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« The Head » : mystères en pagaille sous la glace

The Head est une production espagnole de The Mediapro Studio (en association avec HBO Asia et Hulu Japan), comprenant 6 épisodes réalisés par Jorge Dorado.

The Head

Dans cette série assez courte on se retrouve immergé dans une station scientifique polaire en Antarctique. Elle est baptisée Polaris VI et son équipe de recherches est composée d’hommes et de femmes, des cherch.eur.euse.s chevronné.e.s de différentes nationalités : on y trouve la jeune médecin écossaise qui paraît timorée, le commandant allemand un brin autoritaire (incarné avec maestria par l’excellent comédien Richard Sammel, enfin loin de ses rôles de nazis qui finissaient par lasser), ou encore le grand savant biologiste génial qui manque cruellement d’empathie pour ses semblables, sans oublier le technicien en transmission et le cuistot un peu rustauds…

Bref, ce vivier que constitue l’équipe d’hiver (et sur Polaris VI l’hiver polaire dure six mois, avec des températures extérieures avoisinant les -100° Celsius, bonjour l’ambiance !) va être confronté à une terrible épreuve : car quelqu’un – ou quelque chose – leur veut du mal. Et très vite, on va se retrouver avec une tête coupée sur les bras ! Et cette tête, découpée minutieusement à la scie égoïne, est celle d’un membre de l’équipe. Les 6 mois à venir dans la station vont être longs, très longs pour les survivants !

Placée sous les bons auspices de The Thing (États-Unis, 1982) de John Carpenter, modèle insurpassable de huis-clos polaire, glacial et flippant à souhait [le meilleur rôle de Kurt Russel à ce jour ? Non ? Oui ? Si, allez quoi !], cette série est une merveille de mise en scène et de direction dramatique : d’ailleurs l’acteur danois Alexandre Willaume, qui incarne le protagoniste, membre de l’équipe d’été, tentant de résoudre les énigmes abyssales de ces tueries incompréhensibles en paysage glacé, s’en sort plutôt bien ; car il faut être un acteur diablement charismatique pour porter à bout de bras le moteur narratif d’une telle entreprise.

C’est aussi ce que réussit très bien un acteur comme Jude Law, dans l’épatante série The Third Day (Royaume-Uni/États-Unis, 6 épisodes, 2020).

Affaires à suivre, donc.

To be continued…

 

 

 

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Welcome to Avalon

Avalon (Pologne/Japon, 2001) est un film de science-fiction du réalisateur japonais Mamoru Oshii. Il s’agit d’une coproduction Japon/Pologne, ce qui n’est pas si courant. En 1h42, ce film absolument saisissant nous raconte le périple d’Ash, une joueuse de jeu-vidéo dont la progression est constante, et qui subjugue les autres joueurs. Ash voudrait accéder à l’ultime niveau du jeu, celui dans lequel le monde virtuel et la réalité se confondent. Ce jeu auquel Ash s’adonne, en un temps indéterminé, dans une grande ville qui ressemble à celles de l’Europe centrale, s’appelle Avalon

La comédienne polonaise Malgorzata Foremniak.

La comédienne polonaise Malgorzata Foremniak.

La vie de cette jeune fille (une Louise Brooks du XXI° siècle naissant qui réactualise le mythe de la femme fatale, guerrière, intransigeante, qui ne s’en laisse pas compter) est rythmée par les longues plages de jeu, par ses trajets en tramway qui la ramènent dans son appartement qu’elle occupe seule avec son Basset Hound, qu’elle aime plus que tout au monde. Ses relations avec les autres humains se limitent au strict minimum. Car dans le monde d’Ash seule la progression dans la réalité virtuelle d’Avalon compte ; elle seule permet de gagner de l’argent qui conditionne le niveau de vie qu’on peut avoir dans l’existence réelle. Et puis il y a ce défi qu’Ash a envie de relever, sous les auspices de son mystérieux Maître de jeu : tous ceux qui ont atteint le niveau Spécial A, c’est-à-dire le niveau ultime du jeu, n’en sont jusqu’à présent jamais revenus ; ils sont à l’état de légumes, réunis tous ensemble dans un sinistre hôpital de la ville. Mais Ash, mutique à souhait, fuyant toute espèce de relation sociale, se sent d’attaque…

