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Le chef-d’œuvre de l’année cinéma 2024

LGDFS_Arte_2000x1126 Un juge iranien, qui doit appliquer les sentences recommandées par le régime, découvre la discorde dans son propre foyer. Ses deux filles se sentent concernées par la contestation civile qui défie le pouvoir, à Téhéran, depuis la mort de la jeune Mahsa Amini. Le juge a pour fonction de condamner les opposants politiques et les dissidents civils, mais quand la sédition se situe dans son foyer domestique, le dilemme moral s’installe. Doit-il continuer à être fidèle à ses employeurs, ou bien doit-il trouver des stratagèmes afin que ses filles ne deviennent pas des victimes de la répression ? Ce questionnement a valu au réalisateur Mohammad Rasoulof, après avoir réalisé Les Graines du figuier sauvage, d’être arrêté, puis emprisonné, et après sa détention il a quitté l’Iran et s’est réfugié en Europe. 

Iman est donc un enquêteur du régime, qu’il sert fidèlement depuis 20 ans. Dans le système judiciaire iranien l’enquêteur est l’équivalent du juge d’instruction en France. Sa fraîche nomination est de bon augure car Iman peut espérer par la suite devenir juge au tribunal révolutionnaire ; ce qui lui permettrait de mettre sa famille définitivement à l’abri du besoin. Pour l’heure le juge vit avec son épouse Nejmeh et leurs 2 filles Rezva, étudiante, et Sana, lycéenne, dans un appartement d’un quartier résidentiel de Téhéran.

Mohammad Rasoulof prend le temps de nous installer (le film dure 2h46) dans le quotidien de cette famille attachante de la bourgeoisie iranienne, dont le chef de famille s’acquitte scrupuleusement de ses devoirs professionnels et familiaux. Pourtant, de jour en jour, Téhéran s’embrase, et la petite famille ne va pas être épargnée par les événements. Toute la force du film réside dans cette inévitable prise de conscience, chez les femmes du juge, que la société civile iranienne change, inexorablement. Mais les caciques du régime ne l’entendent pas de cette oreille. Alors on se dirige vers la tragédie, non pas grecque, mais perse.

Le cinéma iranien (ou persan) est un des plus beaux du monde car, même si ses films ont partie liée avec la réalité la plus brûlante, ils ne perdent jamais de vue ce qui fait le sel de la narration : la qualité remarquable de l’interprétation, et la beauté de chaque plan. Sans aucun doute possible Les Graines du figuier sauvage, qui était en Compétition officielle au Festival de Cannes cette année (2024) méritait la Palme d’Or tant convoitée. Il ne l’a pas obtenu, et à la place le jury présidé cette année par la réalisatrice américaine Greta Gerwig l’a récompensé du Prix spécial du jury.

Mais pour moi Les Graines du figuier sauvage est le premier chef d’œuvre incontestable de l’année cinéma 2024. Il figurera en très bonne place dans de nombreuses listes des 10 ou 12 meilleurs films de l’année écoulée, à n’en pas douter.

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Un été avec Natalie Wood (3/5)

La lente émancipation de la "petite fiancée de l'Amérique" commence par la reproduction, à la perfection, des gestes du Music-Hall.

La lente émancipation de la « petite fiancée de l’Amérique » commence par la reproduction, à la perfection, des gestes du Music-Hall.

Un an après Une vierge sur canapé, changement de registre pour Natalie Wood en 1965, qui partage l’affiche avec la star masculine du moment Robert Redford, dans la comédie dramatique musicale Daisy Clover de Robert Mulligan. Du rôle de la psychologue ingénue qui se laisse séduire par Tony Curtis, elle passe à celui de la petite fiancée de l’Amérique (petit mythème sucré inventé par Hollywood dans les années 1930 et 1940 pour vendre des places de cinéma au plus grand nombre), qui malgré elle va tomber dans les griffes de prédateurs sexuels autrement plus carnassiers que le journaliste inconséquent du film précédent. Cette étude sociologique filmée, dansée et chantée de Robert Mulligan nous montre de quelles façons les hommes qui détiennent le pouvoir artistique et industriel s’y prennent pour araser à jamais le libre-arbitre des jeunes et jolies femmes dont ils font des esclaves consentantes. 

