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21eme festival de cinéma « Indépendance(s) & création », à Auch

IMG_00000540En ce moment a lieu le 21eme festival de cinéma indépendance(s) & création à Auch, dans le Gers, et à cette occasion je me propose de chroniquer les films de mon parcours cinéphilique, espérant susciter chez vous l’envie de découvrir ces films une fois en salles. Je commence avec le film de Valeria Bruni Tedeschi, qui est pour moi une belle entrée en matière pour prendre le pouls du cinéma d’auteur français actuel ; et qui pose la question suivante : à l’heure des images fabriquées à la chaîne par nous tous à partir de nos objets connectés, comment se raconter sans tomber ni dans la complaisance, ni dans le narcissisme béat ? Réponse dans le post suivant.

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Night Tide ou la figure rêvée de l’innocence bafouée

dennis-hopper-1Être ou ne pas être amoureux d’une sirène ?

C’est la question que se pose le personnage incarné par Dennis Hopper dans Night Tide, tout au long de ce film délicieux  de Curtis Harrington (1961). L’acteur y joue le rôle de Johnny et c’est son tout premier film en tant que leading character. En 1961 Dennis Hopper est le jeune comédien hot du moment ; après la mort accidentelle de l’icône James Dean, son copain de plateau, c’est à lui d’être lancé sous les feux des projecteurs. Et c’est stupéfiant de voir à quel point il est bon, si jeune, beau comme un dieu, embrasant l’écran, modelant à la perfection les différentes attitudes d’un jeune américain qui se veut le miroir éclaté de tous les autres. Dans Night Tide il est Johnny, un jeune matelot de l’US Navy, débarqué de son Colorado natal jusqu’à Venice, sur la côte Pacifique, traînant sa coolitude dans les bars le soir, le long du Mall éclairé aux néons.

Sur un air de jazz, une cigarette à la main, Johnny, dans son costume de marin blanc immaculé (et Rainer Werner Fassbinder s’en souviendra quand il le fera porter à Brad Davis dans Querelle (1982) vingt-et-un ans après), véhicule un érotisme latent, chafouin, éparpillé ; il est terriblement séduisant, il va par conséquent ne pas laisser indifférente une merveilleuse créature, une jolie brune à cheveux longs, répondant au doux prénom tahitien ou maori de Mora. Laquelle a l’air un tantinet esseulée au tout début du film, avant de croiser le regard de Johnny, seule à une table de café, écoutant l’orchestre de jazz qui joue merveilleusement bien, et dont la musique irradie tout le film.

Les deux tourtereaux vont s’hypnotiser, se cajoler, se plaire, s’apprivoiser mutuellement. Tout est filmé dans un noir & blanc somptueux. Et petit à petit on nous fait comprendre que Mora pourrait être une véritable sirène, cette créature mythologique dangereuse pour les humains. Ou pas.

Mais on s’en moque car on a plaisir à déambuler avec ces deux-là, qui se plaisent et nous plaisent.

Night Tide  est une manière de film rêvé, restauré grâce aux bons soins du génial Nicolas Winding Refn, le méticuleux réalisateur de Drive  (2011), qui est aussi un collectionneur de films fétichiste. Merci Monsieur Refn pour cette belle initiative.Précipitez-vous sur ce film merveilleux sur la plateforme gratuite de streaming de notre ami Nicolas Winding Refn à cette adresse : www.bynwr.com

Quand l’amour du cinéma transparait à ce point, il est bon et précieux de le partager.Car la véritable culture, la plus bienfaisante, est celle qui s’adresse à tout le monde.Monsieur Refn l’a bien compris, et en a fait son mantra.

Et puis, n’est-elle pas ravissante Linda Lawson, notre sirène ?

