Inscription Aller à: [ recherche ] [ menus ] [ contenu ] [ montrer/cacher plus de contenu ]



Un été avec Natalie Wood (2/5)

Sex and the Single Girl

En 1964 Natalie Wood est la tête d’affiche féminine da la savoureuse comédie Une vierge sur canapé (Sex and the Single Girl) de Richard Quine. Voici la phrase de présentation du film sur la plateforme OCS Ciné+ : « Un journaliste spécialisé dans la presse à scandales s’éprend d’une célèbre et ravissante sexologue, auteur d’un essai fortement controversé. »

Le journaliste en question, c’est Tony Curtis qui l’incarne, auréolé du succès phénoménal de Certains l’aiment chaud (Some Like It Hot, 1959) avec son complice Jack Lemmon, et la déesse de l’écran Marilyn Monroe. D’ailleurs, tout au long du film, il est fait référence dans les dialogues au film culte de Billy Wilder, quand plusieurs personnages secondaires trouvent au journaliste une ressemblance avec Lemmon. Et une scène en particulier, celle du peignoir, très drôle et magnifiquement rythmée, cite le travestissement de Curtis et de Lemmon dans le film de Wilder : après s’être jeté à l’eau, poussé par la psychologue éprise de lui qui tombe à la rivière elle aussi, le journaliste enfile le peignoir de Natalie Wood.

La charmante et très dynamique psychologue Helen Brown est interprétée par une Natalie Wood qui maîtrise à la perfection tous les ressorts dramatiques de la comédie américaine un brin sophistiquée. En 1964 il s’agit d’une consécration pour la jeune comédienne (elle a 26 ans seulement) qui donne la réplique au légendaire duo Lauren Bacall/Henry Fonda, des légendes du Hollywood d’avant. Mais les années 1960 appartiennent à la nouvelle génération des actrices qui sont nées dans les années 1930 et 1940, comme Natalie, Faye Dunaway et Ali MacGraw par exemple.

Richard Quine, le réalisateur, est un artisan qui maîtrise à la perfection tous les trucs et astuces du métier, et signe une comédie trépidante, qui ne se prend jamais au sérieux, et qui se moque gentiment : des hommes mariés qui mentent éhontément à leurs épouses et à leurs maîtresses, des femmes mariées esseulées qui veulent quand même continuer à croire au grand amour romantique de leur jeunesse, des journalistes nouvelle manière qui se spécialisent dans le scandale, le voyeurisme et la mauvais goût (la naissance de la presse people, déjà radiographiée par Federico Fellini dans La Dolce Vita en 1960), pendant que les psychologues et les psychanalystes en prennent aussi pour leur grade. Le film est ponctué de 3 numéros chantés et dansés dans la plus belle tradition du Music-Hall (Count Basie et son Orchestre assurent la partition musicale du film et les séquences chantées, car dans les années 1960 Hollywood aimait le jazz, et le jazz aimait Hollywood). Les gros plans sur Count Basie et sur ses musiciens en train de jouer leur musique, si belle, si entraînante, sont de purs moments de grâce artistique et cinématographique, de purs moments de bonheur absolu.

Tout est à l’unisson dans cette comédie de mœurs (ou de remariage, c’est selon) diaboliquement bien rythmée. Chacun et chacune y joue sa partition à la perfection. 

Mais nous n’avons d’yeux que pour Natalie !

Image de prévisualisation YouTube

.
 

Un été avec Natalie Wood (1/5)

Natalie Wood Le temps qui passe nous éloigne de ce qui fut, et qui n’est plus. Les merveilleux films des années 1960, quand le cinéma avait trouvé son rythme de croisière et que de nouveaux procédés techniques ingénieux les rendaient stupéfiants de beauté et de charme, se sont pourtant éloignés de nous comme les baïnes de la côte Atlantique qui s’en retournent vers le grand large.

Cependant les souvenirs, eux, sont comme les volcans : endormis, assoupis, mais jamais totalement éteints. Et des visages filmés en gros plan, des lignes de dialogue, doublées ou pas, des musiques de films, des plans, des mouvements d’appareil reviennent nous hanter. Et la quiétude de l’été est propice à ce retour originel vers la beauté au cinéma. Ainsi, il faut se souvenir à nouveau de la formidable actrice qu’était Natalie Wood.

