inexorablement. Mais les caciques du régime ne l’entendent pas de cette oreille. Alors on se dirige vers la tragédie, non pas grecque, mais perse.

Le cinéma iranien (ou persan) est un des plus beaux du monde car, même si ses films ont partie liée avec la réalité la plus brûlante, ils ne perdent jamais de vue ce qui fait le sel de la narration : la qualité remarquable de l’interprétation, et la beauté de chaque plan. Sans aucun doute possible Les Graines du figuier sauvage, qui était en Compétition officielle au Festival de Cannes cette année (2024) méritait la Palme d’Or tant convoitée. Il ne l’a pas obtenu, et à la place le jury présidé cette année par la réalisatrice américaine Greta Gerwig l’a récompensé du Prix spécial du jury.

Mais pour moi Les Graines du figuier sauvage est le premier chef d’œuvre incontestable de l’année cinéma 2024. Il figurera en très bonne place dans de nombreuses listes des 10 ou 12 meilleurs films de l’année écoulée, à n’en pas douter.

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Le premier film événement de 2024 : « Pauvres Créatures » de Yórgos Lánthimos

Willem Dafoe et Emma Stone, un savant allumé et sa création.

Willem Dafoe et Emma Stone, un savant allumé et sa création.

La saison cinématographique 2024 démarre avec un chef-d’œuvre : il s’agit du nouveau film du réalisateur grec Yórgos Lánthimos, intitulé Pauvres Créatures, et récompensé cet été (2023) par le Lion d’Or du meilleur film à la Mostra de Venise (gage de qualité pour tout.e cinéphile qui se respecte).

Dans ce 8e long-métrage du réalisateur grec, il est question de créatures à la recherche de leur humanité profonde. Bella Baxter, incarnée à la perfection par Emma Stone (avec peut-être un second oscar à la clé dans un leading role), veut découvrir le monde ; et en s’émancipant, en s’affranchissant du rôle démesuré joué par les hommes, à Londres comme à Lisbonne, ou à Alexandrie, elle va acquérir une part d’humanité qui lui faisait défaut, croyait-elle. Cette nouvelle œuvre cinématographique du cinéaste grec est une dystopie steampunk :  Yórgos Lánthimos invente sous nos yeux un monde singulier, excessivement coloré, et y plonge ses personnages (fort attachants) comme on place des insectes, des batraciens et des serpents (certains venimeux, d’autres non) dans un vivarium.

Le film est un festin pour les sens, tant sa richesse chromatique et sonore n’a d’égale que la perfection de l’interprétation. Emma Stone (qu’on avait profondément aimée dans La La Land de Damien Chazelle) s’y transforme en Reine de la Comédie dramatique. Et l’utilisation de la nouvelle pellicule très haute sensibilité Kodak pour le cinéma (au rendu particulièrement chatoyant) magnifie chaque plan du film.

Il faudra visionner ce film plusieurs fois  pour en absorber toutes les audaces, tous les indices si riches qui le parsèment de bout en bout, pour en décrypter toutes les références cinématographiques : Fellini, Lars Von Trier, le Jeunet & Caro de La Cité des enfants perdus, Tarkovski, Lynch… et tant d’autres.

L’année cinéma 2024 ne pouvait pas mieux commencer !

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Considérations actuelles sur le cinéma des années 2020 (1/5)

Margot Robbie, sublime, dans "Babylon" de Damien Chazelle.

Margot Robbie, sublime, dans « Babylon » de Damien Chazelle.

Le cinéma se porte bien, merci. Il n’y a jamais eu autant de films à l’affiche, de toutes provenances, dans les salles obscures. Le modèle économique du cinéma est pérenne. Et comme le rappelait le regretté Jean-Luc Godard chez Bernard Pivot dans le Bouillon de culture qui lui avait été consacré le 10/09/1993, le cinéma est à la fois un art et une industrie. Les deux facteurs sont inextricablement liés. Il est évident que les montages financiers demandés par les compagnies de production cinématographique et par les plateformes intègrent l’air du temps comme facteur incontournable. Si le cinéma est un Art du Désir, il reste aussi une variable d’ajustement dans l’économie du secteur du divertissement. Comme le répétait Jean-Luc Godard, si en France une jeune réalisatrice ou un jeune réalisateur veut faire Hollywood, ça va être compliqué ; s’il ou si elle est prêt.e à tourner avec des bouts de ficelle, il ou elle s’en sortira toujours. La patience, la ténacité, l’amour du travail bien fait sont des vieilles valeurs qui ont encore cours aujourd’hui.