Ce film de Mamoru Oshii participait, en 2001, au questionnement sur les bouleversements induits par l’ère numérique. Au même titre que la trilogie Matrix (États-Unis, 3 films en 1999 et 2003, par les sisters Wachowski) Avalon posait un jalon : celui de commencer à bâtir une cathédrale de sens, à la fois métaphysique et moral, en relation avec chaque pierre amenée à leur tour par d’autres cinéastes. Je pense par exemple à Rupert Sanders et à son adaptation du manga animé Ghost In The Shell (États-Unis, 2017) ou encore à Alita : Battle Angel (États-Unis/Argentine/Canada, 2019) de Robert Rodriguez. Ces cinéastes, à tour de rôle, qui savaient marier mieux que personne rigueur sémantique et découpage technique au cordeau, mettaient en images certaines questions, qui étaient d’une actualité brûlante aux toutes premières années de ce vingt-et-unième siècle qui débutait à peine : qu’est-ce que c’est, maintenant, la réalité ? Quelle est la différence, en nature et en genre, entre ce qui semble réel et ce qui ne le paraît pas ? Peut-on faire encore confiance à nos 5 sens ? Notre perception de la réalité diffère-t-elle beaucoup de celle du personnage d’Alita ou de celui du Major ?

Une esthétique "steampunk" indéniable dans le film d'Oshii, à l'image de ce superbe tank de combat.

Une esthétique « steampunk » indéniable dans le film d’Oshii, à l’image de ce superbe tank de combat.

Avalon est un film somptueux sur la quête de sens dans un monde qui paraît cruellement en manquer. Nous ne sommes pas prêts d’oublier le regard fixe,  mais qui questionne tout ce qu’il regarde, de la superbe actrice polonaise qui interprète Ash, la guerrière de l’ère numérique à ses balbutiements : Malgozarta Foremniak !

 

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Where are you hidden, old friend ?

b193ba4d1bbfaade4ed9690d90c51f86 Le western, au cinéma, est le genre primordial, originel. Il est à l’origine des choses, dès la naissance du cinéma.

Dans les premières bandes tournées par les opérateurs sur le sol américain, le western, muet, en noir & blanc, se constitue comme mètre étalon de l’acheminement du sens donné à l’image. Il n’y a qu’à jeter un œil sur la liste exhaustive de ce qui fut tourné à la Keystone, à la United Artists, ou à la Fox et dans les autres compagnies, pour s’en convaincre. On a coutume de dire que Le Vol du grand rapide (The Great Train Robbery), tourné par Edwin S. Porter en 1903, est le premier western connu. De toute façon le matériau brut, pas encore décati, offre les premiers attributs, ceux d’une mythologie à naître.

Bien sûr les écrivains ont devancé les réalisateurs dans le récit de la conquête de l’ouest et de l’établissement de l’état-nation en terre américaine. Mais enfin, les images vont témoigner de ce qui fut autrefois narré par les ingénieux prosateurs (mais il faudra attendre Michael Mann, en 1992, pour avoir une adaptation, digne de ce nom, du puissant roman de James Fenimore Cooper Le Dernier des Mohicans). Les premiers faiseurs d’images (ce terme que j’emploie ici n’est pas péjoratif, loin s’en faut) vont véhiculer le mythe émergent partout dans le monde.