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Ciné 80 : (#2) « Hellraiser : Le Pacte »

Hellraiser Dans Hellraiser : Le Pacte (1987) de Clive Barker, on fait la connaissance de Frank, jeune homme antipathique en quête de sensations fortes. Sa pratique machiste du plaisir sexuel ne lui suffit plus pour assouvir une soif d’absolue ; même avoir une relation charnelle avec sa belle-sœur la veille du mariage de cette dernière, le laisse profondément insatisfait. C’est pourquoi entrer en possession d’une boîte mystérieuse ouvrant des portes sur d’autres mondes, permettant d’explorer (oh, pas longtemps) d’autres dimensions, va obliger Frank, le séducteur sulfureux, à soumettre ses proches à une farandole de souffrances incommensurables. Et devant nos yeux de spectateurs complaisants se dévoilent, dans les chaudes couleurs de l’époque, les  arcanes secrètes et inviolées du désir, du plaisir, de la douleur libératrice et suffocante. Esclave sexuel de 4 créatures, les Cénobites, Frank va devoir pervertir sa belle-sœur et sa nièce pour essayer de s’en sortir.

Adaptant au cinéma en 1987 son propre roman Clive Barker livrait un chef-d’œuvre immédiat du genre horrifique. Et la copie restaurée du film éditée par ESC rend encore plus magistrale la leçon de mise en scène, où avec peu de moyens un réalisateur débutant propose une vision déroutante de son imaginaire très particulier. S’inspirant des clubs SM du New-York gay des années 80, Clive Barker filme la jouissance opératique de ses personnages gorgés de sang et de liquides tous plus appétissants les uns que les autres, comme la répétition générale avant le chaos à venir, celui d’une orgie débridée orchestrée par les Cénobites pour plier l’humanité à leurs plus étranges desideratas.

Une totale réussite du genre horrifique des eighties délirantes.

 

 

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Retour en forme de l’ami Spike Lee, qui redevient un cinéaste qui compte

BlacKkKlansmanOuf, il était temps ! Après avoir fait parler de lui ces dernières années davantage pour des polémiques absconses que pour de vraies propositions de cinéma, le réalisateur américain Spike Lee nous a proposé un très bon film politique coup de poing dont il a (encore) le secret, le bien nommé BlacKkKlansman – J’ai infiltré le Ku Klux Klan (2018).

Dans ce nouveau film de Spike Lee on assiste, médusé, à l’infiltration d’une section locale du Ku Klux Klan, celle de Colorado Springs, par deux policiers, un afro américain et un juif. Ce qui s’apparente au départ à une blague, quand dans un moment d’ennui le nouvel arrivant de la police de Colorado Springs, le policier Ron Stallworth s’amuse à appeler la section du Klan de sa ville, en se faisant passer pour un blanc particulièrement raciste, au discours haineux outrancier, va devenir une enquête de police dont l’originalité n’échappera à personne. Car autant Ron peut discuter au téléphone avec les fous furieux du Klan qui ont hâte de le rencontrer, autant se pointer véritablement au lieu de rendez-vous pose un léger problème, vite résolu quand le chef Bridges, au début réticent, accepte que Ron mène à bien la mission d’infiltration avec son équipier Philip Zimmerman, dit « Flip », qui se fera passer pour Ron à chaque fois qu’il s’agira de se retrouver avec les énervés suprémacistes ; à partir de ce moment le film alterne des moments savoureux de franche comédie, propre aux buddy movies du cinéma d’action des années 80, avec des passages plus réflexifs de politique et de questionnements sociétaux de première importance. La mise en contexte du film, relatant cet événement réel d’infiltration de l’organisation raciste et antisémite par ces deux flics dégourdis et attachants, répond au questionnement qui nourrit la filmographie de Spike Lee depuis ses débuts, et ses films majeurs comme Do the Right Thing (1989) ou Nola Darling n’en fait qu’à sa tête (1986).

Où en est l’Amérique actuelle avec le brasier jamais éteint de la haine raciale ?

Ce film peut aussi être vu comme un constat d’insécurité civique et politique dans l’Amérique de Trump, même s’il nous raconte une histoire édifiante ayant eu lieu dans les années 70. C’est en même temps un bel hommage à la culture afro-américaine terriblement sexy et vivante de ces années-là. De plus son duo d’acteurs John David Washington et Adam Driver fonctionne à merveille.

BlacKkKlansman – J’ai infiltré le Ku Klux Klan est un film nécessaire car terriblement d’actualité ; mais c’est surtout un très bel objet cinématographique qui, à n’en pas douter, résistera au temps et aux modes saisonnières.