La jeune Daisy Clover, qui est encore mineure, vit chichement avec sa mère sur le front de mer californien. Elle tient une baraque foraine qui vend aussi des clichés des vedettes de cinéma de l’usine à rêves, et pousse la chansonnette pour dissiper son ennui. Un concours de circonstance va l’amener à devenir la nouvelle girl next door dont raffolent les américain.ne.s. On va lui faire enregistrer des chansons, tourner des films, assister à des avant-premières prestigieuses en compagnie de Myrna Loy, de Clark Gable et de Joan Crawford. Et notre jeune vedette va bien entendu s’amouracher de la coqueluche masculine du moment, le jeune acteur Wade Lewis, logé à la même enseigne qu’elle, c’est-à-dire une prison dorée dans la propriété d’un couple de producteurs à la tête du Swan Studio.

Dans ce film remarquable, où la caméra sait capter les beautés stupéfiantes de Natalie Wood et de Robert Redford (mais ce dernier n’est pas l’attrait principal du film, sa présence ne requiert l’usage que de 2 ou 3 bobines, guère plus), tous les éléments, même les plus insignifiants, sont importants, car ils soulignent l’enfermement dans lequel on maintient Daisy Clover. Par exemple, le nom du studio n’est pas anodin, Swan Studio, car en matière de cygnes noirs qui ne veulent pas jouer le jeu, à Hollywood ce n’est pas ce qui manque. La thématique du feu libérateur, qui brûle puis permet une renaissance chèrement acquise, est très bien amenée dans la dernière bobine : nous restons seul.e.s en présence de Daisy Clover, dans la maison au bord de l’océan qu’elle avait achetée à sa défunte mère avec ses émoluments de star de cinéma. Et nous nous régalons du génie comique de Natalie, qui a fait sienne la dextérité des génies burlesques d’autrefois : les Charlie Chaplin, Buster Keaton, Harold Lloyd, Laurel & Hardy… Et puis cet arrêt sur images final sur Natalie, radieuse et riant aux éclats, enfin débarrassée une bonne fois pour toutes des ces mauvais génies qui la maintenaient dans une spirale de confusion et de désarroi !

L’année suivante, en 1966, elle sera de nouveau à l’affiche avec son alter égo masculin, le mythique Robert Redford, dans le très beau Propriété interdite de Sidney Pollack.

To be continued…

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Un été avec Natalie Wood (1/5)

Natalie Wood Le temps qui passe nous éloigne de ce qui fut, et qui n’est plus. Les merveilleux films des années 1960, quand le cinéma avait trouvé son rythme de croisière et que de nouveaux procédés techniques ingénieux les rendaient stupéfiants de beauté et de charme, se sont pourtant éloignés de nous comme les baïnes de la côte Atlantique qui s’en retournent vers le grand large.

Cependant les souvenirs, eux, sont comme les volcans : endormis, assoupis, mais jamais totalement éteints. Et des visages filmés en gros plan, des lignes de dialogue, doublées ou pas, des musiques de films, des plans, des mouvements d’appareil reviennent nous hanter. Et la quiétude de l’été est propice à ce retour originel vers la beauté au cinéma. Ainsi, il faut se souvenir à nouveau de la formidable actrice qu’était Natalie Wood.

Natalie Wood, c’était le charme, la fantaisie, le prodigieux don de l’interprétation, la sensualité et le sens de la comédie. Elle savait jouer vite, juste et bien. Cette actrice américaine née le 20 juillet 1938 à San Francisco (Californie) incarne pour toujours ce que le métier d’actrice de cinéma avait à offrir de meilleur, et de plus sincère. Pour celles et pour ceux qui me lisent depuis assez longtemps maintenant, vous l’avez compris : ce blog n’est pas, et ne sera jamais, le réceptacle des cancans ou des anecdotes graveleuses qui émaillent l’histoire du cinéma. J’ai en horreur les comptes-rendus de tournages qui détaillent le sordide et le grotesque des comportements des gens de cinéma. Un livre comme celui de Kenneth Anger, Hollywood Babylone, publié chez Tristram par mon ami Jean-Hubert Gailliot et Sylvie Martigny (des éditeurs exceptionnels au demeurant), me désespère. Je préfère nettement les œuvres des critiques et historiens du cinéma Kevin Brownlow, Christopher Frayling et Gian Luca Farinelli, qui ne passent pas leur temps à débiner à longueur de pages sur tel ou telle.