On sait combien il fut difficile, dans les premières années du cinématographe, d’avoir une vision neutre, non politisée, de ce qui fait une nation. Et les premières bandes de celluloïd témoignent d’un racisme certain (c’est un euphémisme), et d’une vision tronquée et partiale des choses. Au tout début on construit les éléments de langage, même si la plupart sont faux et imparfaits (mais le western révisionniste existe aussi au XXIe siècle avec le Django Unchained (2012) de Quentin Tarantino par exemple – nous reviendrons dessus en détail un peu plus tard) : comment témoigner alors du massacre des nations indiennes orchestrée par le pouvoir usurpateur ? Comment filmer l’homicide originel, c’est-à-dire l’assassinat d’Abel par son frère Caïn ? De nombreux westerns ont opposé les céréaliers avides aux paisibles éleveurs de troupeaux. Les grands propriétaires terriens de l’Ouest et du Middle West s’accaparaient les terres fertiles, les verts pâturages, et repoussaient vers la frontière les tous petits éleveurs, et poussaient à la misère les garçons de vache moins bien lotis par la fortune. Alors certains volaient du bétail, et le convoyage des troupeaux devenait un périple semé d’embûches : c’est de cela dont parle le très beau La Rivière Rouge (1948) de Howard Hawks, une œuvre splendide inégalée à ce jour, qui chorégraphie dans un noir & blanc somptueux (la cinématographie est signée de Russell Harlan, un directeur de la photo génial) le ballet fidélité masculine/trahison qui oppose et relie tout à la fois John Wayne, le père putatif, et le fils maudit mais admiré Montgomery Clift dans l’un de ses nombreux rôles inoubliables.

On n’y oublie pas non plus les jeunes pousses solitaires qui ont à cœur de faire tonner les coups de pistolet dans la prairie : je pense à ce film de vengeance ultime d’Henry Hathaway qui met en scène Steve McQueen dans Nevada Smith en 1966.

à suivre

 

 

 

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Allez, viens prendre le train, quoi ! [1/2]

 

19538042_20130923175841529  Il y a deux manières d’envisager la chose : soit prendre le train est synonyme de vacances et de détente, et de potentielles rencontres, soit il s’agit de l’expérience la plus anxiogène qui soit, une plongée aux enfers dont personne ne revient indemne ; souvenez-vous de Train d’enfer (1984) de Roger Hanin, de Dernier train pour Busan (2016) de Sang-ho Yeon, ou encore de Snowpiercer – Le Transperceneige (2013) de Bong Joon-ho.

Envisageons tout d’abord la première manière, quand prendre le train rime avec plaisirs partagés et aventures en bermuda. C’est à bord d’un train que l’impeccable Cary Grant fait la connaissance de la sublime Eva Marie Saint dans La Mort aux trousses (North by Northwest, 1959) de Sir Alfred Hitchcock ; le train est alors le vecteur de l’aventure et de la résolution des énigmes, car bon nombre de films policiers et de thrillers se déroulent dans des wagons lancés à folle allure sur les écrans de cinéma. Ce monde clos est fascinant car pendant que la locomotive fulmine, tout peut arriver : même les combats à mains nues les mieux chorégraphiés. Songeons à celui qui oppose James Bond/Sean Connery au féroce agent du KGB dans l’insubmersible Bons baisers de Russie (From Russia with Love, 1963) de Terence Young. Et dans 007 Spectre (2015) de Sam Mendes, c’est en train que le super agent britannique incarné par Daniel Craig va au devant de son destin et de la résolution de l’énigme des origines, accompagné du Docteur Madeleine Swann/Léa Seydoux : qui est réellement Ernst Stavro Blofeld/Christoph Waltz, et quel est son véritable rang dans la hiérarchie du SPECTRE ? Numéro 1, numéro 1 bis, numéro 2, numéro O ? Dans l’ultime face à face entre l’agent double zéro et son frère de lait d’adoption, qui est le pendant maléfique de l’autre ? Qui est le plus brutal ? Ce sont les questions captivantes qui sont posées par les James Bond Movies depuis que Daniel Craig a repris le flambeau (dans le flamboyant Casino Royale, 2006, de Martin Campbell). A bien des égards la scène surpuissante de bagarre entre James Bond et Mr Hinx, incarné par David Bautista, reprend au geste près la séquence mythique du 2e film de la série, citée plus haut. Comme un ultime hommage.

