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So long, Sean

L'immense Sean Connery en compagnie de la délicieuse Lois Maxwell pendant le tournage de "Dr. No" (1962)

L’immense Sean Connery en compagnie de la délicieuse Lois Maxwell pendant le tournage de « Dr. No » (1962)

La plupart du temps on pense qu’on a passé un cap, on pense que les années accumulées au compteur nous ont éloigné de l’enfant que nous étions. Notre vie d’adulte, qui se déroule néanmoins dans le décor d’un monde brisé, nous amène irrémédiablement vers des rivages incertains. Mais on croit dur comme fer être en possession de la boussole qui nous permet de garder ce cap. Nous n’aimons pas avoir peur, nous n’aimons pas être blessé, nous n’envisageons pas de disparaître sans que cela génère une immense souffrance chez celles et ceux qui nous aiment éperdument. Les solstices et les équinoxes peuvent bien nous enseigner le contraire, nous refusons de quitter cette scène inquiète sans en connaître le dénouement.

La disparition de Sean Connery m’a fait prendre conscience à quel point j’avais aimé ses films, à quel point ces films-là m’avaient accompagné sans que je m’en rende compte pendant mes années d’enfance et d’adolescence, vouées à découvrir l’immensité de l’univers cinématographique. Pendant mon enfance j’ai vu tous les films de James Bond interprétés par Sean, qui avaient tous été tournés durant la décennie qui précédait ma naissance. Mais pour ne pas me dédire je dois avouer que j’étais beaucoup plus attiré par les James Bond Movies incarnés par Roger Moore. Seulement, la patine du temps aidant, je me suis vite rendu compte que l’interprétation du personnage de 007 par Sean était – comment dire cela le plus précisément possible – habitée par une grâce naturelle, un charme félin qui, aux yeux d’un enfant d’une dizaine d’années à peine, recelait une mystérieuse aura de danger venimeux. Le personnage de Bond interprété par Sean n’était pas spécialement sympathique pour un kid de la campagne gersoise éperdu de cinéma – celui de Roger Moore l’était à contrario.

Mais avec les années notre cinéphilie s’étoffait, se précisait, s’allongeait, et alors nous découvrîmes, émerveillé.e.s, les très grands films dans lesquels Sean avait montré toute sa superbe : Pas de printemps pour Marnie d’Alfred Hitchcock, 1964 ; La Colline des hommes perdus de Sidney Lumet, 1965 ; Traître sur commande de Martin Ritt, 1970 ou encore Cuba de Richard Lester, 1979, etc… À ce moment-là je ne savais pas qu’il s’était efforcé de garder son accent écossais en toutes circonstances de tournage. Il est plaisant de savoir que Sean a tourné tous les dialogues du Nom de la rose (Der Name der Rose, Jean-Jacques Annaud, Allemagne de l’Ouest/Italie/France, 1986), par exemple, avec son accent inimitable.

Sean Connery était un dieu de cinéma, il n’y qu’à considérer la liste des metteurs en scène prestigieux avec lesquels il a tourné pour s’en convaincre : Terence Young, Alfred Hitchcock, Basil Dearden, Guy Hamilton, Sidney Lumet, Irvin Kershner, Lewis Gilbert, Edward Dmytryk, Martin Ritt, John Boorman, John Huston, John Milius, Richard Lester, Richard C. Sarafian, Richard Attenborough, Michael Crichton, Ronald Neame, Peter Hyams, Terry Gilliam, Richard Brooks, Fred Zinnemann, Jean-Jacques Annaud, Russell Mulcahy, Brian De Palma, Steven Spielberg, et Gus Van Sant.

Nous ne verrons pas de sitôt une telle stature au cinéma, car les codes de la représentation ont tellement changé depuis l’époque (1962) où il endossait pour la première fois le costume de cet agent des services secrets britanniques dont personne ne savait ce que cela donnerait de bon sur un écran de cinéma (James Bond 007 contre Dr. NoDr. No, Terence Young, Royaume-Uni, 1962).