Natalie Wood, c’était le charme, la fantaisie, le prodigieux don de l’interprétation, la sensualité et le sens de la comédie. Elle savait jouer vite, juste et bien. Cette actrice américaine née le 20 juillet 1938 à San Francisco (Californie) incarne pour toujours ce que le métier d’actrice de cinéma avait à offrir de meilleur, et de plus sincère. Pour celles et pour ceux qui me lisent depuis assez longtemps maintenant, vous l’avez compris : ce blog n’est pas, et ne sera jamais, le réceptacle des cancans ou des anecdotes graveleuses qui émaillent l’histoire du cinéma. J’ai en horreur les comptes-rendus de tournages qui détaillent le sordide et le grotesque des comportements des gens de cinéma. Un livre comme celui de Kenneth Anger, Hollywood Babylone, publié chez Tristram par mon ami Jean-Hubert Gailliot et Sylvie Martigny (des éditeurs exceptionnels au demeurant), me désespère. Je préfère nettement les œuvres des critiques et historiens du cinéma Kevin Brownlow, Christopher Frayling et Gian Luca Farinelli, qui ne passent pas leur temps à débiner à longueur de pages sur tel ou telle.

C’est pourquoi ce portrait amoureux de l’actrice Natalie Wood (qui sera le tout premier chapitre de mon livre à venir Portraits amoureux des actrices du cinéma mondial) ne s’occupera que de ce que cette femme a apporté de charme mutin et de drôlerie irrésistible dans tous les films dans lesquels elle a merveilleusement joué la comédie, et le drame aussi parfois. Et ils son nombreux.

Nous commencerons son portrait au post suivant avec l’analyse de son jeu (si moderne) dans le film dont elle partageait l’affiche avec un Tony Curtis sensationnel en homme à la fois veule et séduisant, sans que jamais son jeu ne tombe dans les clichés ou les procédés. Il était pour cela bien aidé par l’interprétation au cordeau de sa partenaire féminine. Le film s’intitule Une vierge sur canapé, il a été réalisé en 1964 par le roi de la comédie domestique pour adultes Richard Quine et il a fait de Natalie la nouvelle jeune reine d’Hollywood.

To be continued…

 

.
 

Ciné 80 : (#5) « Cluedo »

"Qui a fait le coup ?" se demandent le colonel Moutarde, Madame Pervenche et tous les autres.

« Qui a fait le coup ? » se demandent le colonel Moutarde, Madame Pervenche et tous les autres.

Mattel n’est pas la première firme de jouets qui a accolé son nom en lettres flamboyantes aux marquises des cinémas. Même si le succès fulgurant de Barbie (Greta Gerwig, 2023) a concrétisé le fantasme du jouet devenant héroïne de cinéma pour les enfants next-gen, d’autres multinationales du jouet et du jeu avaient balisé le terrain, bien avant.

Ainsi, en 1985, la société Parker, qui commercialisait le jeu Cluedo (rebaptisé Clue aux États-Unis), décidait d’en faire une adaptation pour le cinéma. Elle demandait à Jonathan Lynn et à John Landis (ce dernier était très en vue à Hollywood depuis le succès de sa superbe comédie horrifique Le Loup-garou de Londres, en 1981) de proposer un scénario qui ravirait les enfants, et leurs parents. Sous la houlette de Paramount Pictures les deux énergumènes proposèrent leur version du jeu : une comédie policière à la lisière du fantastique, avec décor de manoir hanté et avec, excusez du peu, le génial Tim Curry en maître de cérémonie.

Dès les premières images, c’est Tim Curry himself qui nous introduit dans la demeure de style gothico-victorien, où prend place l’action. Son personnage de Wadsworth, majordome du mystérieux Monsieur Corps, nous permet de faire connaissance avec les invités qui arrivent dans la lugubre maison un à un. Pourquoi ont-ils été réunis ensemble (ils sont sept en tout en comptant leur hôte) à cet endroit de la Nouvelle-Angleterre, un soir pluvieux et orageux de 1954 ? Nous n’en savons rien, et eux non plus. Pourtant, quelle joie de reconnaître le colonel Moutarde, Madame Pervenche, et ainsi de suite… (quand on est familier du jeu s’entend).

L’histoire qui nous est montrée dans Cluedo (Jonathan Lynn, 1985) est une loufoque murder mystery qui rend hommage avec beaucoup de drôlerie aux meilleurs Agatha Christie. Et Tim Curry incarne à la merveille un genre d’Hercule Poirot rajeuni et virevoltant. Et puis dans la distribution on découvre aussi un Christopher Lloyd qui triomphait dans le plus gros succès du box-office cette année-là : il s’agissait du premier volet de Retour vers le futur (Robert Zemeckis, 1985).