C’est pourquoi ce portrait amoureux de l’actrice Natalie Wood (qui sera le tout premier chapitre de mon livre à venir Portraits amoureux des actrices du cinéma mondial) ne s’occupera que de ce que cette femme a apporté de charme mutin et de drôlerie irrésistible dans tous les films dans lesquels elle a merveilleusement joué la comédie, et le drame aussi parfois. Et ils son nombreux.

Nous commencerons son portrait au post suivant avec l’analyse de son jeu (si moderne) dans le film dont elle partageait l’affiche avec un Tony Curtis sensationnel en homme à la fois veule et séduisant, sans que jamais son jeu ne tombe dans les clichés ou les procédés. Il était pour cela bien aidé par l’interprétation au cordeau de sa partenaire féminine. Le film s’intitule Une vierge sur canapé, il a été réalisé en 1964 par le roi de la comédie domestique pour adultes Richard Quine et il a fait de Natalie la nouvelle jeune reine d’Hollywood.

To be continued…

 

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United States on fire : « Civil War » d’Alex Garland

Kirsten Dunst nous offre une interprétation époustouflante, dans la peau de la coriace photographe de guerre Lee.

Kirsten Dunst nous offre une interprétation époustouflante, dans la peau de la coriace photographe de guerre Lee.

Le cinéma US possède cette capacité déconcertante à traiter l’actualité la plus chaude au moment opportun. Même si celui qui dirige cette superproduction pleine de bruit et de fureur est anglais (Alex Garland est né à Londres en 1970), le sujet du film renvoie immanquablement aux points les plus chauds de la planète : le front entre l’Ukraine et la Fédération de Russie, la bande de Gaza, le Yémen, pour ne citer que les plus médiatisés. D’ailleurs, dans Civil War (2024) on suit à la trace des journalistes de guerre (reporters photo et de la presse écrite) qui suivent le conflit qui se déroule entre une armée sécessioniste (celle de la Californie et du Texas, rejointes par celle de Floride) aux prises avec les troupes loyalistes fidèles au président des États-Unis à cravate rouge (vous voyez à qui on fait explicitement référence ? Mais ils furent nombreux les présidents des États-Unis à porter des cravates de cette couleur, non ?).

En regardant ce film de politique-fiction dystopique, on ne peut s’empêcher de penser aux mouvements de protestation et de révolte qui embrasent la démocratie américaine au moment où le film sort dans nos salles de cinéma. Alex Garland, réalisateur total freak à la manière de Stanley Kubrick, de David Fincher et de Christopher Nolan, doté d’un budget hollywoodien confortable (A24 et Metropolitan Films se sont associés pour le financer), livre sa vision des événements : quand on s’affronte sévèrement sur le terrain (les scènes de fusillades entre factions armées sont traumatiques et restent longtemps en bouche) l’inhumanité règne ; et les femmes photographes de guerre (l’une toute jeune, qui débute dans le métier, et l’autre qui est une référence dans la profession) vont devoir s’armer de courage pour affronter ensemble des faits et gestes qui neutralisent toute compréhension de ce qui se passe.

Les enjeux sont terribles pourtant : car à chaque décision qu’on prend, comme s’arrêter pour faire le plein d’essence, ou bien bifurquer ou non à un carrefour en rase campagne, il s’agit ni plus ni moins de continuer à vivre pour témoigner, ou de mourir violemment. Civil War est un film impressionnant, maîtrisé de bout en bout, car il respecte scrupuleusement le cadre spatio-temporel dans lequel évoluent du mieux qu’ils peuvent ses personnages attachants et désemparés. On n’oubliera pas de sitôt Lee, Joel, Jessie et Sammy tant les quatre interprètes qui leur donnent vie nous offrent une magistrale leçon de jeu au cinéma, au plus près de la vie et de la souffrance qui l’accompagne parfois.

Alex Garland a fait œuvre salutaire en nous proposant en salles ce film qui fera date : Civil War est une œuvre marquante de l’année cinéma 2024, qui devrait figurer en bonne place dans nos listes à venir des meilleurs films de cette année.