Les films de cinéma sont fabriqués avec la matière même de nos rêves, de nos illusions, de nos atermoiements, de nos petites et grandes lâchetés, mais surtout avec nos grandes espérances. Les films de cinéma résistent au temps car ils fixent pour l’éternité l’image en sels d’aluminium de ce que nous aurions, toutes et tous, pu devenir si seulement on nous avait donné confiance en nous au moment de nos jeunes vies. Mais tous les cadres structurels, institutionnels, de la société humaine dans laquelle les éducateurs avaient pour mission de nous dresser n’avaient jamais envisagé que nous pourrions tomber fou amoureux de Marylin Monroe, de Montgomery Clift ou d’Elisabeth Taylor. Cet amour-là ne s’éteint qu’avec le dernier souffle de vie.

 

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Le deuxième siècle du cinéma commence maintenant [#4]

Columbia Une chose est  sûre : ce deuxième confinement n’est pas une bonne nouvelle pour les métiers du cinéma. Toutes les productions sont à l’arrêt, les projets sont au point mort et de toute façon, comme les salles sont fermées…

Le premier confinement du printemps dernier avait saisi tout le monde (ou à peu près) d’effroi. Seule la guerre de 39-45 avait mis un terme à la projection des films en salles, et le monde d’après mai et juillet-août 1945 avait mis un sérieux coup de canif dans l’embellie du cinéma américain depuis les années 1930. Les Golden Age et Silver Age des 8 grandes compagnies de production hollywoodiennes de ce temps (Paramount PicturesUniversalColumbia PicturesThe Warner Bros. CompanyThe Walt Disney CompanyThe 20th Century Fox, Metro-Goldwyn-Mayer Inc. et United Artists) avaient profité aux nababs, aux stars incandescentes et dans la salle à manger des scénaristes de la Warner, à Burbank, Californie, San Fernando Valley, il n’était pas rare d’y croiser William Faulkner, Raymond Chandler, Dashiell Hammett et William Riley Burnett tailler le bout de gras.

Le cinéma de ce temps-là n’était pas un simple divertissement ; il était une religion ardente, avec des rites sacrés, une théogonie et des impressions sur pellicule qui valaient témoignage de foi. Veronica Lake, Louise Brooks, Gene Tierney, Jane Russell étaient les déesses de l’écran, qui ne figuraient dans aucun manuel d’anthropologie religieuse. Pourtant elles drainaient autour d’elles leur cohorte d’admirateurs fervents, de bonzes débonnaires prêts à sacrifier ce qu’ils avaient de plus cher pour continuer à exister dans leurs sillages d’ombres et de lumières. L’invention du cinématographe par Louis et Auguste Lumière a permis aux inventeurs-créateurs du vingtième siècle naissant de laisser libre-cour à leur imagination en fabriquant une nouvelle manière de raconter des histoires. Le plaisir de la lecture réside dans le fait d’être seul avec les mots imprimés ou écrits à la main sur la page ; le plaisir du cinéma, lui, réside dans le fait de regarder la même chose en collectivité. Rien de plus énervant que de subir le spectacle affligeant d’un écrivain qui lit à voix haute son texte ; rien de plus plaisant que cette ivresse quand surgit le lion rugissant de la M.G.M ou la personnification des États-Unis d’Amérique brandissant sa torche au générique des films de la Columbia.

caméra

Au deuxième siècle du cinéma l’étincelle des débuts est toujours là. Seulement voilà : une pandémie de Coronavirus, 19e de sa catégorie à être venu nous visiter, a bouleversé notre rapport aux images-fétiches. Désormais, le repli est quasi généralisé vers les écrans minuscules qui diffusent en continu du contenu audiovisuel. Le cinéma est plus que jamais menacé par ces formes de consommation filmique, et les pouvoirs publics ne prennent pas entièrement conscience du danger qu’il y a à n’utiliser aucun recours juridique face aux géants d’internet. Il sera trop tard quand certaines multinationales des médias et de la communication auront sciemment effacé de la mémoire des gens tout un pan de la culture cinématographique mondiale. Les îlots de résistance ne suffiront pas pour réactiver l’amour inconditionnel, exclusif, des images en 35 mm.

Il serait grand temps de se réveiller une bonne fois pour toute !

À suivre…

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Le chagrin, la perte, le deuil, l’enlèvement de tout ce à quoi nous tenons.

Des disparitions d’êtres humains, on en compte à profusion tous les jours, toutes le nuits, car la planète est grande, et nous sommes nombreux. Quand on nous enlève celles et ceux qui nous étaient chers, qui nous reliaient à tout ce qu’il y a de plus beau et de plus précieux en ce monde, la souffrance se fait muette, les mots ne se dessinent plus, et la voix ne les porte pas, car le chagrin est muet, stoïque, silencieux. La disparition marque le début de la rupture, complète, irrémédiable avec les moments de quiétude que le vie offre parfois, pour les plus chanceuses et les plus chanceux d’entre nous ; la vie est alors comptable des souffrances insoutenables à venir. Nous l’envisagerons dorénavant avec méfiance, avec la certitude que le néant nous guette.