En 2023, il y a en a pour tous les goûts en matière de cinéma : on peut voir à l’heure actuelle en salles des films français qui représentent l’excellence de la tradition française, c’est-à-dire la comédie dramatique sociologique comme Anatomie d’une chute de Justine Triet  (récompensé par la Palme d’Or au Festival de Cannes en mai 2023, Le Procès Goldman de Cédric Kahn, L’Été dernier de Catherine Breillat ou encore Le Consentement de Vanessa Filho qui font de jolis scores en salles.

Pour celles et ceux qui aiment un cinéma plus populaire, de pur divertissement, il y avait cette année sur les écrans Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu de Guillaume Canet, qui ne démérite pas et qui a permis à beaucoup de personnes de s’évader tout au long de la projection (c’est ce qu’Alain Delon demandait au cinéma d’incarner, face à Bernard Pivot dans le Bouillon de culture qui lui était consacré le 01/03/1996). Il y avait aussi une nouvelle version cinématographique des Trois Mousquetaires, en 2 volets : Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan d’abord, Milady ensuite, réalisé par Martin Bourboulon. Et les enfants ont adoré ce D’Artagnan car les belles histoires, quand elles sont bien racontées, demeurent immortelles.

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« Détective Dee, le mystère de la flamme fantôme » de Tsui Hark

Détective Dee 1

Dans les années 1990 on a découvert, en France, une cinématographie exceptionnelle qui venait d’Extrême-Orient. Les passeurs de HK Vidéo, qui prenaient le relais de la défunte et mythique revue de cinéma Starfix, faisaient découvrir un registre visuel stupéfiant, avec des personnages hauts en couleur qui volaient littéralement dans les airs quand ils se pourchassaient, ou qu’ils combattaient les uns contre les autres.

Alors, parmi cette ribambelle de réalisateurs (hélas, les femmes réalisatrices n’étaient pas mises en avant en ce temps-là) on faisait connaissance avec trois d’entre eux, qui représentaient la Sainte-trinité du cinéma d’action atmosphérique de Hong-Kong : Tsui Hark, John Woo et Johnnie To.

Aujourd’hui, en 2023, cela fait assez longtemps que Hong-Kong a été rétrocédée à la Chine par le Royaume-Uni (le 1er juillet 1997 plus exactement) ; et en 26 ans, l’industrie du cinéma hongkongaise a dû rentrer dans le rang, sinon… Pourtant, en mettant en scène les aventures du célèbre détective Dee, extrêmement populaire dans toute l’Asie, dans tous les pays de l’Extrême-Orient, ce personnage qui officiait sous les ordres de l’Impératrice Wu Ze Tian sous la Dynastie Tang, à la fin du VIIe siècle apr. J.-C., Tsui Hark offre une nouvelle épopée à son public chinois, après les différents épisodes de sa saga Il était une fois en Chine (de 1991 à 1997).

C’est en 2010 que sort sur les écrans cette toute première aventure au cinéma du fameux détective, popularisé en littérature par les romans du Juge Ti de Robert van Gulik. Dans le film de Tsui Hark on va suivre les pérégrinations de Dee, qui est au début du film un ancien proscrit, et qui pendant huit ans arpenta les profondeurs de la Cité impériale car il était un virulent opposant à la Régente. Mais ces huit années ont passé et la Régente, qui s’apprête à revêtir la couronne, le fait appeler à son service sur la demande du Grand-prêtre (à travers un cerf qui parle – malin, tiens !). Car Dee est le seul, quand bien même il fût un opposant politique coriace, qui pourrait résoudre l’énigme des combustions spontanées qui endeuillent le palais de la Régente Wu.