Cette anné-là (1985) à Hollywood, on savait faire des films hilarants qui contentaient à la fois les jeunes enfants, leurs parents, mais aussi leurs grands-parents. On appelait ça le crossover intergénérationnel. Cet art de la comédie d’aventures fantastiques ou policières est désormais perdu.

Pourtant ces films, même s’ils ne pointaient pas tous leur museau aux premières places du box-office, marchaient assez bien en salles, et ravissaient les kids fous de films et de musique que nous étions dans les années 1980. Cluedo (Clue aux États-Unis) a occupé la 107e position au Box office américain de l’année 1985, devant D.A.R.Y.L (111e) ou encore Red Sonja (Kalidor : La légende du talisman chez nous, 115e) et Enemy Mine (123e), le sublime film de science-fiction intimiste de Wolfgang Petersen. Cluedo a rapporté 14 643 997 dollars sur ses 384 jours d’exclusivité-salle dans le monde, à travers une combinaison de 1022 écrans. [sources = Box Office Mojo by IMDbPro, consulté sur internet le 09/07/2024]

C’était un score plus qu’honorable pour l’adaptation pas vraiment attendue d’un jeu de société où la réflexion prend le pas sur l’action et la fébrilité.

P.S : Je chroniquerai dans la deuxième moitié de l’année 2024 tous les autres films cités dans ce post, dans cette même rubrique Ciné 80.

P.S 2 : On peut actuellement voir Cluedo en streaming sur la plateforme de Paramount Channel, via MyCanal (en abonnement payant).

Image de prévisualisation YouTube

.
 

Ciné 90 : (#10) « True Romance »

Patricia Arquette et Christian Slater illuminent cette ode aux comédies policières d'antan.

Patricia Arquette et Christian Slater illuminent cette ode aux comédies policières d’antan.

Revoir True Romance, le film de Tony Scott, le frère de Ridley, trente-et-un ans après sa sortie en salles, c’est se replonger illico dans ce renouveau du cinéma hollywoodien, dont la figure de proue était Quentin Tarantino. Fort du succès de son Reservoir Dogs en 1992, et accompagné par les jumeaux maléfiques Weinstein, l’américain fort en gueule pouvait désormais placer n’importe lequel de ses scénarios, il était assuré de les voir se concrétiser en films de cinéma.

Ainsi, entre ses deux premiers films (Reservoir Dogs, donc, et Pulp Fiction, Palme d’Or au Festival de Cannes 1994), Tarantino avait confié la mise en images de son True Romance à celui qui avait donné un sacré coup de balai au Nouvel Hollywood des années 1970 : Tony Scott. Tony, son frère Ridley Scott, et quelques autres (Adrian Lyne, Joel Schumacher, Wolfgang Petersen, John McTiernan, …) avaient incarné la décennie 80 avec des films de pur divertissement gigantesques, comme Black RainLegendTraquéeLe Flic de Berverly Hills 2, Les PrédateursFlashdance9 semaines 1/2Génération PerdueL’Histoire sans finEnemyPredator, Piège de cristal.

Du coup, en concurrence directe avec ces mavericks de l’entertainment cinématographique, les vétérans de la décennie précédente (les Spielberg, De Palma, Scorsese, Eastwood, Friedkin et autres) montraient qu’ils en avaient encore sous le sabot. Ce qui nous valait une ribambelle de films extraordinaires pendant au moins deux décennies (les 80′s et les 90′s).

Oui, d’accord, mais True Romance dans tout ça ? De quoi ça parle ?

À Detroit, Clarence, un jeune homme passionné de cinéma et de pop culture, aimerait bien avoir une petite amie qui aurait les mêmes goûts que lui. Ça tombe bien, une jeune blonde très belle, Alabama, très désinvolte aussi, qui vient de débarquer de Floride, jette son dévolu sur lui. Ils forment très vite un couple très amoureux, mais il y a un hic : car Alabama est sous la férule de Drexl, mac et dealer de drogue de la pire espèce. Alors les ennuis vont arriver comme les B-52 dans le ciel allemand en 1942, c’est-à-dire en escadrille.