Juliette Gréco

Des disparitions d’artistes, quand on a avancé dans l’existence, on y est malheureusement habitué ; cependant, une part non négligeable de poésie et d’appréciation de la douceur, nous quitte en même temps. Quand une actrice de cinéma disparaît, la grâce foudroyante d’un visage, d’un corps, d’une attitude, d’une manière d’être et de composer avec le monde, avec son monde, s’en va, nous laisse sur le bord du chemin, et ne revient pas vers nous. Même chose quand il s’agit d’un acteur de cinéma, ce qu’autrefois on appelait l’aura quitte le paysage. Michel Piccoli, Michael Lonsdale et Juliette Gréco ont quitté cette année nos rivages pour s’en aller au Walhalla des artistes majeurs : nous n’oublierons jamais leurs interprétations merveilleuses, leurs fulgurantes incarnations de personnages hauts en couleurs. Pour ma part je n’oublierai pas le charme ensorcelant, le magnétisme mutin de Juliette quand elle chante. Quand elle chante, Juliette, le monde ralentit un petit peu sa course pour mieux entendre la voix frêle et puissante à la fois qui se dégage de cette femme exquise. Je n’oublierai pas non plus Michel Piccoli qui livre une prestation éblouissante dans Max et les ferrailleurs (France/Italie, 1971) de son ami Claude Sautet ; comme je n’oublierai pas la prestation exceptionnelle de Michael Lonsdale en méchant réjouissant (Hugo Drax) de Moonraker (Royaume-Uni/France, 1979) de Lewis Gilbert.

Michael Lonsdale

Les personnes aimantes et aimées qu’incarnaient, chacun à leur manière, ces trois magnifiques artistes, nous les retrouverons sans cesse, en visionnant indéfiniment les beaux films de cinéma dans lesquels ils et elle avaient plaisir à jouer, à vivre et à aimer. Merci infiniment à eux et à elle pour ce cadeau précieux.

Je crois pouvoir dire ici que ces trois-là, Juliette Gréco, Michel Piccoli et Michael Lonsdale, incarnaient sans même en avoir tellement conscience, la perfection accomplie du métier d’artiste, ou plutôt non, ils incarnaient avec gourmandise, tout simplement, le métier de vivre.

 

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Un acteur nommé Jim Carrey [#2]

Jim Carrey a joué à deux reprises le personnage d’Ace Ventura, qui exerce la profession loufoque de détective animalier. Il s’agit d’un détective privé qui se lance sur la trace d’animaux domestiques disparus. Il vit à Miami en loyer, dans un appartement qui regorge d’animaux à la fois domestiques et totalement sauvages. On trouve dans le tas des écureuils, des ratons-laveurs, un singe ouistiti (lequel aura un rôle un peu plus étoffé dans le second opus), un toucan, et j’en passe…

L'affiche originale du film.

L’affiche originale du film.

Dans Ace Ventura, détective pour chiens et chatsAce Ventura : Pet Detective, Tom Shadyac, États-Unis, 1994) la responsable de la communication du club de football des Miami Dolphins l’embauche pour retrouver la trace de la mascotte de l’équipe, un dauphin vivant baptisé Flocon de neige. Ace Ventura, tout excentrique qu’il est, à la limite quand même de la débilité la plus profonde et la plus gênante, surtout pour celles et ceux qui l’accompagnent (voir à cet effet la scène hilarante dans laquelle il parle avec son c… à un policier catastrophé ; il fallait quand même oser le faire en 1994 dans un film mainsteam pensé au départ pour les enfants.), ridiculise à tout instant les forces de police de Miami qui le prennent pour un branquignol de la pire espèce.

