Dans un film français aujourd’hui – ou bien devrais-je plutôt dire dans une comédie française des années 2010 – il faut à tout prix montrer combien on a compris l’air du temps, sous peine de passer pour un dangereux réactionnaire. Du coup chaque personnage principal, et ils sont toujours plus nombreux dans chaque film, se doit d’être sensible, généreux, un peu rosse parfois mais pas trop quand même. Il doit aussi montrer exagérément les ficelles de son caractère en popularisant l’idée selon laquelle être un peu con sur les bords n’a jamais fait de mal à personne. L’exemple le plus flagrant est bien celui des époux Tuche dans la trilogie du même nom (Les Tuche, France, 2011, Les Tuche 2 : Le rêve américain, France, 2016 et Les Tuche 3, France, 2018, tous les 3 réalisés par Olivier Baroux, qui est quand même un réalisateur estimable). De toute façon tout ça se termine généralement sur un coucher de soleil rose bonbon enveloppé dans la musique du moment.
Exagérons à grand trait dans ce post puisque les fabricants de films ne s’en privent plus.
Pour une mamie qu’on veut faire passer pour indigne car elle a tiré 3 taffes sur un joint avant d’aller dépêtrer sa belle-fille des mânes d’un commissariat de province, et qui se déhanche en boîte de nuit dans le sud-est de la France (C’est quoi cette mamie ?! de Gabriel Julien-Laferrière, France, été 2019), quel sera le degré de respectabilité des autres personnages du film, des adultes tous sans exception totalement névrosés et psychotiques ? Seuls les personnages d’enfants s’en sortent pas trop mal, même si on tombe encore et toujours dans le cliché des adolescentes mal dans leur peau, tandis que les jeunes mâles de la tribu, eux, on sent bien qu’ils deviendront des winners dans quelques années, bouffis d’orgueil et de vanité. Mais qui s’en soucie au final ? De cette comédie d’été légère comme le Mistral qui a permis à l’un comme à l’une de laisser reposer son bronzage dans une salle climatisée de station balnéaire le temps de la projection… En attendant les grillades du soir et le rosé dans son sac à glaçons.
Bien, le film choral familial spécial familles recomposées hystérisées est la nouvelle marotte dans l’Hexagone, le lieu de l’osmose publicitaire qui veut faire croire au monde entier que le modèle bobo pourri de fric et de certitudes et aux pensées élargies laisse tous les autres pantois et envieux. Ah ça si tu savais par chez nous comme on jalouse ceux du dessus de la Loire, hé, hé !! L’exemple le plus frappant en est sans doute le film réalisé en tandem par deux personnalités du cinéma français pourtant attachantes : L’Amour flou de Romane Bohringer et Philippe Rebbot (France, 2018).
Dans ce monde pollué par le flux incessant des images qui ne montrent plus rien, qui ne signifient plus rien d’important ni de nécessaire, ne plus regarder le moindre film pendant un mois ou deux devient une façon polie de reprendre son souffle face à la vacuité du spectacle cinématographique qui nous est donné en pâture.
Mais même les décideurs les plus cyniques du cinéma français ne réussiront jamais à tuer notre désir fou de cinéma digne de ce nom. Pourtant, Dieu sait s’ils s’en donnent les moyens de septembre à juin…
à suivre…