En se reportant 1400 ans en arrière le malin Tsui Hark dresse le portrait de deux personnages charismatiques, le détective et la future impératrice, qui apprennent à composer l’un avec l’autre. Oui, d’accord, mais dans l’intérêt de qui ? 

Sous la luxuriance du spectacle, sous les couleurs chatoyantes des costumes et la laque des décors, on voit se dessiner sous nos yeux ravis une histoire cornélienne en diable, qui pose la question suivante : au bout de combien de morts violentes, par torture ou au terme d’un combat farouche, un dignitaire peut-il espérer laver sa conscience, au nom de la Raison d’État ? La Reine-mère observe ses pantins s’agiter dans tous les sens, le Grand-prêtre pontifie mais révèle bien des secrets sans le vouloir, l’opposant politique s’entête à rester sain d’esprit, tandis que l’opposant militaire n’est pas le félon que l’on croit. Le traître, lui, est tapi dans l’ombre, mais qui prend la mesure de quoi ? et pour quoi faire ?

Laissez-vous porter par la magie opératique du cinéma High-quality de Hong-Kong et des autres pays qui le bordent, car il s’agit des seules cinématographies qui comptent aujourd’hui.

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Que sont les fées devenues ? : « The Banshees of Inisherin » de Martin McDonagh (2022)

Deux immenses comédiens, Colin Farrell et  Brendan Gleeson, dans une merveille de film celte.

Deux immenses comédiens, Colin Farrell et Brendan Gleeson, dans une merveille de film celte.

The Banshees of Inisherin est un film irlandais de Martin McDonagh, produit par les firmes Searchlight Pictures, Blueprint Pictures et Film 4, et distribué pendant la fin de l’année 2022.

Un jour de mars 1923, sur une petite île au large de l’Irlande, Colm Doherty décide de ne plus adresser la parole à son meilleur ami, Pádraic Sullivan. Ce dernier, au début surpris, ensuite de plus en plus décontenancé, cherche à savoir pourquoi Colm a pris cette décision. Et sur l’île tout le monde cherche à savoir si les deux amis ne se seraient pas fâchés, un soir plus arrosé que les autres par le whiskey et les pintes de bière brune.

Ce film écrit et réalisé par le cinéaste irlandais Martin McDonagh (qui nous avait gratifiés en 2008 d’un génial Bons Baisers de Bruges) ausculte une relation amicale qui tourne au fiasco. Les deux amis qui ne se comprennent plus sur cette île désolée sont interprétés par les grands, très grands Colin Farrell et Brendan Gleeson. D’ailleurs le rôle de Pádraic, l’ami délaissé, a valu à Mister Farrell le prix d’interprétation masculine au Festival de cinéma de Venise l’an dernier (édition 2022). Les images somptueuses du chef opérateur Ben Davis de cette nature irlandaise resplendissante, couplées à une musique celte du meilleur effet de la part du compositeur Carter Burwell, sont l’écrin idéal pour raconter cette histoire inattendue, à la trame simple comme bonjour : pourquoi, un jour, quelqu’un décide de ne plus avoir d’affection pour quelqu’un d’autre ?

Pendant que ce mini-drame intimiste se joue, sur la grande île d’Irlande, un autre a lieu, beaucoup plus ample : la guerre civile oppose les irlandais entre eux, catholiques contre protestants. Alors un des personnages dit : c’était mieux quand nous autres irlandais avions le même ennemi, les anglais. Sur la toile de fond de la guerre civile qui déchire les familles, deux hommes à l’écart du monde et de ses préoccupations religieuses et géopolitiques, ne se comprennent plus. Aux tourments de la guerre en grand, va succéder l’incompréhension entre deux êtres humains que tout rapprochait encore le jour d’avant. Entre eux, il y a la présence lumineuse de la sœur de Pádraic, la douce et très intelligente Siobhán, qui doit faire tout son possible, pour que la situation ne dégénère pas.

Ce très beau film irlandais, merveilleusement interprété par Miss Kerry Condon et Misters Colin Farrell et Brendan Gleeson, nous fait prendre conscience d’une chose, une seule : en France, est-on seulement capable aujourd’hui de réaliser un film aussi sensible, généreux et délicat ?

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Joyeuse année 2023 !