Jim Carrey se permet des choses inimaginables dans un film tous publics, car son humour n’est pas familial, il est basé sur la méchanceté, la mauvaise foi, la scatologie, l’excrémentiel et bien évidemment le sexe. Pour preuve, dans la séquence dans la chambre de l’appartement où le hors champ nous fait comprendre qu’Ace Ventura s’envoie en l’air avec enthousiasme dans le lit avec la géniale Courtenay Cox, une fois les deux amants filmés en plongée côte à côte dans le pieu, la jeune femme avoue avoir joui au moins 3 fois, alors son partenaire rétorque : « ça m’arrive rarement ». Il marque un temps d’arrêt, avant d’ajouter, un sourire radieux sur le visage : « Je dois être fatigué ». Quel autre acteur, au milieu des années 90, peut se permettre ça, avec ce visage juvénile, cette coupe de cheveux totalement délirante, une démarche qui oscille entre celle du neuneu intégral et celle du mec à la coule arrogant, tête à claques mais qui emballe toutes les filles sublimes sur son passage (il met dans son lit Courteney Cox et se fait sexuellement harceler par Sean Young, excusez du peu) ?

Un an après, devant le succès phénoménal de cette première aventure d’Ace Ventura (exactement 107 217 396 dollars de recette à travers le le monde – sources = IMDB, actualisé le 07/08/2020), Jim Carrey revient dans Ace Ventura en Afrique (Ace Ventura : When Nature Calls, Steve Oedekerk, États-Unis, 1995). Cette suite va rapporter le double d’argent : les recettes totalisées à travers le monde à la fin de son exploitation seront précisément de  212 385 533 dollars (sources = IMDB, actualisé le 07/08/2020). Ce nouvel épisode est tout aussi déjanté que  le précédent ; cette fois un colon britannique d’un pays imaginaire africain retrouve la trace d’Ace Ventura, lequel s’est volontairement retiré du monde au Tibet dans une lamaserie. Effectivement, quelques temps auparavant, il n’a pas digéré d’avoir laissé tomber un raton laveur dans le vide, depuis un pont suspendu. Le britannique somme Ace Ventura de venir avec lui en Afrique, au Nibia [pays imaginaire, vous l'aviez deviné], pour aider le peuple débonnaire des Wachatis à retrouver leur idole sacrée, une chauve-souris, qui leur a été dérobée pour empêcher le mariage de la fille du chef de la tribu avec un vaillant guerrier d’une tribu concurrente, celle des Wachootoos. Bien sûr il faut prendre cette nouvelle aventure du désopilant détective au millionième degré, sans quoi on sera atterré par les relents profondément racistes, misogynes et homophobes du film. Un tel film pourrait-il sortir sur nos écrans aujourd’hui ? Je ne pense pas car le monde a changé, nos sociétés se sont figées dans des positions en chiens de fusil qui n’admettent plus le rire gras, celui qui colle, qui éclabousse mais n’en reste pas moins totalement inoffensif.

Photomaton extraordinaire du comédien canadien.

Photomaton extraordinaire du comédien canadien.

Il n’y aura certainement jamais de troisième épisode des aventures déjantées et totalement anachroniques de ce détective pour animaux. Ace Ventura est un personnage fantasque totalement délirant, qui voue une haine féroce aux êtres humains, et n’a de la considération que pour les animaux, ses semblables, ses égaux en douleur et en affliction. Le monde dangereux dans lequel nous vivons aujourd’hui, dans lequel chacun a quelqu’un à détester et à poursuivre de sa haine, est une terre aride, infertile, où les films d’autrefois n’ont plus leur place.

Le charme puissant du divertissement a été rompu, la magie n’opère plus nulle part car ils ont fini par tuer les deux licornes sacrées de ce film époustouflant : Legend, Ridley Scott, États-Unis, 1985. Ce monde désormais a détourné les yeux de ce qui il y a trente ans ou quarante ans en arrière donnait tout son sens à un enfant : la bonté, la douceur, la gentillesse, et la récompense pour celles et ceux qui avaient appris à aimer, sans jamais faire preuve d’animosité. Les films Amblin n’existent plus, les films de John Hugues n’existent plus et les dernières idoles en sucre Candy ont elles aussi fini par rendre l’âme.

Le cinéma y-a-t-il seulement survécu ?

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Le deuxième siècle du cinéma commence maintenant [#3]

C’est un moment que j’attends avec impatience. Et ce moment c’est celui de la réouverture des salles de cinéma (qui a été programmée, de fait, pour le 22 juin 2020).

La sublime actrice Elizabeth Rosemond Taylor photographiée en 1942 par C. S. Bull.

La sublime actrice Elizabeth Rosemond Taylor photographiée en 1942 par C. S. Bull.