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à suivre…

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« Une affaire de famille » a clôturé en beauté le festival

Une affaire de famille Effectivement, le film du japonais Hirokazu Kore-eda, Une affaire de famille (2018), est un bijou, lui aussi, de l’art cinématographique des années 2000. Sa manière tranquille nous familiarise avec la folie douce de ses personnages, tant cette famille s’éloigne des schémas traditionnels de cohabitation et de vivre ensemble. Et envisage une très grande complicité des spectateurs à l’égard de ces individus loufoques et diablement attachants. Les deux enfants du film, quant à eux, sont totalement bouleversants : la relation entre Shôta, le garçon pré-adolescent totalement autodidacte, et la toute petite (5 ans au compteur) Jinji/Rin, est une merveille de poésie, magnifiée par la délicatesse de la mise en scène. De plus, l’épilogue du film en demi-teinte laisse en nous un sentiment profond et bienveillant : celui de l’absolution d’actes pourtant répréhensibles commis par des adultes qui veulent réparer une injustice. Et le film pose la question cruciale de savoir si ce n’est pas au fond le lien qui nous attache à celles et à ceux qu’on s’est choisis qui importe plus que tout, et que toute autre considération biologique ou génétique.

Qu’est-ce qu’une famille aujourd’hui ? Que veut dire aimer quelqu’un ? Que viennent faire les normes sociales là-dedans ?

En composant des plans-séquences soigneux Hirokazu Kore-eda nous parle de notre rapport aux êtres qui nous sont chers et ne cède en rien à la conformité sociale qui emprisonne plus qu’elle n’émancipe : par exemple soustraire un enfant maltraité à ses parents biologiques relève de l’enlèvement et de la séquestration ou bien d’une forme d’humanitarisme primitif dénué d’à priori encombrant ?

Quel est le prix à payer aujourd’hui pour s’être éloigné des normes juridiques de protection de l’enfance ?

Oh oui, c’est à un bien beau festival que nous avons assisté cette année ; dans lequel même Olivier Assayas s’intéresse au monde réel, celui qui nous enveloppe toutes et tous, dans le très jubilatoire Doubles vies.

Prochainement nous allons nous intéresser au jouissif film de s.-f. cyber-punk Upgrade (2018) du très talentueux réalisateur australien Leigh Whannell.

à suivre

 

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Hip, hip, hip, hourrah pour le festival !!! Une totale réussite

The house that jack built Ce 21eme festival de cinéma Indépendance(s) & création fut une totale réussite.

Comme l’a souligné son président Alain Bouffartigue lors de la cérémonie de clôture dimanche soir 7 octobre, il y eut 3 temps forts :

- en premier lieu la projection dimanche en fin de matinée du film de Lars Von Trier, The House That Jack Built (2018), qui a estomaqué les festivaliers. La projection fut suivie d’un décryptage de l’œuvre, en compagnie d’Alain Bouffartigue et de Jean Douchet, pendant 1h30 ; cela eut lieu en salle 5 quelques heures après nous être remis de nos émotions.

- le second temps fort fut la projection, 21 ans plus tard, du tout premier film écrit et réalisé par Jacques Nolot en 1997, L’Arrière pays ; c’était pour rendre hommage à la 1ere édition du festival : dans ce magnifique long métrage Jacques Nolot se met en scène dans un bouleversant récit autobiographique qui l’imagine accompagner les derniers instants de sa mère dans son village gersois d’où il est originaire et qu’il a quitté il y a bien longtemps sans le moindre regret. Ce fut à nouveau un grand et beau moment d’émotion pour l’enfant du pays Jacques, qui était présent dans la salle, et pour le public qui lui est fidèle depuis pas mal de temps déjà. En outre le film fut projeté en 35 mm dans l’unique copie qui existe, propriété exclusive de la Cinémathèque française, qui l’a prêtée gracieusement. Beau moment de nostalgie, heureuse et salvatrice. Comme l’a dit Alain il serait heureux qu’un éditeur de dvd en tire une copie numérisée HD, car le film tient joliment le coup et est devenu un classique patrimonial, rien de moins. Amis éditeurs, si vous entendez le message !!