Louise Brooks, la Reine du Cinéma première manière.

Louise Brooks, la Reine du Cinéma première manière.

Ouf ! Il est encore temps pour moi de vous souhaiter à toutes et à tous une très chouette année 2023.

Comme le temps passe vite : j’entame dès à présent la huitième année aux manettes de ce blog de présentation et de découvertes des films et des cinéastes, mais aussi des actrices et des acteurs du 7ème art qui me sont chers. Et cette année je vais mettre en lumière le cinéma du passé et de patrimoine : les nouvelles tendances du cinéma contemporain me laissent de marbre, je dois le confesser. Il s’agit d’un phénomène générationnel tout à fait commun, qu’il faut bien accepter. La plupart des cinéastes, hommes et femmes et transgenres en activité dans le monde, sont, pour la plupart, plus jeunes que moi. Dès lors les références culturelles ne coïncident plus vraiment. Il fut un temps où j’étais intéressé par les cinémas contemporains, c’était à l’époque de Milos Forman, de Pedro Almodovar quand il s’émancipait de la Movida, de Ken Loach quand il visitait les vestiges de la guerre d’Espagne, du Kubrick dernière manière… Ce temps est révolu, et ne reviendra pas. Aujourd’hui, je ne suis pas capable de bien analyser les nouvelles manières de filmer. C’est pourquoi cette année 2023, je vais la consacrer à vous parler des films d’autrefois, ceux qui ont permis à ce nouvel art, inventé en 1895 par les frères Lumière à Lyon, de se déployer tout au long du XXe siècle, en le commentant, en le parodiant, en le transfigurant.

Et qui de mieux que la splendide actrice de cinéma Louise Brooks pour nous accompagner dans cette quête culturelle, et surtout amoureuse ?

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The Movie Hunter : présentation

L'extraordinaire acteur de cinéma Paul Muni dans "Scarface" (1932) d'Howard Hawks.

L’extraordinaire acteur de cinéma Paul Muni dans « Scarface » (1932) d’Howard Hawks.

Cette rubrique se propose d’explorer – en profondeur et en toute humilité – la magnifique histoire du film noir, du film policier, du thriller, de la comédie policière, qui met en scène des spécimens d’actrices et d’acteurs parmi les plus flamboyant.e.s du 7e art.

Sous le terme générique de film noir j’inclue aussi bien le film policier traditionnel que le film d’enquêtes, le thriller ou encore la comédie d’aventures policières. Le vocable film noir a l’avantage de donner tout de suite une image assez nette d’un genre protéiforme qui possède une belle popularité. À l’inverse du western le film policier n’est jamais tombé en désuétude, et en 2021 il n’est pas rare de croiser sa route dans nos salles adorées de cinéma. Chaque nouveau film du genre noir active de facto la belle machine à souvenirs cinématographiques.

Alors allons-y : je suis le Movie Hunter et cette passion ardente pour les films noirs et policiers ne me quittera jamais.

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Looking for Cannes

L'affiche officielle de la 74e édition du Festival international du film de cannes.

L’affiche officielle de la 74e édition du Festival international du film de Cannes.

Cette épidémie de Covid aura déplacé les lignes : désormais un Euro de football baptisé Euro 2020 se déroule en 2021, et le Festival de Cannes a lieu au mois de juillet, comme le Tour de France cycliste qui, du reste, s’était déroulé en septembre l’an dernier. C’est à n’y rien comprendre !

Pourtant, cette année 2020, qui aura été une année blanche pour beaucoup de manifestations culturelles, fait figure de borne sur laquelle il faut s’appuyer pour comprendre les bouleversements induits par la pandémie de Sars-COV-2.