Jamais le cinéma, dans son histoire, n’avait connu une telle interruption, une mise sous cloche de cette ampleur. Même un événement considérable comme celui de la seconde guerre mondiale ne l’avait pas réduit au silence. Les cataclysmes guerriers, les mises en place des régimes fascistes et totalitaires, les ombres noires portées du vacillement nucléaire et de la destruction concertée de la Nature depuis août 1945 par les dirigeants politiques et économiques du monde occidental, n’avaient pas réussi à soumettre, à enchaîner, le désir de se rendre dans une salle obscure pour y voir défiler des images projetées sur un grand écran blanc.

La situation du cinéma est terrible aujourd’hui, car nous savons maintenant que les décideurs économiques n’y prêtent plus la moindre attention, et que les chefs de gouvernement ne sont pas des cinéphiles avertis (on n’enseigne pas le cinéma, ou son histoire, à l’École Nationale d’Administration, ni dans les Instituts d’études politiques, ni à Polytechnique et encore moins dans les 3 ou 4 Écoles normales supérieures qui rayonnent encore). D’ailleurs, pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir qui le Président de la République française nomme à la tête des instances audiovisuelles.

De toute façon les pouvoirs publics ont abandonné au Marché le soin de calibrer le goût du public. En matière d’audiovisuel  il n’y a plus d’enseignement patrimonial qui tienne dans leur mode de réflexion, et de gouvernance. L’éducation à l’image, en France, est restée un vœu pieux. Car ma génération, par exemple, n’a pas connu un Henri Langlois, un André Bazin, un Freddy Buache (en Suisse) ou un Roger Tailleur ; celles et ceux qui leur ont succédé à la tête des Cinémathèques et des vraies revues de cinéma qui n’existent plus vraiment désormais, ne se sont pas posé.e.s la question de l’enseignement du cinéma aux enfants de ce pays. Même les socialistes au pouvoir ont favorisé la fracture socio-culturelle en 1984 : en permettant cette année-là à la chaîne cryptée Canal + d’émettre sur le canal 4 du réseau national hertzien, ils favorisaient le renouvellement de la création cinématographique en obligeant la chaîne payante à financer le cinéma français – ça, c’est indéniable, et je suis le premier à reconnaître que c’était une initiative politique de très grande qualité pour la survie de notre cinéma hexagonal – cependant combien de ménages, en 1984, étaient en mesure de se payer un abonnement à Canal + ? D’ailleurs, en 2020, quel est le nombre exact de ménages français qui ont un abonnement à Netflix, à Disney +, à Apple TV ou à Amazon Prime ?

À suivre…

 

 

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« Peur sur la ville » (1975)

Avec Peur sur la ville (France, 1975) Henri Verneul signe au milieu des années 1970 un film policier urbain, nerveux, vif et accrocheur. Le film n’est pas seulement un Belmondo Movie dans lequel on voit l’acteur préféré des français.e.s à cette époque, se livrer à des cascades comme il ne pouvait pas s’empêcher d’en faire à chacune de ses sorties cinématographiques. On le voit par exemple courser le tueur de femmes Minos sur les toits de Paris, ou encore arpenter le dessus du wagon d’une rame de métro ou, pour finir, se suspendre à un hélicoptère de la Gendarmerie nationale.

La séquence mythique du film a lieu sur le toit du célèbre métro parisien.

La séquence mythique du film a lieu sur le toit du célèbre métro parisien.

Tiré d’un roman d’Ed Mc Bain le film raconte la traque par le commissaire de police Jean Letellier, un des cadors de l’Antigang, passé maintenant à la Criminelle, du tueur fou Minos, un criminel qui a décidé d’occire les femmes qui ont une sexualité épanouie, c’est-à-dire une poignée de gentilles filles à la jambe leste. Letellier est aidé dans sa quête, à laquelle il rechigne au début, de son assistant Moissac, un officier de police expérimenté et solide.