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Ciné 90 : (#11) « Funny Games »

 

Arno Frisch nous adresse un regard-caméra amusé, et malaisant à souhait.

Arno Frisch nous adresse un regard-caméra amusé, et malaisant à souhait.

Michael Haneke, le réalisateur autrichien, est un maître formaliste du cinéma contemporain. En deux films d’une amplitude considérable, il a interrogé dans les années 1990 le pouvoir nocif des images : d’abord dans Benny’s Video (1992), ensuite dans Funny Games (1997), qui nous intéresse ici plus particulièrement.

Seulement cinq petites années séparent Benny’s Video de Funny Games, mais on pourrait penser qu’il s’agit du même film, continué d’une bobine de 35 de l’un jusqu’à celle de l’autre. D’ailleurs, dans ces deux films, on fait la connaissance du prodigieux jeune acteur (à l’époque) Arno Frisch, qui y incarne une figure angélique du Mal absolu.

Que nous raconte Funny Games ? Sous des dehors enjôleurs, deux grands adolescents déréglés officient dans un espace-temps différent du nôtre, où le Bien et le Mal s’annihilent complètement. Et c’est cela que filme la caméra objectivée de l’Autrichien, froide comme un instrument chirurgical de bloc opératoire. Michael Haneke, en pleine possession de ses moyens de cinéaste européen qui veut nous dire où nous en sommes pendant que l’ex-Yougoslavie n’en finissait pas de se détruire, nous a brutalement réveillé.es. Il a apporté avec ses images dérangeantes une mise au point nette, froide et précise : les images qui abreuvaient la jeunesse occidentale devenaient l’instrument clinique de notre prochaine disparition.

À l’époque où sortirent sur les écrans de cinéma ces deux films, nous, jeunes spectatrices et spectateurs abreuvé.es de Hollywood et d’Entertainment mondialisé, étions nous prêt.es pour cela ? Je ne crois pas. Mais aujourd’hui, en 2024, la maturité aidant, le regard a changé. Et il est plus que jamais nécessaire de regarder bien en face ce que le barde autrichien avait filmé au cœur de l’Europe, en ces terres d’Europe centrale qui sont le cœur battant de la civilisation européenne.

Un seul conseil aujourd’hui : pressez sur le bouton « play » de votre télécommande et lancez les images de Funny Games. Le temps est venu de regarder vraiment. [Les films de Michael Haneke sont en ce moment visibles en replay sur la VOD d'Arte.tv ]

À noter : Michael Haneke en a réalisé lui-même un remake aux États-Unis avec des vedettes hollywoodiennes, dix ans plus tard ; le film s’intitule Funny Games U.S. 

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Quand « Les Maîtres de l’Air » prennent leur envol

Austin Butler et Callum Turner profitent d'une accalmie avant de lancer leurs bombardiers dans les cieux guerriers.

Austin Butler et Callum Turner profitent d’une accalmie avant de lancer leurs bombardiers dans les cieux guerriers.

En 2024 Amblin, la boîte de production cinématographique et télévisuelle de Steven Spielberg, nous offre une mini-série de luxe de toute beauté.

Chaque épisode (au nombre de 9) de cette première saison regorge d’un luxe de détails que pourraient lui envier les trois-quarts de la production cinématographique actuelle. Mais bon, c’est entendu, Steven Spielberg est un nabab, un vrai, d’Hollywood ; à lui seul il est à la fois David O. Selznick, Irving Thalberg et Robert Evans. Il règne incontestablement en maître des bienséances à Hollywood, aux côtés d’un autre monstre sacré à qui on fiche royalement la paix : Clint Eastwood, et sa compagnie de production Malpaso. Qu’on ne s’y trompe pas, Amblin et Malpaso, grâce à un modèle économique performant, sont aujourd’hui de véritables studios de cinéma, qui non seulement financent des films, mais les accompagnent aussi jusqu’à leur sortie en salles ou sur les plateformes. En outre, ce sont de véritables créateurs qui œuvrent aux commandes de ces structures de production. Il n’est pas question de faire n’importe quoi.

