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Ciné 80 : (#1) « L’Effrontée »

critique-l-effrontee-miller33 En 1985 Claude Miller sort au cinéma L’effrontée, qui est le portrait d’une jeune fille de 13 ans, Charlotte Castang, au début des grandes vacances d’été. L’ennui, la chaleur de l’été, les affres de l’adolescence qui commence, le sentiment de ne pas être compris, de perdre son temps, toutes les avanies de cet âge ingrat sont radiographiées avec tendresse et humour par un réalisateur au sommet de son art. Reprenant le flambeau de ces grands cinéastes qui filmèrent les enfants avec une maestria sidérante (Jean Vigo, François Truffaut, Robert Bresson, Maurice Pialat) Claude Miller réalise un grand film populaire (couronné par un succès mérité en salles lors de sa sortie) qui réconcilie les gens avec un cinéma de qualité, en apparence tout simple, sachant raconter sans jamais ennuyer, les petits tracas du quotidien.

Portrait d’une enfant de 13 ans au milieu des années 80, qui se pose des tas de questions et expérimente en moins d’un mois pas mal d’émotions contradictoires, le film est bouleversant car il fait éclore le talent naturel, sans artifice, de la très jeune Charlotte Gainsbourg. Quand on sait l’immense actrice qu’elle est devenue par la suite on ne peut que se féliciter du choix de Claude Miller de lui confier le rôle éponyme. Et puis retrouver Bernadette Laffont dans le rôle de Léone, à la fois confidente et maman de substitution pour Charlotte et sa petite voisine, est toujours un émerveillement, tant la grâce et le talent de cette comédienne extraordinaire ont imprimé la pellicule.

Visionner ce film c’est aussi se souvenir de qui on était, à 13 ans, au milieu des années 80, qu’on soit fille ou garçon, en Province.

En 1985 j’avais 12 ans, et à chaque fois que je regarde L’effrontée j’ai l’impression que Claude Miller a mis des images sur mes émotions et mes souvenirs de pré-adolescent. Je pense que nous sommes nombreux à considérer ce beau film sensible comme notre madeleine de Proust.

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Ciné 90 : (#2) « L’Enfer »

L'Enfer

Paul aime Nelly. Il l’épouse. Ils tiennent une auberge-hôtel dans le Sud de la France (entre Revel et Castelnaudary pour être plus précis), et peu à peu, sans qu’on comprenne pourquoi, Paul va devenir fou. Fou de jalousie. Sa femme, Nelly, va devenir le vecteur d’un problème existentiel, corrompu par la belle lumière, brûlante, du Midi.

Exercice de résolution psychanalytique de haute volée, L’Enfer (1994) de Claude Chabrol part du film inachevé d’Henri-Georges Clouzot et des essais lumière de Romy Schneider pour nous présenter sa vision du couple au milieu des années 90 en France. Et quel couple ! Campé avec classe par un jeune François Cluzet, qui ressemble à Sami Frey dans César et Rosalie (1972) de Claude Sautet, et une Emmanuelle Béart resplendissante de beauté solaire et de magnétisme animal foudroyant, ce couple ressuscite les grandes unions du cinéma français : on pense bien sûr à Yves Montand et Romy Schneider, à Gérard Depardieu et Catherine Deneuve, ou encore à Olivier Martinez et Juliette Binoche dans le trop sous-estimé Le Hussard sur le toit de Jean-Paul Rappeneau, sorti un an après L’Enfer, en 1995.

D’ailleurs on comprend finalement assez vite pourquoi Paul crève de jalousie : sa femme, Nelly, est érotiquement chargée par les électrons du plaisir et de la sensualité, inconsciente en même temps de son potentiel sexuel sur les autres mâles qui gravitent dans son giron. Alors le pauvre Paul, stressé à cause de la gérance de son hôtel, va s’imaginer des choses ; et les images mentales de Paul – des gros plans sur le visage sublime d’Emmanuelle Béart en train d’aguicher le quidam – vont précipiter ce dernier dans la folie la plus destructrice, la plus malséante.