Mais l’essentiel n’est pas là, non, mais bien plutôt dans l’idée géniale d’avoir associé en tandem deux des plus charismatiques acteurs français de ce temps : Jean-Paul Belmondo et l’impeccable Charles Denner qui, par ses longs silences, ses regards mélancoliques et son élégance naturelle, équilibre parfaitement l’exubérance – somme toute assez contrôlée dans ce film – de Bébel, qui commençait à devenir ces années-là un produit d’appel pour des productions qui n’étaient plus trop regardantes sur la qualité esthétique. Cependant, au moins jusqu’à la toute fin des années 1980, l’acteur Belmondo réussira à fidéliser son public sur son seul nom, et non sur celui des réalisateurs qui le dirigeaient. Depuis le film de Philippe de Broca L’Homme de Rio (France/Italie, 1964) le public populaire n’avait jamais fait fausse route au comédien et le suivait les yeux fermés dans toutes ses péripéties cinématographiques ; il en était de même pour Alain Delon, l’autre acteur préféré des français.e.s, même si pour ce dernier l’amorce des années 1980 fut plus difficile à négocier. Mais nous reviendrons bientôt plus en détail sur toute cette affaire, c’est promis.

Pour une fois les cascades et les séquences d’action qui jalonnent Peur sur la ville accompagnent le récit et ne se contentent pas de l’illustrer. Par exemple, la séquence de poursuite en voiture, qui voit le commissaire Letellier prendre en chasse dans les rues de Paris, en plein jour, Minos fuyant sur sa Kawasaki, est montée en parallèle avec celle où les flics de l’équipe de Letellier filent en douce un dangereux braqueur de banques. Alors le commissaire doit prendre une décision : soit continuer de filer au train Minos qui a déjà assassiné deux femmes au cours du film, soit aider ses collègues à mettre hors d’état de nuire le lascar qui lui file entre les doigts depuis 5 ans déjà.

D’ailleurs il ne faut pas oublier l’autre grande vedette du film : il s’agit de la fameuse R16 bleue nuit de Letellier et Moissac qui enquille les rues de Paris avec une folle élégance.

Peur sur la ville reste un modèle de thriller urbain efficace qui nous permet d’arpenter les rues d’un Paris méconnaissable, qui n’existe plus, et qui était le territoire exclusif des grands seigneurs du cinéma français de ce temps-là : Jean-Paul Belmondo, Alain Delon et Lino Ventura.

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Welcome to Avalon

Avalon (Pologne/Japon, 2001) est un film de science-fiction du réalisateur japonais Mamoru Oshii. Il s’agit d’une coproduction Japon/Pologne, ce qui n’est pas si courant. En 1h42, ce film absolument saisissant nous raconte le périple d’Ash, une joueuse de jeu-vidéo dont la progression est constante, et qui subjugue les autres joueurs. Ash voudrait accéder à l’ultime niveau du jeu, celui dans lequel le monde virtuel et la réalité se confondent. Ce jeu auquel Ash s’adonne, en un temps indéterminé, dans une grande ville qui ressemble à celles de l’Europe centrale, s’appelle Avalon

La comédienne polonaise Malgorzata Foremniak.

La comédienne polonaise Malgorzata Foremniak.

La vie de cette jeune fille (une Louise Brooks du XXI° siècle naissant qui réactualise le mythe de la femme fatale, guerrière, intransigeante, qui ne s’en laisse pas compter) est rythmée par les longues plages de jeu, par ses trajets en tramway qui la ramènent dans son appartement qu’elle occupe seule avec son Basset Hound, qu’elle aime plus que tout au monde. Ses relations avec les autres humains se limitent au strict minimum. Car dans le monde d’Ash seule la progression dans la réalité virtuelle d’Avalon compte ; elle seule permet de gagner de l’argent qui conditionne le niveau de vie qu’on peut avoir dans l’existence réelle. Et puis il y a ce défi qu’Ash a envie de relever, sous les auspices de son mystérieux Maître de jeu : tous ceux qui ont atteint le niveau Spécial A, c’est-à-dire le niveau ultime du jeu, n’en sont jusqu’à présent jamais revenus ; ils sont à l’état de légumes, réunis tous ensemble dans un sinistre hôpital de la ville. Mais Ash, mutique à souhait, fuyant toute espèce de relation sociale, se sent d’attaque…

