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Ciné 90 : (#2) « L’Enfer »

L'Enfer

Paul aime Nelly. Il l’épouse. Ils tiennent une auberge-hôtel dans le Sud de la France (entre Revel et Castelnaudary pour être plus précis), et peu à peu, sans qu’on comprenne pourquoi, Paul va devenir fou. Fou de jalousie. Sa femme, Nelly, va devenir le vecteur d’un problème existentiel, corrompu par la belle lumière, brûlante, du Midi.

Exercice de résolution psychanalytique de haute volée, L’Enfer (1994) de Claude Chabrol part du film inachevé d’Henri-Georges Clouzot et des essais lumière de Romy Schneider pour nous présenter sa vision du couple au milieu des années 90 en France. Et quel couple ! Campé avec classe par un jeune François Cluzet, qui ressemble à Sami Frey dans César et Rosalie (1972) de Claude Sautet, et une Emmanuelle Béart resplendissante de beauté solaire et de magnétisme animal foudroyant, ce couple ressuscite les grandes unions du cinéma français : on pense bien sûr à Yves Montand et Romy Schneider, à Gérard Depardieu et Catherine Deneuve, ou encore à Olivier Martinez et Juliette Binoche dans le trop sous-estimé Le Hussard sur le toit de Jean-Paul Rappeneau, sorti un an après L’Enfer, en 1995.

D’ailleurs on comprend finalement assez vite pourquoi Paul crève de jalousie : sa femme, Nelly, est érotiquement chargée par les électrons du plaisir et de la sensualité, inconsciente en même temps de son potentiel sexuel sur les autres mâles qui gravitent dans son giron. Alors le pauvre Paul, stressé à cause de la gérance de son hôtel, va s’imaginer des choses ; et les images mentales de Paul – des gros plans sur le visage sublime d’Emmanuelle Béart en train d’aguicher le quidam – vont précipiter ce dernier dans la folie la plus destructrice, la plus malséante.

Mais le roué Claude Chabrol nous fait douter jusqu’au bout : n’assistons-nous pas plutôt à la lente formation d’une psyché révoquée, encombrée, celle de Paul, qui s’imagine des choses qui n’existent pas, qui n’ont peut-être jamais existé ailleurs que dans son esprit tourmenté ? Le dernier plan du film, sur le visage de Paul qui se parle à lui-mêle, pose la question suivante : que font les hommes face à l’énigme du corps des femmes ? Sinon le briser, sinon le nier, sinon le rompre ?

Et le metteur en scène français n’oublie pas non plus la fulgurance qu’il y a à filmer un rasoir (attribut de la puissance masculine) non loin d’un beau visage de femme, et se souvient d’Angie Dickinson dans le troublant Pulsions (1980) de Brian de Palma.

L’Enfer est pour le coup un des meilleurs Chabrol de la décennie 90 avec Madame Bovary (1991), Betty (1992), et La Cérémonie (1995), à revoir toutes affaires cessantes juste avant l’été qui vient.

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Saisissante « Elle »

ElleDans Elle de Paul Verhoeven (2016) Isabelle Huppert incarne une femme à qui il arrive un nombre invraisemblable de choses, en très peu de temps. Et filme de manière clinique la montée en puissance d’un caractère. En adaptant pour l’écran un roman de Philippe Djian, le cinéaste hollandais se frotte pour la première fois avec la culture française, et surtout avec un genre bien défini : le film bourgeois français, qui possède ses figures imposées (la scène de repas entre amis, la scène à l’hôpital, les traditionnelles scènes de baise), mais ici on les redécouvre ; car la maîtrise impressionnante de l’outil cinématographique par Verhoeven irradie sa mise en scène de toutes parts, aidée par une Isabelle Huppert éblouissante, bien accompagnée par une distribution de premier ordre (Laurent Laffitte, inquiétant à souhait, Charles Berling, pour une fois émouvant dans un film, Virginie Efira, Anne Consigny, Vimala Pons et Judith Magre… toutes très émouvantes). Mais c’est surtout dans la montée insidieuse de l’inquiétude et de la peur, mêlée à l’assouvissement du désir et à la réalisation mortifère des fantasmes, que nous sommes conviés, dans un joyeux jeu de massacre orchestrée subtilement par ce très grand réalisateur. Son film français est un chef-d’oeuvre de maîtrise et d’ambiguïté, et pour le moment un des plus beaux films de cette année 2016.