Combien de films peuvent en dire autant aujourd’hui ?

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Mother ! ou les brisures du talisman

Mother ! de Darren Aronofsky (2017)

mother

Dans Mother ! du cinéaste américain Darren Aronofsky, un écrivain d’âge mûr incarné par Javier Bardem cherche l’inspiration pour son nouveau livre. Il est aidé en cela par sa jeune compagne, jouée avec sensibilité par Jennifer Lawrence, qui s’occupe de toute la maintenance de leur gigantesque maison (travaux de réfection, repas), pour permettre à l’homme de se consacrer pleinement à sa création littéraire. D’ailleurs nous ne connaitrons jamais les noms de cet homme et de cette femme, pas plus que nous ne sortirons de cette maison labyrinthe. Et beaucoup de plans du film montrent cette maison comme un organisme vivant en perpétuelle mutation.

Très vite on va se rendre compte que la jeune compagne de l’écrivain sent sourdre en elle une angoisse diffuse, à cause d’un sentiment de grossesse mal maîtrisée, en lien avec des sécrétions organiques venant de la bâtisse. Mais en sommes-nous sûrs ? C’est ce qui est passionnant avec ce film, qui est une litanie d’images mystérieuses, aux interprétations multiples.

D’ailleurs, quelle est la teneur de cette boisson qu’elle ingurgite sans cesse quand les malaises et les anxiétés apparaissent ?

Ensuite des personnages vont apparaître, au début au compte-goutte, ensuite de plus en plus nombreux. Ils vont investir les lieux, au grand dam de la demoiselle, mais avec la bénédiction de l’écrivain qui explique à sa femme qu’être entouré de la sorte est bénéfique pour son imagination et pour la marche en avant de son livre. A cela s’ajoute un sentiment puissant et exaltant de reconnaissance de la part de ses admirateurs et admiratrices, que la jeune femme va juger très vite traumatisant, et… N’en disons pas plus, laissons l’œuvre faire son chemin en chacun.

Car il s’agit d’un film ambitieux qui traite de l’angoisse de la page blanche, de la paranoïa liée au succès foudroyant et de la lente et profonde désagrégation du couple comme talisman qu’on croit inviolable, inaltérable, infalsifiable.

Mais c’est aussi un film profondément dérangeant, comme un livre d’heures détraqué permettant une relecture multiple, au questionnement sans fond.

 

 

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Qui peut se permettre d’aller au Festival de Cannes de nos jours ? Et, surtout, à quoi cela sert-il ?

Cannes 2018La physionomie du cinéma a profondément changé en quelques années seulement. Alors qu’il a entamé avec gourmandise son deuxième siècle d’existence depuis déjà près de vingt ans, qui continue à aller voir les films en salles, en première exclusivité, quand il est facile et confortable de se munir de n’importe quelle box avec son système de VOD intégré ? Les images de films imprègnent-elles la rétine de la même façon qu’autrefois ? Quand on s’attardait dans les halls des salles de cinéma pour décrypter longuement les photogrammes épinglées sur les murs qui promettaient des voyages fantastiques et des visionnages étincelants. Cette magie d’avant a disparu, personne n’en a plus rien à fiche de ces émotions là qui pourtant étaient constitutives de celle et de celui que nous ne tarderions pas à devenir. Qui n’a jamais vu une image de Gary Cooper dans Le train sifflera trois fois (1952) ou dans Pour qui sonne le glas (1943) projetée sur un écran géant ne sait pas de quoi je parle. A l’heure de la diffusion massive, au flux incessant, des films, tous interchangeables, sur internet et dans les machines numériques complexes, le temps de regarder un film dans une salle, s’apparente au recueillement dans un édifice religieux, il est le dernier lien sacré autonome qui nous reste pour explorer comment nous interagissons les uns avec les autres ; et c’est ce que doit normalement incarner un festival de cinéma.