Ce film de Mamoru Oshii participait, en 2001, au questionnement sur les bouleversements induits par l’ère numérique. Au même titre que la trilogie Matrix (États-Unis, 3 films en 1999 et 2003, par les sisters Wachowski) Avalon posait un jalon : celui de commencer à bâtir une cathédrale de sens, à la fois métaphysique et moral, en relation avec chaque pierre amenée à leur tour par d’autres cinéastes. Je pense par exemple à Rupert Sanders et à son adaptation du manga animé Ghost In The Shell (États-Unis, 2017) ou encore à Alita : Battle Angel (États-Unis/Argentine/Canada, 2019) de Robert Rodriguez. Ces cinéastes, à tour de rôle, qui savaient marier mieux que personne rigueur sémantique et découpage technique au cordeau, mettaient en images certaines questions, qui étaient d’une actualité brûlante aux toutes premières années de ce vingt-et-unième siècle qui débutait à peine : qu’est-ce que c’est, maintenant, la réalité ? Quelle est la différence, en nature et en genre, entre ce qui semble réel et ce qui ne le paraît pas ? Peut-on faire encore confiance à nos 5 sens ? Notre perception de la réalité diffère-t-elle beaucoup de celle du personnage d’Alita ou de celui du Major ?

Une esthétique "steampunk" indéniable dans le film d'Oshii, à l'image de ce superbe tank de combat.

Une esthétique « steampunk » indéniable dans le film d’Oshii, à l’image de ce superbe tank de combat.

Avalon est un film somptueux sur la quête de sens dans un monde qui paraît cruellement en manquer. Nous ne sommes pas prêts d’oublier le regard fixe,  mais qui questionne tout ce qu’il regarde, de la superbe actrice polonaise qui interprète Ash, la guerrière de l’ère numérique à ses balbutiements : Malgozarta Foremniak !

 

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Le deuxième siècle du cinéma commence maintenant [#2]

L'intérieur du Dolby Theater sur Hollywood Boulevard, à Los Angeles

L’intérieur du Dolby Theater sur Hollywood Boulevard, à Los Angeles.

Pendant le confinement, les professionnels des métiers du cinéma ont évoqué l’idée selon laquelle l’expérience de la salle finira par disparaître.

En effet, les plateformes de VOD et de SVOD, ainsi que toutes les offres numériques proposées par une quantité considérable d’opérateurs, ont amorcé la révolution des modes de diffusion des œuvres depuis un moment déjà. La crise du cinéma (vieux serpent de mer qu’on ne cesse de mettre à toutes les sauces depuis au moins les années 1930 avec l’arrivée du parlant) est surtout la crise de la diffusion traditionnelle des films. Les canaux de diffusion des films ont changé ces vingt dernières années. L’expérience unique du visionnage d’un film en salle deviendra un geste du passé, si rien n’est fait par les pouvoirs publics pour sauvegarder cet usage culturel à mon avis primordial.

Avant l’épidémie, déjà, de nombreuses personnes avaient totalement abandonné le rite culturel d’aller voir un film dans un cinéma près de chez elles. La sortie hebdomadaire (surtout du week-end) qui cimentait la transmission cinéphile parents/enfants n’existait plus que sporadiquement. Elle ne concernait plus que les blockbusters monumentaux, programmés plusieurs années à l’avance : comme le dernier Star Wars, le dernier Avengers, le Disney de saison ou la dernière comédie française à la mode ; et c’est à peu près tout.

Le monde a changé. Et nos idées sur le cinéma ont changé elles aussi. Maintenant chacun trouve sa place dans une chapelle et n’en sort plus.

L’amour du cinéma a été compartimenté, de telle sorte qu’il devient difficile, pour tout un chacun, de sortir de sa zone de confort. Aimer la Blaxploitation des années 70 et 80, est-ce compatible avec la défense du Bis italien de la même période ?

Pourtant des pensées éparses, hétéroclites, variées, hérétiques même, sur le cinéma, il en existe en pagaille. Les bibliographies sont nombreuses, un savoir culturel et spécifique s’est structuré ; un champ intellectuel audacieux a accompagné l’expansion phénoménale du cinéma depuis sa création en 1895 par nos amis Lumière.

À suivre…

 

 

 

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Le deuxième siècle du cinéma commence maintenant

S’il veut survivre à ce qui se passe partout dans le monde depuis 4 mois, le cinéma doit se réinventer. Et pas qu’un peu, mais de fond en comble.

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La pandémie de Sars-Cov-2 qui nous touche sur l’ensemble de la planète a redistribué les cartes. Tous les secteurs de l’activité humaine ont été impactés, durement abîmés. Le monde de l’art, de la culture, n’échappera pas à une complète remise en question de ses modèles à la fois esthétiques et économiques ; ni non plus à une refonte de son fonctionnement, qui depuis trop longtemps ostracise, met de côté, corrompt et infantilise. Aujourd’hui, dans le monde vicié de l’art et de la culture, quelque chose s’est fracassé contre le réel : les baronnies, les chasse gardées, les prébendes aristocratiques, tous les fiefs autrefois avantageusement partagés entre gens de bien (les dynastes autoproclamés), sont en passe de fondre comme neige au soleil.