On retrouve dans True Romance tout ce qui a fait le succès des 3 premiers films de Tarantino (après, il se prend trop au sérieux à mon goût, la magie n’opère plus de la même façon) : des situations tordues couplée à des dialogues hilarants, un sens du cadre jamais mis en défaut, et une distribution aux petits oignons (Christian Slater, la sublime Patricia Arquette, Dennis Hopper, Gary Oldman, Tom Sizemore, Chris Penn, Christopher Walken, Val Kilmer en super-guest de luxe, la classe américaine, quoi !).

Bon, eh bien, cette litanie de films géniaux aura duré l’espace de deux décennies à peine (d’où le nom donné aux rubriques Ciné 80 et Ciné 90). Mais on peut les voir et les revoir à l’infini, et on ne sera jamais déçu.e, car la magie opère à chaque fois. Le soin apporté aux images, à la musique, au cadre, à l’interprétation, témoignait d’un profond amour et d’un très grand respect pour le cinéma de divertissement pour adultes et jeune public.

Très prochainement nous reviendrons en détail sur une merveille de film, dans notre rubrique Ciné 80 : il s’agit de l’indémodable Breakfast Club (1985) du regretté John Hughes.

Image de prévisualisation YouTube

 

.
 

« Simple comme Sylvain » de Monia Chokri : le plus beau film de 2023, en toute simplicité

La merveilleuse comédienne Magalie Lépine-Blondeau nous adresse une vraie leçon de liberté.

La merveilleuse comédienne Magalie Lépine-Blondeau nous adresse une vraie leçon de liberté.

Ce film est mon coup de cœur de l’année cinématographique 2023.

Une femme mariée devient amoureuse d’un homme, dont la personnalité est à l’opposée de celle de son mari. Cette femme enseigne la philosophie au 3ème Âge, en attendant d’être titularisée dans une université.

Nous sommes au Canada, au Québec plus précisément, et ce film de la Québécoise Monia Chokri (qui fait partie de la bande de Xavier Dolan) est un ravissement de tous les instants. Déjà, c’est grâce à l’interprétation parfaite, d’une grande intelligence de jeu, de Magalie Lépine-Blondeau, que l’on parvient à être captivé.e par cet embrasement des sens. Un moment de vie particulier, la réfection d’un chalet pour les vacances, va unir deux personnes que tout semble opposer : le milieu social, les habitudes domestiques, le rapport à la vie, la façon de se mouvoir et d’exprimer ses émotions. Pendant tout le film la réalisatrice nous fait balancer d’un sentiment à un autre : tantôt on est d’accord avec les choix de vie de Sophia, et tantôt on a envie de crier devant l’écran en l’avertissant : « Ne fais pas ça Sophia, sinon tu vas morfler ; car depuis le film d’Adrian Lyne Liaison fatale (Fatal Attraction, 1987) on sait que « l’amour, quand c’est trop fort, ça peut faire mal, très mal. »

La très impressionnante réalisatrice québécoise de films Monia Chokri, en mode girly

La très impressionnante réalisatrice québécoise de films Monia Chokri, en mode girly.

Monia Chokri parvient à déjouer toutes les attentes, tous les attendus chers à ce style de film. Rien ne se passe finalement comme on pourrait s’y attendre. La caméra, amoureuse de Magalie Lépine-Blondeau, épouse chaque contour, chaque geste, chaque infime détail du corps de l’actrice, comme elle faisait avant avec Isabelle Adjani dans L’Été meurtrier (Jean Becker, 1983), avec Valérie Kaprisky dans L’Année des méduses (Christopher Frank, 1984) ou encore avec Juliette Binoche dans Fatale (Damage, Louis Malle, 1992). Monia Chokri nous adresse ainsi un magnifique portrait de femme, lumineuse, belle, incandescente, libre.

Vive le cinéma québécois, qui fait un bien fou, en donnant à respirer cet air froid revigorant tout empreint de beauté et de liberté !

Image de prévisualisation YouTube

 

.
 

Quand la tour prend garde : « High-Rise » de Ben Wheatley

High-Rise High-Rise (2015) est un film anglais de Ben Wheatley, produit par Jeremy Thomas, et adapté d’un roman de J.G. Ballard. S’il existe un romancier dont les livres sont particulièrement difficiles à adapter, c’est bien l’écrivain de science-fiction anglais J.G. Ballard. Cependant, après David Cronenberg qui avait brillamment réalisé Crash en 1996, Ben Wheatley s’en sort très bien. Il faut dire qu’il a été aidé par un cast trois étoiles, qui comprend la crème de l’acting anglais d’aujourd’hui : avec le génial Tom Hiddleston, le grand Jeremy Irons, la merveilleuse Elisabeth Moss, le bouillant Luke Evans, l’impressionnante Sienna Miller ou encore le malicieux James Purefoy.