Mais le roué Claude Chabrol nous fait douter jusqu’au bout : n’assistons-nous pas plutôt à la lente formation d’une psyché révoquée, encombrée, celle de Paul, qui s’imagine des choses qui n’existent pas, qui n’ont peut-être jamais existé ailleurs que dans son esprit tourmenté ? Le dernier plan du film, sur le visage de Paul qui se parle à lui-mêle, pose la question suivante : que font les hommes face à l’énigme du corps des femmes ? Sinon le briser, sinon le nier, sinon le rompre ?

Et le metteur en scène français n’oublie pas non plus la fulgurance qu’il y a à filmer un rasoir (attribut de la puissance masculine) non loin d’un beau visage de femme, et se souvient d’Angie Dickinson dans le troublant Pulsions (1980) de Brian de Palma.

L’Enfer est pour le coup un des meilleurs Chabrol de la décennie 90 avec Madame Bovary (1991), Betty (1992), et La Cérémonie (1995), à revoir toutes affaires cessantes juste avant l’été qui vient.

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Ciné 70 : (#3) « Voyage au bout de l’enfer »

The Deer Hunter Voir Voyage au bout de l’enfer (1978) de Michael Cimino au cinéma, dans une copie restaurée, est une expérience incroyable ; car toute la beauté du film, ses paysages incroyables, ses gros plans d’acteurs, sa musique mélancolique (les notes de guitare en arpège qui ponctuent l’état d’esprit de l’ouvrier métallurgiste Michael Vronsky, joué à la perfection par Robert de Niro), explosent sur l’écran large, dans une farandole d’émotions qui nous submergent pendant les 3 heures de projection. Voir ce film là au cinéma c’est faire un voyage dans le passé, quand les films tournés à cette époque témoignaient d’une réelle ambition artistique, et luttaient à armes égales avec la littérature et la musique. Dans les années 70 de jeunes réalisateurs inventaient un nouveau langage cinématographique en interrogeant l’état du monde dans lequel ils vivaient, mais aussi dans lequel ils avaient grandi ; Michael Cimino en faisait partie. Italo-américain comme Martin Scorsese, Francis Ford Coppola, et Brian de Palma, il s’ouvrit une voie royale à Hollywood en mettant en scène Clint Eastwood et le jeune Jeff Bridges dans Le Canardeur (1974).Et 4 ans plus tard il mit le monde à ses pieds en lui offrant ce Voyage au bout de l’enfer, qui fut sa Chapelle Sixtine, alors que ce n’était que son 2eme long métrage.

En nous racontant la vie quotidienne d’une bande d’amis, des ouvriers métallos d’une petite ville de Pennsylvanie, juste avant le départ de trois d’entre eux pour la guerre du Viêt Nam, Michael Cimino met en images une saga aussi flamboyante que celle du Parrain de Coppola (1972 et 1974 pour les 2 premiers épisodes). En structurant son film en plusieurs parties comme on découpe en chapitres un roman (la sortie d’usine ; le mariage de Steven ; la partie de chasse ; au coeur de l’enfer viêtnamien ; la capture des 3 amis ; à Hanoi ; retour de Michael décoré en Pennsylvanie ; retour de Michael à Hanoi, pendant sa chute, pour sauver Nick ; les funérailles de Nick ; et enfin, dernier repas partagé ensemble) le réalisateur prouve que le cinéma est un art d’une amplitude sans commune mesure avec les autres arts, car la maîtrise formelle conjuguée à l’audace de la narration stricto sensu délimite un film-monde, totalisant, qui ouvre sur une nouvelles façon d’envisager la lumière et le son, le souffle romanesque avec l’intimité la plus stricte. Chacun des acteurs incarnant cette bande d’amis, et bien sûr la divine Meryl Streep, auraient chacun et chacune mérité un prix d’interprétation ou un Oscar ; Et pour moi, dans la peau de l’ouvrier Michael Vronsky, Robert de Niro y trouve le rôle de sa vie.

Un chef d’oeuvre absolu, à voir nécessairement sur un grand écran de cinéma !