Ce qui est paradoxal c’est que quelques mois avant le déclenchement de l’épidémie, qui a débuté à Wuhan, en Chine, un film de cinéma asiatique, venant de Corée du Sud, connaissait un succès mondial, à la fois populaire et critique. Ce film, Parasite (Corée du Sud, 2019), réalisé par Bong Joon Ho, avait obtenu la Palme d’or au Festival de Cannes 2019 ainsi que les très courus Oscars du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur film étranger (lors de la 92° cérémonie des Oscars du cinéma du 9 février 2020, qui se tenait au Dolby Theatre à Los Angeles).

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Parasite avait suscité un émoi considérable car son réalisateur avait réussi le tour de force de marier une mise en scène virtuose à un remarquable sens du récit ; il s’agissait d’un stratagème filmique qui vous happait et ne vous lâchait plus. Cela voulait dire qu’il y avait encore de la place dans nos salles de cinéma adorées pour des films exigeants qui aidaient à penser le monde. Qui nous aidaient à mieux appréhender cet univers quotidien parfois cruel, parfois sinistre, qui faisait désespérer la plupart d’entre nous. Parasite est une œuvre cinématographique tellement belle, tellement touchante, qu’elle a ouvert la voie au deuxième siècle du cinéma. En mettant ses pas dans ceux d’un illustre prédécesseur, qui à mon sens, est le tout premier chef d’œuvre, plein et entier, de ce deuxième siècle d’existence du cinéma, que nous appelions de nos vœux : il s’agit du sublime The Assassin (Taïwan/Chine/Hong-Kong/France, 2016) de Hou Hsiao-hsien.

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à suivre…

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La saga « Star Wars » : entre innovations et continuité

Star Wars Le mercredi 18 décembre 2019 sortira sur les écrans l’épisode 9 de la saga Star Wars.

Cette saga a été initiée voilà 42 ans par un jeune réalisateur américain, George Lucas, fan de sérials d’aventures et de science-fiction des années 30, 40 et 50. Le succès surprise et inattendu de ce film intitulé Star Wars. Épisode 3 : un nouvel espoir (États-Unis, 1977) allait donner naissance à un engouement qui ne s’est jamais démenti depuis. C’est pourquoi cet ultime épisode, baptisé L’Ascension de Skywalker (J.J. Abrams, États-Unis, 2019) devra conclure en beauté, d’une manière à la fois épique mais aussi intimiste dans les scènes à 2 ou 3 personnages, un ensemble de 9 films qui racontent ceci : les aventures interstellaires débridées de personnages qui sont liées par la Force et qui tournent autour de la figure tutélaire de Skywalker (le marcheur du ciel). Ce qui n’est pas une mince affaire.

C’est pour cela que les rênes de ce dernier épisode majeur de la saga cinématographique ont été confiées à J. J. Abrams, le réalisateur qui débuta cette 3e et dernière trilogie Skywalker dans Le Réveil de la Force (États-Unis, 2015).

J. J. Abrams est l’homme de la situation dans la mesure où il a rempli le cahier des charges en tournant l’épisode 7 sus-cité, qui a permis de revitaliser une franchise dont on ne savait pas, en 2015, si elle résisterait aux nouvelles formes de narration qui redistribuaient les cartes de l’entertainment aux abords des années 2010. Les show-runners avaient pris le pouvoir à Hollywood et à New-York, au moment où George Lucas vendait ses droits à Disney pour 4, 05 milliards de dollars en octobre 2012 [source 20 Minutes avec agence, article publié le 07/11/2018, consulté le 06/12/2019].

Avec l’achat des droits de Lucasfilm et de ceux de Marvel Entertainment en 2009, pour la coquette somme de 4 milliards de dollars, sans oublier, pour couronner le tout, le rachat de la majorité des actifs de la 21st Century Fox en décembre 2017 (pour  une somme rondelette de 66 milliards de dollars, dette comprise) [source bfmbusiness.bfmtv.com du 14/12/2017, consulté le 06/12/2019], Disney devient la plus gigantesque machine à créer et à produire du contenu au 21e siècle.

à suivre…

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