Oui, c’est une certitude, Ruben Östlund s’est inspiré de ce film, passé inaperçu sur nos écrans en 2015, quand il a entamé son projet Triangle of Sadness (Sans filtre pour l’exploitation française) qui voulait marier film parodique à la Mel Brooks avec lutte des classes comme dans Parasite (2019) du génie coréen Bong Joon-ho.

High-Rise relate l’installation d’un sémillant neurochirurgien, le docteur Laing, dans son appartement du 25e étage flambant neuf, à l’intérieur d’une tour résidentielle de 40 étages conçue par le mythique architecte Royal. Mais la tour, qui est en soi une anomalie architecturale (on peut y faire du cheval au 40e étage par exemple), agit sur ses habitants à la façon d’un vivarium empoisonné. Elle agit subrepticement sur la psyché – déjà ébranlée – de chacun, chacune de ses résidents et résidentes.

Le docteur Laing, sapé à la manière de James Bond dans la première partie du film (tiens une idée : pourquoi ne pas confier le rôle de Bond à Tom Hiddleston au final ? Lançons les paris !), en bon scientifique, étudie les ravages que cause cette tour opaque sur tout un chacun, puis, peu à peu, le toubib va finir par se laisser submerger lui aussi.

Mais comme il s’agit d’un film anglais, produit quand même par le légendaire producteur de Furyo, réalisé par Nagisa Oshima en 1982 pour la National Film Trustee Company - dans lequel le beau David Bowie ensorcelait à son corps défendant le non moins magnifique musicien Ryūichi Sakamoto – l’univers visuel de ce High-Rise est d’une richesse proprement hallucinante. Très inspiré par les cinéastes britanniques luxuriants qui l’ont précédé, tels Ridley et Tony Scott, David Lean, Alan Parker, mais aussi Terry Jones et surtout l’américain Terry Gilliam, Ben Wheatley propose à son tour une œuvre matricielle : on scrute avec jubilation le moindre détail de la mise en scène spectaculaire qui nous fait entrer de plein pied dans cette fosse aux serpents délirante. Le film illustre le combat farouche et ininterrompu qui oppose les classes sociales entre elles, disons depuis octobre 1917 à Petrograd.

High-Rise est-il un meilleur film que la Palme d’Or 2022, signée Ruben Östlund ? Disons qu’il joue beaucoup moins sur les effets de manche propres au style – néanmoins efficace, il va sans dire – du réalisateur suédois.

High-Rise, toutes proportions gardées, est, osons le mot : un chef d’œuvre total !

 

 

.
 

Les films policiers français : [#4] « Canicule » (1984)

Lee Marvin, la classe américaine.

Lee Marvin, la classe américaine.

Dans Canicule (TF1 Films Production, 1984) d’Yves Boisset, un malfrat américain de la pire espèce (il n’hésite pas à tirer sur un gosse dans sa fuite échevelée), interprété par la star masculine américaine Lee Marvin, commet un braquage sanglant en plein jour.

Après cette scène inaugurale de fusillade, qui se déroule entre la Banque agricole de la Beauce et un collège au moment de la sortie des élèves (pendant laquelle les équipes de cascadeurs de Rémy Julienne font des merveilles), Yves Boisset plonge Lee Marvin au cœur d’une autre fournaise, encore plus redoutable : celle d’une famille torpillée d’agriculteurs beaucerons. Le mari y est un soudard, mal marié à sa femme qui rêve d’étreintes brutales, et le frère du marié tient un garage-pompes à essence à la lisière de la ferme, là où aucune automobile ne passe jamais, pendant que Bernadette Laffont rêve de saillies débridées dans la paille. Seul le gamin, un solitaire qui se croit être descendant d’un marin timbré, apporte un lot de consolation au milieu de toute cette foire ; fatalement il deviendra le héros de cette descente aux enfers.