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Ciné 70 : (#1) « Sorcerer : Le convoi de la peur »

Le_Convoi_de_la_peur Pas moins de 38 ans auront été nécessaires pour découvrir enfin la beauté stupéfiante du master piece de William Friedkin : Sorcerer (titre français à sa sortie : Le Convoi de la peur) sorti en 1977 dans l’indifférence générale. Il resta seulement 2 semaines à l’affiche aux Etats-Unis, et Paramount et Universal, coproducteurs du film, le remisèrent au placard. Et Friedkin perdit du jour au lendemain son statut de super cinéaste cinglé à la manière d’un autre grand allumé notoire : ce vieux brigand de Sam Peckinpah. Car, pas de chance, ou ironie du sort, Sorcerer sortit sur les écrans en même temps qu’un petit film de S.-F. dont on n’attendait pas grand chose : Star Wars, d’un dénommé Georges Lucas…

Le reste appartient à l’histoire du cinéma.

Cependant, découvrir ce fameux Convoi de la peur aujourd’hui, grâce au très beau travail de l’éditeur La Rabbia, est une expérience dont il ne faut pas se priver, car le résultat est stupéfiant : car dans le film, tout est vrai, la moiteur étouffante dans ce coin déglingué d’Amérique du Sud, les trognes des habitants, l’intensité des regards et la prestation hallucinée des 4 comédiens principaux, magistraux, la puissante armature métallique des camions, roulant à toute berzingue dans la jungle hostile. On sait que Friedkin avait proposé les rôles à Steve McQueen, à Lino Ventura et à Marcello Mastroianni au début, et qu’il se résolut (à contre coeur) à prendre Roy Scheider, Bruno Crémer (impérial !) et Francisco Rabal à la place. Et c’est sans doute ce qui est arrivé de mieux tant le magnétisme et le charisme qui se dégagent de ces acteurs (n’oublions pas Amidou, cet acteur franco-marocain qui réalise la prouesse de nous rendre sympathique et attachant un terroriste palestinien) fait entrer le film dans une nouvelle dimension : celle d’un opéra plein de bruit et de fureur, exaltant l’engagement dérisoire, voire stupide, de l’homme face aux forces surnaturelles de la nature en furie. A cet égard la séquence de la traversée du pont suspendu par les 2 camions, réalisée sans aucun trucage, est tout bonnement stupéfiante. C’est sans aucun doute une des scènes les plus puissantes de tout le cinéma contemporain (disons de ces 40 dernières années), et les deux camions choisis pour le film, sont aussi de véritables personnages, bien plus vivants et attachants que nombre de comédiens insipides que nous devons nous farcir à longueur d’années dans des navets de première bourre qui font des millions d’entrée.

Mais Sorcerer a marqué, à sa manière, le cinéma américain des seventies, et au fil des décennies est devenu le porte-drapeau de ces films inclassables dont la dangerosité des tournages en extérieurs devait sonner l’hallali. Le revoir aujourd’hui dans des conditions optimales, dans une superbe copie restaurée, reste un plaisir à nul autre pareil. A découvrir toutes affaires cessantes !

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« L’Homme irrationnel » (Woody Allen, 2015)

L'Homme irrationnel Woody Allen, le cinéaste américain préféré des français, revient en grande forme avec L’Homme irrationnel (2015) qui confronte Joaquin Phoenix, un professeur de philosophie dépressif fraîchement débarqué sur le campus de sa nouvelle université, à sa ravissante étudiante incarnée par la ravissante Emma Stone, la nouvelle star de 27 ans qui monte, qui monte.

En plus Emma Stone est devenue la nouvelle égérie du réalisateur, qui lui offre un nouveau rôle principal après le plaisant Magic in the Moonlight (2014). Et ces deux-là ont l’air de s’entendre comme larrons en foire. Alors, après la blonde incendiaire hitchcockienne Scarlett Johansson, c’est au tour de la diaphane Emma de se coller à cet univers singulier  :  et cette fois-ci c’est une parfaite réussite.