Cette année blanche aura permis, par exemple, de laisser aux pouvoirs publics en France le temps de statuer pour obliger les géants américains de l’audiovisuel numérique à financer la production cinématographique hexagonale : depuis le 1er juillet 2021 les plateformes américaines NetflixDisney+Amazon Prime et Apple TV+ doivent « légalement participer au financement du cinéma français« . [sources = Olivier Milot dans Télérama n°3730 daté du mercredi 7 juillet 2021 – article : Nouvelle manne ]

Dès à présent ces plateformes hégémoniques, qui ne voulaient pas partager les parts du gâteau, vont devoir lâcher de l’argent, beaucoup d’argent (Netflix par exemple « devrait payer de 150 à 200 millions d’euros par an » pour « booster la création » française. [sources = id. Olivier Milot] D’un côté ces plateformes financeront une partie de la production audiovisuelle du pays hôte, et de l’autre, en s’acquittant de ce genre de taxe, elles continueront de s’exonérer du respect de la chronologie des médias. Ce qui fait que les plateformes de streaming produiront de plus en plus de films français qui enrichiront et alimenteront leur catalogue à l’international – avec cette plus-value chic que confère l’estampillage film et cinéma français depuis la Nouvelle Vague - mais ces films ne bénéficieront d’aucune sortie en salles en France. Qui est le dindon de la farce, au juste ? Alors on est en droit de poser une question polémique comme celle-ci : qui fait la notoriété du comédien Omar Sy aujourd’hui dans le monde entier ? Quelques épigones de la comédie française subventionnée par les consortiums audiovisuels TF1/M6Groupe CanalEuropaCorp ? Ou bien les américain.e.s qui vont permettre que l’exception culturelle française continue bon an mal an d’exister ?

Cependant Cannes et son Festival international du film reste à ce jour la plus séduisante vitrine du cinéma mondial. Certes, il s’agit d’un cinéma d’auteur mondialisé, dont le discours sirupeux et les intentions idéologiques agacent plus qu’à leur tour, mais aucun autre endroit au monde n’offre l’illusion de sentir vraiment les stars de cinéma, de laisser entendre le son qui se dégage de la chambre d’écho puissante que représente un plateau de cinéma ; nul autre endroit au monde ne peut se permettre d’offrir une palme d’or à la plus française et francophile des actrices américaines (ou bien est ce l’inverse ?), Jodie Foster en majesté, par le plus délicat des cinéastes de la vieille Europe, Pedro Almodóvar le castillan incandescent.

Au regard de son histoire, depuis son édition fantôme de 1939 voulue et pensée par Jean Zay, le Festival de Cannes reste aujourd’hui ce dont nous avons le plus besoin quand l’été vient.

À suivre…

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Le deuxième siècle du cinéma commence maintenant [#5]

Une belle actrice de talent sur la trace de ses prestigieuses consœurs.

Une belle actrice de talent sur la trace de ses prestigieuses consœurs.

Aimer le cinéma, c’est aimer celles et ceux qui l’incarnent.

Les actrices et les acteurs de cinéma sont la matérialisation concrète du désir puissant de vouloir raconter une histoire en images et en sons.

Ce désir puissant existe partout, en tous lieux, en différents endroits de la planète, parfois aux antipodes les uns des autres. L’envie sensationnelle de vouloir donner à voir ce qu’on a en tête passe toujours, depuis 1895, par le corps de l’actrice et de l’acteur. Les réalisat.eur.rice.s ne dirigent pas tellement leurs comédien.ne.s mais ils et elles les incitent à incarner un personnage en modelant avec d’infinies précautions une attitude, un geste et une intonation. Nous sommes toutes et tous les propres acteurs de nos vies ; chacun de nos sentiments, chacune de nos attitudes peuvent donner lieu à une multitude de récits. Alors le génie de la mise en scène de cinéma réside dans cette qualité essentielle : celle de traduire en scène, en séquence dialoguée, à travers une valeur de plan, par le truchement de la caméra et du micro, la variété et la complexité de nos comportements humains, en essence et en acte.

C’est pour cette raison que nous aimons tellement nous voir dans le miroir de l’écran blanc de la salle de cinéma. Nos orientations sensorielles, nos compréhensions, parfois justes, parfois erronées, du sens des choses se trouvent traduites en 24 images/seconde sur une bande de celluloïd de 16 ou de 35 mm, en couleurs ou en noir & blanc, en Mono ou en Stéréo.