Le festival de Cannes, lui, est devenu inaccessible, inatteignable  pour le commun des mortels, ceux qui ont la chance d’être sur place durant la Quinzaine sont parqués avec le plus grand mépris derrière des barrières de sécurité, pendant que la ronde des limousines déchargeant les vedettes périmées le lendemain, tourne en boucle sur le réseau câblé mondialisé. Le Festival a-t-il encore un intérêt pour les créateurs du cinéma contemporain, et comment réagissent-ils à ces fariboles de pognon, de glamour frelaté, et parfois de stupidité comportementale, et comment réagissent-ils quand on leur demande d’amuser les nantis qui pourraient, si l’envie leur prenait, financer à eux seuls les cinématographies entières de pas mal de pays dans le monde, avec leur argent de poche.

Bien entendu, on me rétorquera, avec raison j’en conviens, qu’il est heureux de pouvoir, loin des montées des marches insipides et des descentes de colombienne bleue (cf. le dernier roman de Jay McInerney qui a l’air d’en connaître un rayon sur la question de la mixité entre vedettes topless défraîchies – vieilles gloires conservées dans du formol – jeunes arrivistes stupides – nouvelles dopes transgéniques), de pouvoir voir, donc, en salles en même temps que les festivaliers au nez poudré, certains des films des différentes sélections cannoises qui ont l’air d’intéresser les journalistes du monde entier pendant la Quinzaine, avant d’être définitivement oubliés pour de bon, surtout s’ils ne sont récompensés d’aucun prix.  Et puis qui a vu Okja (2017) dans une salle de cinéma, s’il n’était pas au Festival l’an dernier ?

Et pourquoi The Assassin de Hou Hsiao-hsen (2015), le plus beau film pour l’instant de notre deuxième siècle du cinéma, n’a-t’il pas eu la Palme d’or ? Les gens de cinéma sont-ils si clairvoyants que ça ?

Et surtout, le festival de cinéma du XXIe siècle est-il à ce point devenu un traquenard qu’il faille filmer un véritable lépreux pour attirer l’attention sur soi, ou sur qui on prétend représenter dans un geste filmique d’une audace folle ? Quand avons-nous dépassé la ligne rouge du conformisme moral, de la sollicitude vaine, et de la dérégulation outrancière des émotions ?

Quel sera le prix à payer pour se repaître sur écran géant du malheur terrible de nos contemporains, sans remettre en question de fond en comble, la vacuité absolue de nos modes de vie contemporains, insignifiants et mercantiles ? Une oeuvre d’art, ou supposée telle, se conçoit généralement dans un va-et-vient continuel entre désir farouche d’exprimer et incapacité de le faire vraiment, sans travestir les usages communs de la représentation, non ?

Filmer une séquence, agencer des plans, construire la machine complexe de la fiction, accorder autant d’attention à ce que verra le spectateur qu’à ce qu’il devinera ou ne devinera pas, suffit-il aujourd’hui pour faire exister, en dehors de toute valeur marchande, un festival, lequel se veut le plus représentatif possible de la richesse du cinéma mondial ?

Plusieurs livres sans doute ne suffiraient pas pour répondre à cette question qui importe vraiment aux cinéphiles et cinéphages que nous sommes, déboussolés par la remise en question permanente des certitudes d’autrefois.

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Un cinéaste iranien dynamise le Festival de Cannes 2018 dès son ouverture

Everybody KnowsLe film qui fait l’ouverture du Festival de Cannes cette année (sa 71e édition), et qui est en compétition pour la Palme d’or, est une pure merveille ; il s’agit de Everybody Knows du cinéaste iranien Asghar Farhadi.

En réunissant à l’écran Javier Bardem et son épouse Penelope Cruz, et en situant son film dans un petit village espagnol d’aujourd’hui, le réalisateur concocte une histoire de famille bouleversante autour de l’enlèvement d’Irene, une adolescente pleine de vie, pendant le mariage d’une de ses tantes. Et l’angoisse liée à cet enlèvement, qui a lieu pendant que la fête bat son plein, l’horreur de cette situation qui va gagner peu à peu la communauté villageoise toute entière, va faire émerger un secret de famille vieux comme le monde.

Asghar Farhadi sait jouer d’une situation existentielle commune (combien y-a-il de manières d’exister vis-à-vis de celles et de ceux qu’on aime ?) pour en proposer une variation unique, mid-tempo, dans les couleurs chatoyantes d’une Espagne et d’une communauté humaine idéalisées. La sensualité toute orientale dans la manière de filmer avec volupté les corps qui bougent, qui dansent ou qui s’étreignent, dans l’aggiornamento d’une fête de mariage visant à réconcilier celles et ceux qui se sont perdus de vue depuis bien trop longtemps, épouse les situations dramatiques dans un mouvement de cinéma vérité d’une grande délicatesse émotionnelle.