- le troisième temps fort fut la soirée de clôture, avec la projection en avant-première, la seule organisée par le distributeur, de la dernière palme d’or cannoise, Une affaire de famille de Kore-Eda Hirokazu, avec en préambule une vidéo de remerciement du cinéaste japonais lui même, alors en tournage à Paris avec Catherine Deneuve et Juliette Binoche.

Le festival fut, une fois de plus, au diapason, de ce qu’on attend de lui : faire découvrir des films novateurs qui interrogent non seulement l’état du monde actuel, mais aussi notre propre sensibilité face aux images qui nous sont proposées.

En cela le film de Lars Von Trier, The House That Jack Built, est parfait car il permet de situer le niveau d’excellence de son auteur, loin au-dessus de la mêlée, construisant avec un matériau visuel d’une inventivité inouïe, un temple narratif, formel et cérébral d’une audace sans commune mesure. Qui appelle de multiples niveaux de lecture, jouant à l’infini avec la curiosité, mais aussi notre insatiabilité à regarder des images puissantes, inoubliables, à essayer de les décrypter au mieux.

Créateur de formes visuelles et sonores unique en son genre aujourd’hui, Lars Von Trier ne s’écarte jamais du chemin pourtant malaisée qu’il arpente depuis près de 40 ans de carrière. Sa Maison que Jack construit devient par les seules forces de son imaginaire et de sa grammaire visuelle un classique instantané, qui marque dès à présent de son empreinte charnelle l’histoire du cinéma au XXIème siècle.

Depuis l’an 2000 et les milliers de films sortis depuis, je ne vois que le sublime The Assassin (dont nous allons parler très prochainement) de Hou Hsiao Hsien pour rivaliser avec le maître danois.

à suivre

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Qui peut se permettre d’aller au Festival de Cannes de nos jours ? Et, surtout, à quoi cela sert-il ?

Cannes 2018La physionomie du cinéma a profondément changé en quelques années seulement. Alors qu’il a entamé avec gourmandise son deuxième siècle d’existence depuis déjà près de vingt ans, qui continue à aller voir les films en salles, en première exclusivité, quand il est facile et confortable de se munir de n’importe quelle box avec son système de VOD intégré ? Les images de films imprègnent-elles la rétine de la même façon qu’autrefois ? Quand on s’attardait dans les halls des salles de cinéma pour décrypter longuement les photogrammes épinglées sur les murs qui promettaient des voyages fantastiques et des visionnages étincelants. Cette magie d’avant a disparu, personne n’en a plus rien à fiche de ces émotions là qui pourtant étaient constitutives de celle et de celui que nous ne tarderions pas à devenir. Qui n’a jamais vu une image de Gary Cooper dans Le train sifflera trois fois (1952) ou dans Pour qui sonne le glas (1943) projetée sur un écran géant ne sait pas de quoi je parle. A l’heure de la diffusion massive, au flux incessant, des films, tous interchangeables, sur internet et dans les machines numériques complexes, le temps de regarder un film dans une salle, s’apparente au recueillement dans un édifice religieux, il est le dernier lien sacré autonome qui nous reste pour explorer comment nous interagissons les uns avec les autres ; et c’est ce que doit normalement incarner un festival de cinéma.