À mi-chemin entre la satire à la Bertrand Blier et un nouvel épisode – mais qui serait charnel celui-là – de la série des Gendarmes (rendons ici grâce au formidable comédien Henri Guybet, particulièrement génial en gendarme du GIGN à demeure chez les fous), cette farce croquignole reprend les thématiques chères au contestataire Yves Boisset : celles des hommes bas du front qui ne savent rien faire d’autre que violenter les femmes, mais aussi les thématiques qui traitent de l’éternel conflit entre les forces de l’ordre réactionnaires et les lascars violents qui ne valent pas mieux.

On croyait voir un film policier efficace, et finalement on regarde, terriblement amusé, un épisode pop de Benny Hill sous amphétamines, avec en son milieu un acteur américain totalement largué qui se demande à tout bout de champ ce qu’il peut bien faire dans cette galère.

Non, Quentin Dupieux n’a pas été le premier en France à trouver des financements pour des projets invraisemblables ; et c’est tant mieux, car trente-huit ans après on en rigole encore à gorge déployée.

Mentions spéciales à Victor Lanoux, Miou-Miou (délicieuse une fois encore), Jean Carmet (génial, comme à son habitude – il faudra écrire un long texte d’hommage le concernant, un de ces prochains jours), la pétulante Bernadette Laffont, l’extraordinaire David Bennent (qui joue le rôle de l’enfant), Grace de Capitani, Jean-Pierre Kalfon, Jean-Roger Milo, Pierre Clémenti, Henri Guybet, Myriam Pisacane, Muni, Joseph Momo et Jean-Claude Dreyfus (impayable en Chef du GIGN). Ils et elles tirent tous leur épingle du jeu.

Mais à la fin, on comprend d’autant mieux pourquoi le grand Lee Marvin (alias Jimmy Cobb, le gangster majuscule) préfère se faire sauter le caisson au fusil de chasse sous la grange.

Impayable, vous dis-je !

.
 

Quand la fantaisie atténuait la tristesse

 

Quatre garçons dans le vent des années 1970 s'en donnent à cœur joie.

Quatre garçons dans le vent des années 1970 s’en donnent à cœur joie.

Ce sont quatre copains, quatre garçons dans le vent de la France giscardienne. Nous sommes en 1976 et les socialistes ne sont pas encore revenus au pouvoir (il faudra attendre mai 1981 pour cela). Et puis sous François Mitterrand, Claude Brasseur incarnera plutôt des types durs au mal (dans Une affaire d’hommes de Georges Conchon en 1981, ou encore dans Légitime violence de Serge Leroy un an plus tard, en 1982). Quant à son copain Jean Rochefort, une fois les socialistes revenus Place Beauvau comme au Quai d’Orsay ou encore Place Vendôme, ce dernier s’intéressera de plus en plus aux chevaux et à l’équitation, sans cesser toutefois de jouer dans des films solides (comme Un dimanche de flic de Michel Vianey en 1983, où il retrouve Victor Lanoux, ou encore L’indiscrétion de Pierre Lary en 1982, en compagnie de Jean-Pierre Marielle et de la divine Dominique Sanda).

Mais en attendant, en 1976 et en 1977, les quatre garçons que sont Jean Rochefort, Guy Bedos, Victor Lanoux et Claude Brasseur, ont pour seule obsession de prendre un peu de bon temps en jouant au tennis en double et en essayant de conquérir une femme (c’est surtout le cas d’Étienne Dorsay, joué avec finesse par l’impérial Jean Rochefort – dire que je l’ai croisé un jour Place Wilson à Toulouse, en 1994 ou en 1995, et que je n’ai pas osé l’aborder pour lui témoigner toute mon admiration ; j’étais jeune alors, et incapable de cette générosité-là : dire à un artiste de cinéma qu’on l’aime. Oui, bon, séduire une femme d’accord, mais si possible jeune, afin de faire oublier la routine d’une vie conjugale routinière qui met la libido en sourdine (il faut dire que madame a décidé de reprendre ses études universitaires et par conséquent ouvre l’appartement bourgeois à une flopée de chevelu.e.s qui préparent le Grand Soir ; seul le jeune Christophe Bourseiller ne s’y trompe pas, qui veut coucher à tout prix avec Marthe Dorsay (délicieuse Danièle Delorme), l’épouse d’Étienne.