On savait également que le jeu de Javier Bardem se mariait à merveille à celui de son épouse (dans la vraie vie) depuis leurs débuts de jeunesse dans le fracassant Jambon, jambon de Bigas Luna (1992) ou plus tard dans Vicky Cristina Barcelona de Woody Allen (2008).

Le film de Farhadi a aussi le mérite de faire honneur à une compétition dont nous ne retenions, ces dernières années, que l’étalage de luxe obscène à l’heure qu’il est, de vanités et de médiocrité comportementale. (Je vais revenir sur ce sujet dans le post suivant.)

Asghar Farhadi a réussi ce tour de force : celui de nous intéresser, profondément, aux modes de communication et d’interaction d’une communauté villageoise, d’une structure familiale, riches en couleurs et en tempéraments, en nous faisant participer au dénouement d’une tragédie particulière avec un sentiment d’inachevé dans la résolution des affects.

Le film s’interrompt avec l’idée qu’on n’en a jamais fini ni avec l’enfance, ni avec les compromissions de l’existence, ni avec la famille, ni avec les amours qui ne disent jamais leur nom véritable et secret.

Ce film est une splendeur. Précipitez-vous vite le découvrir en salles.

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« Alliés » de Robert Zemeckis (2016)

Lorsque Max Vatan (incarné par Brad Pitt à qui la cinquantaine sied à merveille), un agent allié canadien, rencontre la résistante français Marianne Beauséjour en 1942 au Maroc français, pour monter une opération-suicide (rien de moins que tuer l’ambassadeur allemand au Maroc lors d’une cérémonie à l’Ambassade), ce dernier va faire ce qui est hautement déconseillé par Londres : tomber amoureux de sa partenaire de boulot. Alors les ennuis, les vrais, peuvent commencer, car une fois la miss épousée (incarnée par la non moins sublime Marion Cotillard) notre couple glamour de cinéma, une fois définitivement installé à Londres sous le blitz (les séquences nocturnes de bombardement de Londres sont impressionnantes)  donne naissance à une ravissante fillette, et tout l’enjeu du film repose sur la question suivante : et si notre vaillant officier canadien (il est lieutenant-colonel quand même, excusez du peu) s’était amouraché de la mauvaise personne ? Je ne vous en dis pas plus, car tout l’enjeu du film réside dans cette interrogation obsessionnelle à laquelle Max va devoir répondre, surveillé de près par sa hiérarchie militaire, sous peine d’être accusé de haute trahison.

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Peut-on concilier sentiments et travail bien fait ? Sait-on vraiment qui est la personne qui nous paraît la plus familière ? L’amour est-il aveugle au point de nous faire perdre toute constance et toute mesure dans l’évaluation de l’être cher et désiré. Si nous sommes des « machines désirantes » comme le pronostiquaient Félix Guattari et Gilles Deleuze en 1973 (dans L’Anti-Oedipe. Capitalisme et schizophrénieLes Editions de Minuit), alors la lutte incessante entre l’incarnation des idéaux de fraternité et le retrait dans le confort domestique ne cessera jamais, et le film de Zemeckis, très académique (mais moi j’aime cet académisme là, le post-classicisme hollywoodien des années 2010), à la structure narrative classique assumé, répond avec émotion à cet écheveau de contradictions : que doit-on placer plus haut que tout, l’idéal de justice ou l’amour inconditionnel pour nos proches ?

Alliés de robert Zemeckis, sous couvert de grand spectacle lyrique à la manière d’autrefois, propose une brillante alternative aux films bruyants et pyrotechniques d’aujourd’hui, sans oublier de nous offrir une mise en scène de cinéma, ample et généreuse, comme autrefois, quand on aimait vraiment, sans arrière pensée, le cinéma, le beau, le vrai cinéma, dont les couleurs en technicolor nous enflammaient la rétine, et nous empêchaient de dormir tranquillement.