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Le cinéma français a-t-il encore quelque chose à dire de pertinent ? [3/3]

amities-sinceres 2L’an dernier Les Cahiers du cinéma s’interrogeaient sur la pertinence politique du cinéma français, et proposaient par la même occasion quelques pistes à explorer. Cependant qu’apprend-on aux jeunes gens en école de cinéma (publique ou privée, qu’importe) ? Au-delà des cours d’analyse filmique, et d’histoire des formes au cinéma, comment donner l’envie farouche, déterminante, obsessionnelle, à une jeune femme ou à un jeune homme, de donner vie à ses ébauches de mise en scène ? Comment le guider sur les pas de ceux qui avant elle ou lui se confrontèrent à la dure réalité, au chemin de croix semé d’embûches, de la préparation d’un long-métrage ? Qui sont les professeurs d’art cinématographique aujourd’hui qui renseignent le désir des jeunes gens ? Dans son livre d’entretiens avec Chris Rodley (David Lynch : entretiens, Cahiers du cinéma, 1997) le réalisateur américain David Lynch n’oubliait pas de remercier son professeur de cinéma, qui l’éveilla au monde complexe des films quand il était étudiant en Arts ; de même, ce week-end, lorsqu’il reçut l’Oscar du meilleur acteur des mains de Julianne Moore pour son rôle dans The Revenant (Alejandro Gonzalez Iñarritu, 2016), Leonardo DiCaprio n’oublia pas de remercier le réalisateur Michael Caton-Jones qui fut le premier à lui donner un rôle important au tout début de sa carrière (dans Blessures secrètes, 1993). C’est simplement de la reconnaissance, et ça ne mange pas de pain ; cependant, en France, on est à mille lieux de tout ça, dans un pays où on apprend aux mômes qu’il suffit d’avoir une belle gueule et de la répartie pour réussir, pour le reste ce n’est pas grave, le talent viendra après, au bout de quelques années de métier pour les plus chanceux. Comment donner envie aux gens que nous sommes de donner un billet de 10 pour aller voir un film en salle ? Ce qui était autrefois le summum du plaisir est-il en train de devenir une contrainte ? Préférer rester enfoncé sur son canapé pour regarder un match à la con de La Ligue des Champions (dans la mesure où depuis dix ans les 5 clubs les plus friqués de la planète se partagent le trophée), plutôt qu’aller faire découvrir un Star Wars à son gosse de 8 ans, et retrouver devant ses yeux émerveillés l’enfant que nous étions nous aussi, dans une lointaine, très lointaine galaxie… Pourquoi la magie devrait-elle disparaître de notre monde, aujourd’hui où nous avons tellement besoin d’elle. Arrêtez de donner du fric à des ploucs qui ne méritent pas de toucher à une caméra de cinéma, et laissez leur chance à des jeunes gens passionnés, inconnus au bataillon, qui ne devront leurs futures récompenses, qu’à leur seul mérite,qu’à leur seul talent… ça c’est de la politique, mais est-ce trop demander ? A quoi peut bien servir l’argent public qui subventionne la culture alors ? A financer le prochain navet d’un réal qui a déjà 20 films à son actif et qui se permet d’adresser son scénario à l’Avances sur recettes ? De grâce, de qui se moque-t-on ? Et qui décide de quoi ?

Allez encore un effort pour nous faire croire que le cinéma français a encore un avenir…

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