Le festival de Cannes, lui, est devenu inaccessible, inatteignable  pour le commun des mortels, ceux qui ont la chance d’être sur place durant la Quinzaine sont parqués avec le plus grand mépris derrière des barrières de sécurité, pendant que la ronde des limousines déchargeant les vedettes périmées le lendemain, tourne en boucle sur le réseau câblé mondialisé. Le Festival a-t-il encore un intérêt pour les créateurs du cinéma contemporain, et comment réagissent-ils à ces fariboles de pognon, de glamour frelaté, et parfois de stupidité comportementale, et comment réagissent-ils quand on leur demande d’amuser les nantis qui pourraient, si l’envie leur prenait, financer à eux seuls les cinématographies entières de pas mal de pays dans le monde, avec leur argent de poche.

Bien entendu, on me rétorquera, avec raison j’en conviens, qu’il est heureux de pouvoir, loin des montées des marches insipides et des descentes de colombienne bleue (cf. le dernier roman de Jay McInerney qui a l’air d’en connaître un rayon sur la question de la mixité entre vedettes topless défraîchies – vieilles gloires conservées dans du formol – jeunes arrivistes stupides – nouvelles dopes transgéniques), de pouvoir voir, donc, en salles en même temps que les festivaliers au nez poudré, certains des films des différentes sélections cannoises qui ont l’air d’intéresser les journalistes du monde entier pendant la Quinzaine, avant d’être définitivement oubliés pour de bon, surtout s’ils ne sont récompensés d’aucun prix.  Et puis qui a vu Okja (2017) dans une salle de cinéma, s’il n’était pas au Festival l’an dernier ?

Et pourquoi The Assassin de Hou Hsiao-hsen (2015), le plus beau film pour l’instant de notre deuxième siècle du cinéma, n’a-t’il pas eu la Palme d’or ? Les gens de cinéma sont-ils si clairvoyants que ça ?

Et surtout, le festival de cinéma du XXIe siècle est-il à ce point devenu un traquenard qu’il faille filmer un véritable lépreux pour attirer l’attention sur soi, ou sur qui on prétend représenter dans un geste filmique d’une audace folle ? Quand avons-nous dépassé la ligne rouge du conformisme moral, de la sollicitude vaine, et de la dérégulation outrancière des émotions ?

Quel sera le prix à payer pour se repaître sur écran géant du malheur terrible de nos contemporains, sans remettre en question de fond en comble, la vacuité absolue de nos modes de vie contemporains, insignifiants et mercantiles ? Une oeuvre d’art, ou supposée telle, se conçoit généralement dans un va-et-vient continuel entre désir farouche d’exprimer et incapacité de le faire vraiment, sans travestir les usages communs de la représentation, non ?

Filmer une séquence, agencer des plans, construire la machine complexe de la fiction, accorder autant d’attention à ce que verra le spectateur qu’à ce qu’il devinera ou ne devinera pas, suffit-il aujourd’hui pour faire exister, en dehors de toute valeur marchande, un festival, lequel se veut le plus représentatif possible de la richesse du cinéma mondial ?

Plusieurs livres sans doute ne suffiraient pas pour répondre à cette question qui importe vraiment aux cinéphiles et cinéphages que nous sommes, déboussolés par la remise en question permanente des certitudes d’autrefois.

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Un cinéaste iranien dynamise le Festival de Cannes 2018 dès son ouverture

Everybody KnowsLe film qui fait l’ouverture du Festival de Cannes cette année (sa 71e édition), et qui est en compétition pour la Palme d’or, est une pure merveille ; il s’agit de Everybody Knows du cinéaste iranien Asghar Farhadi.

En réunissant à l’écran Javier Bardem et son épouse Penelope Cruz, et en situant son film dans un petit village espagnol d’aujourd’hui, le réalisateur concocte une histoire de famille bouleversante autour de l’enlèvement d’Irene, une adolescente pleine de vie, pendant le mariage d’une de ses tantes. Et l’angoisse liée à cet enlèvement, qui a lieu pendant que la fête bat son plein, l’horreur de cette situation qui va gagner peu à peu la communauté villageoise toute entière, va faire émerger un secret de famille vieux comme le monde.