La série Masters of the Air (1 saison – 2024) se déroule en 1943, au plus dur de la guerre aérienne que se livrent les Alliés et les Nazis ; il s’agit de suivre quelques têtes brûlées d’une Compagnie d’aviateurs (pilotes, navigateurs, mitrailleurs, mécaniciens, opérateurs radio) intégrée à la 8e Armée de l’U. S. Army. L’Air Force, installée dans des bases sur le sol anglais, fourmille de jeunes mâles qui rêvent d’en découdre dans le ciel avec les chasseurs allemands. Mais la guerre aérienne, cruelle, et son champ de bataille en plein ciel au-dessus de la France, de la Belgique, de la Hollande et de l’Allemagne, n’offre aucun répit.

À chaque retour de mission de bombardement plus d’un aviateur manque à l’appel. Les deux jeunes Majors qui pilotent des bombardiers américains, qui deviennent amis quand ils sont encore sur le sol américain, nouent une relation de camaraderie militaire tout feu tout flamme, mais ne sont jamais dupes à propos de ces missions à haut risque que le commandement leur confie, et qu’ils doivent exécuter en plein jour. La braise de leur vingt ans couve, en sourdine, et même si on réchappe aux flaks des DCA ennemies, qu’adviendra-t-il lors de la prochaine sortie aérienne ? Qui restera sain et sauf ? Et qui reviendra en un seul morceau ?

Masters of the Air, mini-série magnifiquement photographiée, mise en scène et interprétée (merveilleux Austin Butler et Callum Turner), est un bijou télévisuel qui a trouvé refuge sur Apple tv+.

À voir toutes affaires cessantes, tant ce spectacle prodigieux pose, de manière nuancée et délicate, bon nombre de questions qui font mal aujourd’hui encore (en Ukraine, en Arménie, dans la Bande de Gaza, en Israël, au Yémen,…).

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En mai fais-ce qu’il te plaît…ou pas : « May December » de Todd Haynes

 

Natalie Portman, notre nouvelle Audrey Hepburn, en miroir de Julianne Moore, la réincarnation du glamour Garbo/Tierney.

Natalie Portman, notre nouvelle Audrey Hepburn, en miroir de Julianne Moore, la réincarnation du glamour Garbo/Tierney.

Dans le nouveau film de Todd Haynes , le chouchou de la critique parisienne et provinciale bobo-centrée, on ausculte la vie d’une famille cellulaire états-unienne (le père, la mère, le fils et les deux filles, sans oublier les chenilles d’élevage), installée à Savannah en Géorgie, à l’aune du scandale qui défraya la chronique une vingtaine d’années auparavant.

May December (2024) nous raconte l’histoire d’une femme au foyer, mariée avec des enfants, qui, lorsqu’elle avait 36 ans, a vécu une relation sentimentale et sexuelle avec un gamin âgé de seulement 13 ans (il était scolarisé au moment des faits dans ce qui est l’équivalent d’une classe de 5ème en France). En 2015, une actrice californienne vient rencontrer la femme en question, car elle a été choisie pour l’incarner sur grand écran très prochainement.

La rencontre entre l’actrice hollywoodienne, qui a l’âge qu’avait celle qui détournait le gosse vingt ans auparavant, et cette dernière, promet de sulfureuses étincelles. Qui ne viendront pourtant pas.

Qu’est-il arrivé à tous ces cinéastes américains issus du cinéma indépendant U.S. (qui avait autrefois sa Mecque au Festival de Sundance dans l’Utah – tiens, bonjour le Sundance Kid : clin d’œil au héros de mon enfance, le toujours impeccable Robert Redford) ?

Bon, je digresse, je digresse. Reprenons : ces réalisateurs indé donc, aiment tellement se regarder filmer (ça, il faut avouer, les gros-plans en macro-photo de chenilles, de papillons, et même d’une chrysalide – sublime – qui éclot, sont de toute beauté !), qu’on veut nous en mettre plein les mirettes en nous faisant croire qu’on peut faire beaucoup mieux que la série de 2020 qui avait déjà tout exprimé sur le sujet : A Teacher (1 saison de 10 épisodes à ce jour, visible en SVOD sur Disney+).