Alliés est un beau film.

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Ciné 90 : (#3) « Le Parrain, 3e partie »

La passation des pouvoirs ténébreux se déroule dans les jardins du Vatican.

La passation des pouvoirs ténébreux se déroule dans les jardins du Vatican.

« Le vrai pouvoir ne se donne pas, il se prend. »

Cette phrase ornait toutes les affiches françaises du Parrain, 3e partie (The Godfather Part III) sur les façades de nos salles fétiches en 1990. Et cette phrase disait vrai. Michael Corleone, avait repris le flambeau de son père, le Don venu de Sicile, et avait fait prospérer son empire du crime. Mais en 1979, à New-York, où débute cette troisième et dernière partie de cet opéra baroque, complexe, avec des niveaux de lecture différents, des entrelacs d’arcs narratifs complexes et passionnants à suivre et à interpréter, les temps ont changé, et les mafiosi d’autrefois cherchent maintenant la respectabilité. C’est cette reconnaissance d’entrepreneur dans des affaires licites qui vont mener Michael jusqu’aux terres originelles, en Italie, dans le village de Bagheria, ensuite dans les jardins de l’évêché de Palerme, puis ceux du Vatican.

Mais il faut voir ce film puissant, sombre et beau, tourné en 70 mm, l’objectif préféré du maestro Francis Ford Coppola, en saisir tous les raffinements, voir évoluer sur l’écran les couleurs chatoyantes du Sud de l’Italie, apprécier à sa juste mesure les performances éblouissantes d’Al Pacino, de Diane Keaton, d’Andy Garcia, et de tous les autres… Il faut mesurer le génie mis à l’oeuvre par les équipes artistiques et techniques pour parfaire cette beauté cinématographique là, quand filmer une confession à travers un treillis de roses vaut mille films contemporains d’aujourd’hui.

En 1990 le film fut mal reçu par la critique mais plébiscité pars le public, et aujourd’hui il est un écrin superbe, résistant aux outrages du temps, qui nous parle de la fuite du temps et de l’inanité de toute ambition politique, criminelle ou religieuse. Puis qu’à la fin on meurt seul, sur sa chaise, à côté de ses plants de tomates pendant que les jeunes chiens continuent de batifoler autour de nous.

Ce film est un viatique qui nous fait comprendre pourquoi aujourd’hui on continue d’aller au cinéma, en attendant qu’un nouveau miracle cinématographique se produise.

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La fureur chez Robert Aldrich

Cinéaste américain de la violence, au même titre que Sam Peckinpah, Robert Aldrich ne lésine pas sur les moyens pour mettre en scène les éruptions de folie furieuse chez l’être humain. Et avec Les Douze Salopards (The Dirty Dozen, 1967) il nous livrait son chef d’oeuvre, démontrant avec une maestria à nulle autre pareille, que les cinéastes américains d’avant la génération du Nouvel Hollywood n’avaient pas encore dit leur dernier mot.Les 12 salopards

En réactualisant le sacro-saint film de guerre victorieux dans l’espace physique et mental d’une bande de crapules antipathiques au possible, le cinéaste finit par rendre acceptable au spectateur ébahi l’inacceptable : comme tirer avec aplomb et sang froid dans le dos d’officiers allemands, et plus tard les faire brûler vifs dans une cave avec leurs épouses et leurs maîtresses. On en vient même à verser une larme quand les personnages, coriaces dans l’abjection, interprétés par John Cassavetes et par Donald Sutherland en viennent à mourir sous les balles abrasives de l’ennemi.

En 1967, quand ce film est sorti sur les écrans du monde entier, il avait pour lui ce que ses concurrents directs n’avaient pas : la plus belle distribution au monde, avec les acteurs les plus magistraux de leur temps, comme Lee Marvin, John Cassavetes, Charles Bronson, Donald Sutherland, Telly Savalas, Ernest Borgnine, Robert Ryan,… ou encore George Kennedy. Excusez du peu.

Pour respecter la parité, la semaine prochaine, Mesdames, je vous présenterai un film au casting non moins exceptionnel, uniquement constitué d’actrices remarquables.

à suivre… [ To be continued... ]

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