Dans un plan saisissant de ce film de l’Australien Russell Mulcahy, le highlander, un être humain devenu immortel, est en fâcheuse posture. Nous sommes en pleine Seconde Guerre mondiale dans cette séquence. Pendant qu’un officier SS lui tire dessus à la mitraillette, il s’affaisse sur une petite fille, Rachel, que le nazi vient de rendre orpheline. Soudain il ouvre les yeux, et la petite, surprise, lui demande : « Mais tu es vivant ? » Et Christophe Lambert, qui interprète ce preux chevalier qui traverse le temps depuis quatre siècles et demi, depuis les Highlands de son Clan en 1536, jusqu’au New York de l’année 1985, répond à la petite, tout en lui adressant un clin d’œil : « It’s a kind of magic ! » Alors il se relève et abat le nazi. Rachel deviendra par la suite la femme très classe qui protègera l’identité secrète de Connor MacLeod.
Highlander date de 1986 et met en vedette à Hollywood notre star masculine française de l’époque, Christophe Lambert, qui avait crevé les écrans dans Subway de Luc Besson en 1985, et dans Greystoke, la légende de Tarzan du Britannique Hugh Hudson un an plus tôt (en 1984 donc). Nous reparlerons plus en détail de ces deux-films-là dans deux prochains articles de la rubrique Ciné 80 (patience, patience !)
Pendant un tiers du film le personnage de Connor MacLeod est associé à celui, plus fantasque, de Juan Ramirez, le flamboyant hidalgo immortel lui aussi, et plus vieux de 6500 ans. C’est Sean Connery qui interprète savoureusement ce personnage de mentor haut en couleur, calqué sur celui d’Alec Guinness dans le tout premier volet de La Guerre des Étoiles (1977) de George Lucas. Les années 1980 continuaient les décennies 1960 et 1970 qui avaient fait de l’Écossais Sean Connery une star de cinéma incontournable. Pendant cette décennie 80 l’acteur s’amuse, et cela se reflète dans le choix de ses rôles, qui s’écartent de ceux qu’il arborait une décennie plus tôt : le roi grec Agamemnon dans Bandits, Bandits de Terry Gilliam en 1981, le shérif William T. O’Neil dans Outland, loin de la Terre de Peter Hyams en 1981 toujours, James Bond 007 à nouveau (et pour un dernier tour de piste) dans le sublime Jamais plus jamais d’Irvin Kershner en 1983 (qui reste un Bond non officiel, ne l’oublions pas), Guillaume de Baskerville dans le puissant et poétique Le Nom de la Rose du Français Jean-Jacques Annaud en 1986, la même année que le Mulcahy qui nous intéresse ici, le flic incorruptible Jim Malone dans le chef-d’œuvre Les Incorruptibles de Brian de Palma en 1987, et bien entendu le premier Professeur Jones, Henry Jones, Sr., dans le très beau Indiana Jones et la Dernière Croisade de Steven Spielberg en 1989, pour clore la décennie en beauté. L’acteur vieillissant aimait incarner des mentors, des hommes d’âge mûr qui transmettent quelques bribes d’expériences humaines à de jeunes têtes brûlées qui foncent tête baissée sur le chemin escarpé de la vie.
Un bon film, comme disait Alfred Hitchcock, c’est aussi un méchant qui marque les esprits. En la matière le très méchant guerrier immortel de Highlander, le Kurgan, qui veut remporter le prix ultime pour soumettre l’humanité à sa botte, ne manque d’aucunes des caractéristiques qui en font un antagoniste inoubliable : look punk-rock démentiel, dégaine de cuir noir, farouche envie de mettre le feu à la bienséance au cœur même d’une paisible église qui n’en demandait pas tant.
Alors quand dans la salle de cinéma, en 1986, le dernier plan tourné dans les Highlands nous montrait le dernier Immortel Connor MacLeod enlacer tendrement son amoureuse, la belle New Yorkaise de la Police scientifique Brenda, et laissait la place au générique de fin en faisant miauler dans les enceintes la chanson-titre du film : A Kind of Magic de Queen, un de nos groupes préférés des Eighties, on venait de comprendre que ce jeune réalisateur australien surdoué, Russell Mulcahy, venait de nous offrir les clés enchantées du Dernier Royaume de notre enfance, celui des rêves en celluloïd, en Panavision et en Technicolor, qui allaient nous accompagner toute notre vie.



