Pourtant Natalie Portman est convaincante, elle joue à la perfection le rôle de cette actrice californienne-vampire qui veut s’approprier le mojo d’une Julianne Moore irrésistible, seul véritable personnage de cinéma totalement control-freak ; ainsi lorsque Julianne apparaît à l’écran, se dessine devant nos yeux éblouis toutes les fêlures béantes d’un personnage de femme esseulée, autrefois Reine majestueuse d’apparat en son Royaume de toc, qui veut continuer à vivre dans le déni, et qui ne pardonnera jamais rien à personne si on se met en travers de son chemin. La performance de Julianne Moore est encore une fois étourdissante, et le plan de la comédienne qui erre dans les bois avec un fusil de chasse dans les mains au petit matin, sauve à lui seul ce film bien trop élevé pour être totalement abouti.

Je veux revoir Natalie Portman dans un prochain Star Wars au cinéma, nom de nom. Et revoir également Julianne Moore, un flingue à la main, dans un vrai Vigilante Movie, pour une fois (Jodie Foster l’a bien fait, elle).

Allez Hollywood ! Exaucez nos vœux une fois encore pour cette nouvelle année qui démarre, quoi !!!

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Le premier film événement de 2024 : « Pauvres Créatures » de Yórgos Lánthimos

Willem Dafoe et Emma Stone, un savant allumé et sa création.

Willem Dafoe et Emma Stone, un savant allumé et sa création.

La saison cinématographique 2024 démarre avec un chef-d’œuvre : il s’agit du nouveau film du réalisateur grec Yórgos Lánthimos, intitulé Pauvres Créatures, et récompensé cet été (2023) par le Lion d’Or du meilleur film à la Mostra de Venise (gage de qualité pour tout.e cinéphile qui se respecte).

Dans ce 8e long-métrage du réalisateur grec, il est question de créatures à la recherche de leur humanité profonde. Bella Baxter, incarnée à la perfection par Emma Stone (avec peut-être un second oscar à la clé dans un leading role), veut découvrir le monde ; et en s’émancipant, en s’affranchissant du rôle démesuré joué par les hommes, à Londres comme à Lisbonne, ou à Alexandrie, elle va acquérir une part d’humanité qui lui faisait défaut, croyait-elle. Cette nouvelle œuvre cinématographique du cinéaste grec est une dystopie steampunk :  Yórgos Lánthimos invente sous nos yeux un monde singulier, excessivement coloré, et y plonge ses personnages (fort attachants) comme on place des insectes, des batraciens et des serpents (certains venimeux, d’autres non) dans un vivarium.

Le film est un festin pour les sens, tant sa richesse chromatique et sonore n’a d’égale que la perfection de l’interprétation. Emma Stone (qu’on avait profondément aimée dans La La Land de Damien Chazelle) s’y transforme en Reine de la Comédie dramatique. Et l’utilisation de la nouvelle pellicule très haute sensibilité Kodak pour le cinéma (au rendu particulièrement chatoyant) magnifie chaque plan du film.

Il faudra visionner ce film plusieurs fois  pour en absorber toutes les audaces, tous les indices si riches qui le parsèment de bout en bout, pour en décrypter toutes les références cinématographiques : Fellini, Lars Von Trier, le Jeunet & Caro de La Cité des enfants perdus, Tarkovski, Lynch… et tant d’autres.

L’année cinéma 2024 ne pouvait pas mieux commencer !

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« Simple comme Sylvain » de Monia Chokri : le plus beau film de 2023, en toute simplicité

La merveilleuse comédienne Magalie Lépine-Blondeau nous adresse une vraie leçon de liberté.

La merveilleuse comédienne Magalie Lépine-Blondeau nous adresse une vraie leçon de liberté.

Ce film est mon coup de cœur de l’année cinématographique 2023.

Une femme mariée devient amoureuse d’un homme, dont la personnalité est à l’opposée de celle de son mari. Cette femme enseigne la philosophie au 3ème Âge, en attendant d’être titularisée dans une université.