Asghar Farhadi sait jouer d’une situation existentielle commune (combien y-a-il de manières d’exister vis-à-vis de celles et de ceux qu’on aime ?) pour en proposer une variation unique, mid-tempo, dans les couleurs chatoyantes d’une Espagne et d’une communauté humaine idéalisées. La sensualité toute orientale dans la manière de filmer avec volupté les corps qui bougent, qui dansent ou qui s’étreignent, dans l’aggiornamento d’une fête de mariage visant à réconcilier celles et ceux qui se sont perdus de vue depuis bien trop longtemps, épouse les situations dramatiques dans un mouvement de cinéma vérité d’une grande délicatesse émotionnelle.

On savait également que le jeu de Javier Bardem se mariait à merveille à celui de son épouse (dans la vraie vie) depuis leurs débuts de jeunesse dans le fracassant Jambon, jambon de Bigas Luna (1992) ou plus tard dans Vicky Cristina Barcelona de Woody Allen (2008).

Le film de Farhadi a aussi le mérite de faire honneur à une compétition dont nous ne retenions, ces dernières années, que l’étalage de luxe obscène à l’heure qu’il est, de vanités et de médiocrité comportementale. (Je vais revenir sur ce sujet dans le post suivant.)

Asghar Farhadi a réussi ce tour de force : celui de nous intéresser, profondément, aux modes de communication et d’interaction d’une communauté villageoise, d’une structure familiale, riches en couleurs et en tempéraments, en nous faisant participer au dénouement d’une tragédie particulière avec un sentiment d’inachevé dans la résolution des affects.

Le film s’interrompt avec l’idée qu’on n’en a jamais fini ni avec l’enfance, ni avec les compromissions de l’existence, ni avec la famille, ni avec les amours qui ne disent jamais leur nom véritable et secret.

Ce film est une splendeur. Précipitez-vous vite le découvrir en salles.

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Life on Mars ?

the_last_days_on_mars_2Dans The last days on Mars de Ruairi Robinson (2013), un équipage international d’astronautes (canadiens, britanniques, russes, …) est basé sur la planète Mars depuis plusieurs mois, et attend la relève. Dans 19 heures exactement la navette Aurora viendra les récupérer pour qu’ils rentrent sur Terre. Evidemment rien ne va se passer comme prévu. Un des astronautes, sans rien dire aux autres, a découvert des bactéries sur le sol martien, la catastrophe guette… A partir de là le film oscille entre contemplation mélancolique des paysages rouges orangés (ballet des véhicules comme les Rover qui marchent à l’énergie solaire  et qui permettent de se déplacer facilement d’un point à un autre, longs plans sur la navette Aurora en approche) et film de trouille survitaminé quand le personnel infecté, droit sorti de World War Z, se jette sur les survivants de la station avec une belle santé ! Ce décalage peut prêter à sourire, mais il est difficile de rendre intéressant l’atmosphère d’une planète comme Mars au cinéma, dans la mesure où aucun d’entre nous n’y a jamais mis les pieds, n’est-ce-pas ? Sujet casse-gueule par excellence pour de nombreux cinéastes (on se rappelle le plantage de De Palma avec Mission to Mars) la planète rouge peine à trouver une histoire qui lui conviendrait, qui la mériterait ; mais non, on a droit à une invraisemblable découverte, celle de bactéries transformant en zombies les personnes contaminées. Cela suffit-il pour en faire un thriller de science-fiction à la hauteur ? Hmmm, pas si évident. Même la présence d’Elias Koteas et de Liev Schreiber ne suffit pas à faire passer la pilule, et l’ensemble laisse un goût d’inachevé. Même si dans l’ensemble le spectacle est plaisant à regarder.

Alors, y-a-t’il de la vie sur Mars ?

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