En 2020, les corps, les visages de cinéma incarnent de nouveaux modèles de figuration et de représentation ; et certaines carrières sont émouvantes à scruter, en ce qu’elles nous éblouissent : une actrice comme Kristen Stewart, révélée par la saga de teen-movies Twilight (de 2008 à 2012), occupe crânement l’affiche depuis tout ce temps-là. Et ce n’est pourtant pas si facile, et pas donné à tout le monde, de garder année après année cette stature d’icône chic et glamour dans un monde globalisé qui a fait de l’oubli son principal principe d’occupation des jeunes esprits. En incarnant dans un biopic l’actrice américaine Jean Seberg (Seberg, Benedict Andrews, Royaume-Uni/États-Unis, Dolby Atmos, 2019) Kristen Stewart montre qu’elle se place dans une continuité artistique choisie, et âprement négociée.

À suivre…

 

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Le deuxième siècle du cinéma commence maintenant [#4]

Columbia Une chose est  sûre : ce deuxième confinement n’est pas une bonne nouvelle pour les métiers du cinéma. Toutes les productions sont à l’arrêt, les projets sont au point mort et de toute façon, comme les salles sont fermées…

Le premier confinement du printemps dernier avait saisi tout le monde (ou à peu près) d’effroi. Seule la guerre de 39-45 avait mis un terme à la projection des films en salles, et le monde d’après mai et juillet-août 1945 avait mis un sérieux coup de canif dans l’embellie du cinéma américain depuis les années 1930. Les Golden Age et Silver Age des 8 grandes compagnies de production hollywoodiennes de ce temps (Paramount PicturesUniversalColumbia PicturesThe Warner Bros. CompanyThe Walt Disney CompanyThe 20th Century Fox, Metro-Goldwyn-Mayer Inc. et United Artists) avaient profité aux nababs, aux stars incandescentes et dans la salle à manger des scénaristes de la Warner, à Burbank, Californie, San Fernando Valley, il n’était pas rare d’y croiser William Faulkner, Raymond Chandler, Dashiell Hammett et William Riley Burnett tailler le bout de gras.

Le cinéma de ce temps-là n’était pas un simple divertissement ; il était une religion ardente, avec des rites sacrés, une théogonie et des impressions sur pellicule qui valaient témoignage de foi. Veronica Lake, Louise Brooks, Gene Tierney, Jane Russell étaient les déesses de l’écran, qui ne figuraient dans aucun manuel d’anthropologie religieuse. Pourtant elles drainaient autour d’elles leur cohorte d’admirateurs fervents, de bonzes débonnaires prêts à sacrifier ce qu’ils avaient de plus cher pour continuer à exister dans leurs sillages d’ombres et de lumières. L’invention du cinématographe par Louis et Auguste Lumière a permis aux inventeurs-créateurs du vingtième siècle naissant de laisser libre-cour à leur imagination en fabriquant une nouvelle manière de raconter des histoires. Le plaisir de la lecture réside dans le fait d’être seul avec les mots imprimés ou écrits à la main sur la page ; le plaisir du cinéma, lui, réside dans le fait de regarder la même chose en collectivité. Rien de plus énervant que de subir le spectacle affligeant d’un écrivain qui lit à voix haute son texte ; rien de plus plaisant que cette ivresse quand surgit le lion rugissant de la M.G.M ou la personnification des États-Unis d’Amérique brandissant sa torche au générique des films de la Columbia.

caméra

Au deuxième siècle du cinéma l’étincelle des débuts est toujours là. Seulement voilà : une pandémie de Coronavirus, 19e de sa catégorie à être venu nous visiter, a bouleversé notre rapport aux images-fétiches. Désormais, le repli est quasi généralisé vers les écrans minuscules qui diffusent en continu du contenu audiovisuel. Le cinéma est plus que jamais menacé par ces formes de consommation filmique, et les pouvoirs publics ne prennent pas entièrement conscience du danger qu’il y a à n’utiliser aucun recours juridique face aux géants d’internet. Il sera trop tard quand certaines multinationales des médias et de la communication auront sciemment effacé de la mémoire des gens tout un pan de la culture cinématographique mondiale. Les îlots de résistance ne suffiront pas pour réactiver l’amour inconditionnel, exclusif, des images en 35 mm.

Il serait grand temps de se réveiller une bonne fois pour toute !

À suivre…

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