Nous sommes au Canada, au Québec plus précisément, et ce film de la Québécoise Monia Chokri (qui fait partie de la bande de Xavier Dolan) est un ravissement de tous les instants. Déjà, c’est grâce à l’interprétation parfaite, d’une grande intelligence de jeu, de Magalie Lépine-Blondeau, que l’on parvient à être captivé.e par cet embrasement des sens. Un moment de vie particulier, la réfection d’un chalet pour les vacances, va unir deux personnes que tout semble opposer : le milieu social, les habitudes domestiques, le rapport à la vie, la façon de se mouvoir et d’exprimer ses émotions. Pendant tout le film la réalisatrice nous fait balancer d’un sentiment à un autre : tantôt on est d’accord avec les choix de vie de Sophia, et tantôt on a envie de crier devant l’écran en l’avertissant : « Ne fais pas ça Sophia, sinon tu vas morfler ; car depuis le film d’Adrian Lyne Liaison fatale (Fatal Attraction, 1987) on sait que « l’amour, quand c’est trop fort, ça peut faire mal, très mal. »

La très impressionnante réalisatrice québécoise de films Monia Chokri, en mode girly

La très impressionnante réalisatrice québécoise de films Monia Chokri, en mode girly.

Monia Chokri parvient à déjouer toutes les attentes, tous les attendus chers à ce style de film. Rien ne se passe finalement comme on pourrait s’y attendre. La caméra, amoureuse de Magalie Lépine-Blondeau, épouse chaque contour, chaque geste, chaque infime détail du corps de l’actrice, comme elle faisait avant avec Isabelle Adjani dans L’Été meurtrier (Jean Becker, 1983), avec Valérie Kaprisky dans L’Année des méduses (Christopher Frank, 1984) ou encore avec Juliette Binoche dans Fatale (Damage, Louis Malle, 1992). Monia Chokri nous adresse ainsi un magnifique portrait de femme, lumineuse, belle, incandescente, libre.

Vive le cinéma québécois, qui fait un bien fou, en donnant à respirer cet air froid revigorant tout empreint de beauté et de liberté !

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« L’Été dernier… » de Catherine Breillat brille de tous ses éclats

Une avocate en proie aux tourments du désir l'espace d'un été tumultueux.

Une avocate en proie aux tourments du désir l’espace d’un été tumultueux.

Parfois le cinéma peut se résumer à un geste créateur d’une grande simplicité. Il suffit de filmer des visages en gros plan. Alors, le film qui se déploie sous nos yeux raconte l’évolution de ce visage filmé, en près de 2 heures de temps.

Dans L’Été dernier (2023, et les trois points de suspension du titre ont leur importance), le nouveau film de Catherine Breillat, la caméra, impitoyable, traque les sentiments et les émotions à fleur de visage sur celui, très beau, de Léa Drucker. Cette avocate est en proie à la passion charnelle comme au temps de son adolescence.

Celles et ceux qui n’ont vu dans cette histoire d’abandon physique d’un corps de cinquantenaire au contact de celui d’un éphèbe de 17 ans, que le scandale annoncé lors d’une projection cannoise au printemps dernier, n’ont pas du avoir tellement d’émois amoureux contrariés au cours de ces dernières années. Au contraire, dans l’acte de s’abandonner dans les bras de l’objet du désir, la caméra de Catherine Breillat reste prude. La caméra caresse les visages, les cheveux, les corps enlacés des amants ; c’est tout l’inverse de ce que fit Bernardo Bertolucci en 1972 dans Le Dernier Tango à Paris par exemple. On est ici plus proche du geste de cinéma de Marco Bellocchio quand il filmait Maruschka Detmers et Federico Pitzalis dans Le Diable au corps en 1986.

L’Été dernier… raconte ce ravissement des sens, cette progression lente du désir, cette envie lancinante de franchir l’obstacle interdit, en dissimulant aux yeux des autres les coutures parfois trop apparentes des attitudes et des postures. La femme de cinquante ans incarnée avec majesté par Léa Drucker (à mon avis elle a des chances d’être couronnée du César de la meilleure actrice de cinéma en février 2024) représente le type de la bourgeoise bien mariée, mais qui s’ennuie. Mais comme on n’est pas chez Chabrol mais bien chez Breillat, on ne peut pas accuser le mari (magnifiquement interprété par Olivier Rabourdin – pour lui aussi un César à la clé, tiens) qui est un modèle de tempérance. On ne peut pas vraiment lui reprocher d’entraver les besoins d’émancipation de son épouse. Le jeune Samuel Kircher rend bien cette indolence qui sied au personnage d’ange de la tentation pasolinien.

Jetant aux orties les conventions, la femme de 50 ans saute le pas : que croyez-vous qu’il adviendra ?

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