Le film n’arrête pas de balancer entre dialogues brillants, aigres-doux, et une mélancolie sourde qui nous fait nous poser les mêmes questions que les personnages principaux. Car si notre professeur donne un sens à sa vie en commettant un meurtre de sang-froid, il se rend vite compte que le regain d’enthousiasme qu’il retrouve risque vite de devenir un pis aller, et le réalisateur en profite pour illustrer la question philosophique suivante : ne se rend-on pas compte de la force de notre bonheur uniquement au moment où nous nous apprêtons à le perdre, une bonne fois pour toutes ? Et puis l’amour désintéressé, en quelque sorte désincarné (car notre prof hésite entre faire l’amour à sa pressante collègue de fac, ou à sa pétillante étudiante qui s’est entichée de lui) écarte-t-il à coup sûr le mâle américain arrogant de la tentation homicide ? Le tout baigné dans les splendides images du chef opérateur français Darius Khondji. Hip, hip, hip, hourrah ! A voir absolument !

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« Belles Familles » (Jean-Paul Rappeneau, 2015)

Belles Familles Un cinéaste, qui n’avait pas tourné depuis 12 ans (Bon Voyage date de 2003), âgé de 83 ans, offre le film le plus rafraîchissant de la rentrée.

Et c’est à se demander si notre cinéma ne serait pas en fin de compte sauvé par les anciens. Déjouant tous les pronostics, Jean-Paul Rappeneau, qu’on avait perdu de vue il faut bien le dire, depuis ses adaptations en costumes d’Edmond Rostand et de Jean Giono dans les années 90, revient à ses premières amours : la comédie sautillante, légère comme le vent que fait tourner autour d’elle la comédienne Marine Vacth, une révélation dans ce film, à des années lumières du film racoleur de François Ozon Jeune & Jolie qui la révéla en 2013.

Parfois, pour une comédienne ou un comédien, aller faire un tour du côté des vieux singes de la profession procure, paradoxalement, comme un bain de jouvence : il n’y qu’à voir Joaquin Phoenix et Emma Stone qui se réinventent chez ce roublard de Woody Allen, dans L’Homme irrationnel (qui sera chroniqué ici-même très prochainement). Alors c’est avec une joie réelle qu’on accueille ces Belles Familles et qu’on s’amuse aux marivaudages d’acteurs aussi différents (et aux registres de jeu parfois opposés) que Mathieu Amalric et Gilles Lellouche, Guillaume de Tonquédec et André Dussolier, Nicole Garcia et Karin Viard… Réussir à faire une comédie de cette trempe, avec cette fraîcheur juvénile, bravo l’artiste ! Cela faisait très longtemps que ça n’était pas arrivé… depuis au moins La Petite Lili de Claude Miller en 2002.

Alors précipitez vous dans les salles, ce film est une aubaine !

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Quelques considérations sur le cinéma français (2/6)

piccoli-lanvin Depuis de nombreuses années on a assigné au cinéma le rôle suivant : montrer, accompagner, donner à voir les soubresauts de la société. Ainsi, pour certains, l’art cinématographique n’est rien d’autre qu’une nouvelle discipline intellectuelle en sciences humaines. Je suis contre cette idée, et les mêmes qui voulaient se servir de la littérature au siècle passé pour assouvir leur passion triste de la politique (cf. toutes ces foutaises de littérature engagée, de réalisme socialiste, de nouveau roman, et j’en passe…) s’en donnent à cœur joie aujourd’hui avec le cinéma. Il faudra pourtant bien un jour se libérer de tous ces discours méta, post, supra, qui encombrent les articles et les pensées sur le cinéma. Reporter les névroses des uns et la dernière coucherie des autres mal négociée (eh oui, souvent dans la vie ça ne se passe pas comme dans les films) sur la structure narrative du dernier film à la mode n’aide pas toujours à garder ses sens en éveil. Ce qui nous manque aujourd’hui en France et dans les Dom-Tom pour savourer après coup les films qu’on a honte d’avoir aimés c’est quelqu’un comme Pauline Kaël, ou Roger Ebert, ou Peter Biskind, car depuis la disparition de Roger Tailleur et de Serge Daney on est orphelins d’analyses critiques fines, subtiles et humoristiques.