Enfin, quoi, Étienne Dorsay s’ennuie au Ministère de l’Information. Alors il va se prendre d’une passion toute juvénile pour la pétulante Charlotte (incarnée avec très grande classe par l’immense comédienne Annie Duperey), alors que sa propre épouse, Marthe, est la dignité faite femme. Mais un homme marié, encore aujourd’hui, peut-il réellement se rendre compte de ce qu’il faut d’abnégation, de vrai courage et de sens du sacrifice, pour supporter les invraisemblables et mesquines supplications de n’importe quel pathétique mâle (cela, Victor Lanoux le joue à la perfection dans son rôle de Bouly le boulet). D’ailleurs de cette bande des quatre, il est le seul à avoir un rôle très ingrat, et comme Lanoux le joue à la perfection, on se rend alors compte qu’il était lui aussi un formidable acteur.

Un éléphant ça trompe énormément d’Yves Robert (Gaumont, 1976) nous parle de cela : pendant que Rome brûle nous contemplons, debout sur l’Aventin et pour le moment à l’abri des flammes, avec une jubilation discrète, le brasier s’étendre et les flammèches commencer à lécher les murs des maisons en torchis des faubourgs ; Claude Brasseur, ou plutôt Daniel, son personnage d’avocat suffisant, joue lui-aussi avec le feu en séduisant de jeunes giscardiens à gourmette…

… à suivre

 

.
 

Les comédies d’aventures : [#1] « OSS 117. Alerte rouge en Afrique noire » (2021)

OSS 117 Les clichés et les mauvaises manières ont la peau dure. En partant de ce constat, Nicolas Bedos s’empare d’un héros de cinéma français des sixties et le réactualise d’une manière désopilante. Et pourtant, le terrain était glissant. Car un certain Michel Hazanavicius était déjà passé par là à deux reprises. Et du coup, avec l’aide de son complice Jean Dujardin et de la bonne fée Bérénice Bejo, il avait donné au public et aux cinéphiles une comédie d’aventures franchement réussie, devenant instantanément culte : il s’agissait de OSS 117. Le Caire nid d’espions (France, Gaumont, 2006). Lequel était suivi 3 ans plus tard d’OSS 117. Rio ne répond plus (France, Gaumont, 2009) avec cette fois en guest féminin l’épatante Louise Monot.

Les 2 films allaient rejoindre dans la malle aux trésors des films d’aventures à la française des classiques absolus comme Le Sauvage (France/Italie, Lira Films, 1975) de Jean-Paul Rappeneau, L’Africain (France, Renn Productions, 1983) de Philippe de Broca, Boulevard du Rhum (France/Italie/Espagne, Gaumont International, 1971) de Robert Enrico, Les Aventuriers (France/Italie, SNC, 1967) toujours de Robert Enrico, L’Homme de Rio (France/Italie, les Films Ariane, 1964) de Philippe de Broca, ou encore Angélique et le Sultan (France/Italie/RFA, CICC, 1968) de Bernard Borderie.

OSS 117, sous les traits du prodigieux Jean Dujardin (qui est un rêve d’acteur de cinéma à l’ancienne manière, avec un côté tough guy ironique à souhait), devenait pour le coup un personnage éminemment populaire et aimé par toutes les classes sociales de l’Hexagone.

12 ans après l’exploitation en salles de Rio ne répond plus la Gaumont a confié la réalisation d’un 3ème épisode au sémillant Nicolas Bedos, lequel sortait du succès commercial non négligeable de sa comédie romantique La Belle époque (2019) avec la sublime Doria Tillier et Daniel Auteuil. Nicolas Bedos, quand il a accepté de relever le défi, savait ce qui l’attendait. Car les troisièmes épisodes sont un défi de taille pour n’importe quelle réalisatrice et réalisateur sur la planète. Il ne faut pas se planter, et il ne faut surtout pas planter la franchise ! Certaines et certains ne se sont jamais relevé.e.s du plantage d’un 3ème épisode attendu avec ferveur par les fans hardcore : ayons une pensée émue par exemple pour le pauvre Paul Feig qui a coulé en même temps que son S.O.S Fantômes (Ghostbusters, États-Unis/Australie, Columbia Pictures) en 2016, tant et si bien que son film n’apparaît même pas sur les listings officiels de la saga, remplacé vertement par le très attendu S.O.S Fantômes : L’Héritage (Ghostbusters : Afterlife, États-Unis/Canada, Columbia Pictures, 2021) de Jason Reitman, qui lui-même n’ose pas arborer le redouté numéro 3 ! C’est à y perdre son grec et son latin, vous dis-je !

La suite, très prochainement…

 

.
 