Aujourd’hui tout est passé à la moulinette du relativisme, de la hype et de l’effet de sidération. On vous dit quels cinéastes aimer (Haneke, Werasethakul, Bilge Ceylan), quels cinéastes conchier (à peu près tous les réalisateurs de comédies et de policiers made in France), et si vous avez le malheur de sourire aux aventures des super-héros en collants bleus ou mauves, vous faites sans nul doute partie du clan des blaireaux qui aimaient les inepties made in USA dans les années 80. Alors pour garder bonne mesure, et donner le change, pour ne pas passer pour un imbécile ou un zozo, on se force à aimer : par exemple, les films des Monthy Pythons, c’est d’un chic (autant leur série pour la BBC me faisaient mourir de rire quand j’étais petit, autant leurs délires pour le grand écran m’ennuient, m’ennuient) ; autre exemple : se prosterner aujourd’hui devant les séries américaines qui font l’apologie de la violence, de la compétition acharnée et de la loi du plus fort, comme Game Of ThronesBreaking Bad ou House Of Cards.

Enfin, quoi, on s’empêche de dire qu’on préfère Un moment d’égarement circa Claude Berri 1977 de son remake 2015 de Jean-François Richet, un cinéaste fort estimable par ailleurs ? On n’ose pas dire qu’on aime Une étrange affaire de Pierre Granier-Deferre 1981 parce que ça ressemble trop à Claude Sautet (lequel est soit dit en passant mon cinéaste français préféré avec Louis Malle) ? Pourtant, sur les relations malsaines, destructrices, délétères, manipulatrices et perverses entre le monde ouvrier et le patronat, il y a bien plus de finesse que dans le pensum moralisateur La loi du marché de Stéphane Brizé (2015) ; enfin, je trouve, et l’ensemble de ces propos n’engagent évidemment que moi.

Mais c’est bien parfois de faire la comparaison de certains films entre eux à trente ou quarante ans de distance, ça donne des points de vue circonstanciés sur le monde qui nous entoure… ça facilite une meilleure compréhension entre les uns et les autres… tiens, ça ressemble à du Lelouch, non ?

À suivre…

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« Le Procès de Viviane Amsalem » (Ronit et Shlomi Elkabetz, 2014)

Viviane Dans Le Procès de Viviane Amsallem (2014) de Ronit Elkabetz et Shlomi Elkabetz, une femme mariée depuis vingt ans demande le divorce, que son mari lui refuse. Débute alors un procès devant un tribunal rabbinique qui va durer près de cinq ans.

Sur cette trame extrêmement ténue Ronit et Shlomi Elkabetz nous emmènent avec eux au cœur de la tourmente : sans aucune forfanterie on assiste, audience après audience, aux tourments d’une femme qui demande une choses simple, évidente, la reconnaissance de ses droits de femme les plus élémentaires ; puisqu’elle n’aime plus son époux, lequel ne lui adresse même pas la parole depuis plusieurs années, pourquoi les trois rabbins du tribunal refusent-ils de prononcer le divorce ? Parce que nous sommes quelque part (le lieu n’est jamais nommé) en Israël au vingt-et-unième siècle, et que les épreuves multiples que doit traverser cette femme pourraient se dérouler en des temps beaucoup plus obscurs et reculés.

Quand religion et matière juridique s’entremêlent (en l’occurrence droit civil dans cette histoire) c’est toujours au détriment du bon sens et de la raison. Alors une farandole de situations, toutes plus surréalistes les unes que les autres (les trois juges menaçant de retirer le permis de conduire au mari qui refuse de se présenter aux audiences, alors qu’il ne l’a pas ; le frère du mari faisant office d’avocat accusant l’avocat de la plaignante d’être amoureux d’elle ; les témoins des deux époux tous plus hypocrites les uns que les autres, etc…), nous montre à quel point le sort des femmes est bafouée tous les jours, un peu partout dans le monde.

Ce film courageux réalisé par la sublime Ronit Elkabetz (avec Shlomi Elkabetz) qui interprète elle -même avec beaucoup de dignité le rôle de cette femme malheureuse mais combative, devrait être montré dans beaucoup de facs de droit comme un témoignage de premier ordre sur la violence des hommes à l’encontre des femmes. Tous les interprètes du film sont merveilleux et Simon Abkarian, qui joue l’époux mutique Elisha Amsallem, trouve dans ce film son meilleur rôle avec celui de L’affiche rouge dans lequel il interprétait avec classe le résistant Manouchian.

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« The Two Faces Of January » (Hossein Amini, 2014)

Viggo Mortensen, à la coule comme un personnage des sixties triomphantes.

Viggo Mortensen, à la coule comme un personnage des sixties triomphantes.

Les paysages de la Grèce intemporelle, la beauté de la Mer Egée, les riches américaines et américains en goguette parmi les ruines antiques de Knossos et d’Heraklion, la chaleur qui endort, et les velléités de meurtre, tout cela passionne depuis longtemps beaucoup de cinéastes. Il n’y a qu’à songer au parfait Plein Soleil de René Clément (1960) ou à l’élégiaque Un thé au Sahara de Bernardo Bertolucci (1990) pour s’en convaincre.

Athènes, 1962, un jeune américain, guide de tourisme sur le site de l’Acropole, profite de ses pauses pour observer les allées et venues d’un couple d’américains à la coule. Irrésistiblement notre jeune ami, Rydal, un peu filou sur les bords, va faire connaissance avec le séduisant Chester MacFarlane et sa ravissante épouse Colette, bien plus jeune que lui. Rydal va vite se rendre indispensable auprès des américains, avec dans l’idée de surtout s’attacher aux basques de la charmante épouse. Evidemment rien ne va se passer comme prévu…

Sure cette trame classique de thriller haut de gamme (les lumières de la Grèce et de la Turquie sont somptueuses) le réalisateur Hossein Amini filme avec grâce les circonvolutions de nos trois charismatiques personnages (les sublimes Viggo Mortensen, Kirsten Dunst et Oscar Isaac) dans des paysages à couper le souffle, aussi bien en Grèce, en Crête, qu’à Istanbul, une des plus belles villes du monde.

Bien sûr on ne peut s’empêcher de penser à Alain Delon, à Maurice Ronet et à la délicieuse Marie Laforêt, croqués par la caméra enchanteresse de René Clément en 1960 ; cependant The Two Faces Of January (2014) tient en haleine jusqu’au bout et on aimerait continuer à suivre le face-à-face haletant de Rydal et de Chester une bonne heure de plus.

Un film de genre magnifiquement éclairé et mis en musique par le génial Alberto Iglesias, qui mérite d’être vu et d’avoir une place de choix dans nos vidéothèques.

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« Last Days of Summer » (Jason Reitman, 2013)

last-days-of-summer-critique-film-kate-winslet-josh-brolin-paramount Last Days of Summer (États-Unis, 2013) de Jason Reitman se déroule à la fin de l’été, dans l’Amérique profonde, à la fin des années 1980. Henry, un préadolescent, vit seul avec sa mère Adèle, depuis que son père est parti refaire sa vie et fonder un nouveau foyer avec sa secrétaire. Adèle est mutique, reste enfermée dans sa maison, et le jeune garçon souffre de voir sa mère s’enfoncer de plus en plus dans la solitude et le dégoût de vivre. Pendant le week-end du Labor Day (titre original du film), pendant qu’il font les courses, un homme, blessé au flanc, se présente à eux. Il a besoin d’aide et demande à être hébergé chez Henry et sa mère le temps d’un week-end.

Sur cette trame somme toute ordinaire dans le cinéma hollywoodien (Clint Eastwood nous avait déjà fait le coup quand Meryl streep tombe éperdument amoureuse de lui dans l’élégiaque Sur La Route De Madison en 1995) le réalisateur Jason Reitman joue tout en subtilité et en finesse sur ce canevas des sentiments qui se dévoilent peu à peu : le désir naissant d’Adèle pour le fugitif, l’admiration du garçon pour ce père de substitution, la douceur de l’homme qui voit naître sous ses yeux le foyer qu’il aurait pu avoir autrefois…

L’interprétation solide de Kate Winslet qui incarne Adèle, et celle de Josh Brolin, interprétant le fugitif, n’y est bien sûr pas pour rien. Le tempo langoureux du film, photographié dans les teintes robustes de la fin de l’été américain, tons chauds, atmosphère chatoyante à souhait, nous emporte vers les rivages du souvenir enfui, de  la mélancolie qui ne s’éteint pas, et de la douceur de vivre quand rien d’autre ne compte que ceci : partager les moments en creux de l’existence avec ceux qu’on aime.

Un petit film américain admirable.

 

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