Ciné 90 : (#5) « Innocent Blood »

Anne Parillaud, dans la splendeur de ses 32 printemps, est merveilleuse dans cet amour de film fantastque américain de haute tenue.

Anne Parillaud, dans la splendeur de ses 32 printemps, est merveilleuse dans cet amour de film fantastique américain de haute tenue.

Il était une fois une jeune actrice de cinéma, française, qui, au début de la décennie 90, avait fracassé le box-office. C’était dans une production Gaumont pilotée par Luc Besson, un jeune metteur en scène de cinéma au succès foudroyant. Le film s’intitulait Nikita (France/Italie, Gaumont/Les Films du Loup, 1990) et son actrice principale s’appelait Anne Parillaud. Elle s’y prenait à merveille pour exécuter des contrats (dessouder des mectons au fusil à lunettes), pour le compte d’une Agence gouvernementale française (non, il ne s’agit pas d’EDF ni de la SNCF). Avec ce rôle incandescent, la jeune actrice de 30 ans enflamma le cœur ardent de toute une génération de cinéphiles. Si bien que de l’autre côté de l’Atlantique, l’immense John Landis s’éprit d’elle à son tour.

Et il lui offrit 2 ans plus tard le leader character dans un film fantastique qu’il désirait mettre en scène. Il s’agissait d’Innocent Blood (1992), une comédie horrifique dans laquelle une jeune et sensuelle vampire donnait du fil à retordre aux mafiosi de Boston.

Curieusement, John Landis ne s’était pas encore attaqué au registre du film de vampires. Pourtant il avait offert un chef d’œuvre indémodable au film de loup-garou avec Le Loup-garou de Londres (An American Werewolf in London, Royaume-Uni/États-Unis, Polygram Pictures, 1981) dix ans plus tôt. Mais le début des années 1990 était au revival chez les suceurs de sang : pendant que son confrère Francis Ford Coppola mettait en chantier son Bram Stoker’s Dracula (Royaume-Uni/États-Unis, American Zoetrope/Columbia Pictures/Osiris Films, 1992) John Landis usinait son Innocent Blood (États-Unis, Warner Bros., 1992).

C’était en réalité un prétexte pour filmer le plus amoureusement du monde sa divine actrice Anne Parillaud, dans la beauté éclatante de ses 32 printemps. Anne Parillaud n’a jamais été aussi belle, aussi sensuelle, aussi magnifiquement filmée que dans cette comédie d’horreur irrésistible. On tombe instantanément sous le charme de la belle Anne dès les premières secondes du générique de début, quand en voix off elle nous susurre à l’oreille combien il est difficile de se faire une place la nuit, au milieu du monde interlope des crapules et des jouisseurs.

On peut voir ce film comme s’il était une version alternative de Nikita, les tics de mise en scène en moins ; car John Landis n’a pas besoin d’imiter le cinéma américain de divertissement, il est, à lui seul, ce cinéma-là (et sa filmographie toute entière parle pour lui : Les Blues Brothers en 1980, Un fauteuil pour deux en 1983, Série noire pour une nuit blanche et Drôles d’espions en 1985, Trois Amigos en 1986, et Un prince à New York en 1988). Lui seul peut-être a su dépoussiérer avec élégance et un sens effréné du rythme les canevas de la comédie américaine soignée. Alors en 1992 John Landis filme sa princesse française avec le même amour qui ruisselait lorsque Jean Grémillon emprisonnait Michèle Morgan et Madeleine Renaud dans sa boîte à images, dans Remorques (France, 1941), le plus beau film du monde.

Qu’est-ce qui fait la beauté ensorcelante d’un film ? La rencontre esthétique entre celle ou celui qui tient la caméra et son alter-égo qui y fait face et consent.

2 ans après le succès phénoménal de "Nikita" Anne Parillaud incendiait le cinéma américain.

2 ans après le succès phénoménal de « Nikita » Anne Parillaud incendiait le cinéma américain.

En cela Innocent Blood est le témoignage magique de la rencontre entre une cinématographie du surréel anglo-saxon et l’incarnation du naturalisme français à son meilleur. Il s’agit d’un amour de film, qui est un écrin parfait pour une merveilleuse actrice de cinéma : Anne Parillaud l’incandescente.

.
 
12

Lespetitesgarces |
Seventh Art Lovers |
Juloselo |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Serietvaddict2015
| Whitekelly4o
| My own private movie