Le nouveau film de Jeff Nichols est le premier qu’il réalise pour un studio, en l’occurrence la Warner. Finies les balades sur le Mississippi, les longues chevauchées dans la nuit et les coups de fusils en pleine campagne : on pense à Mud, Sur les rives du Mississippi (2012), son plus beau film, ou encore à Shotgun Stories (2007), son premier long métrage qui révélait un nouveau cinéaste extraordinaire.
Mais voilà, on entre maintenant dans l’âge de raison, et travailler pour un studio avec des stars comme Sam Shepard ou Kirsten Dunst, c’est une autre paire de manches ; il ne suffit pas de rendre hommage au cinéma fantastique et de S.-F. des années 1980 tendance Spielberg ou Carpenter, on peut penser aussi au Joe Dante d’Explorers (1985), cela J.J. Abrams le fait mieux que personne (Super 8, 2011), non il faut faire coïncider le récit avec un état des lieux de l’Amérique contemporaine. Et c’est essentiellement à cela que le film s’emploie, cartographier les nouvelles lignes de force à l’oeuvre dans le traitement de la fuite en avant, en réactivant les figures singulières du road-movie depuis au moins le fameux Sugarland Express (1974) de Steven Spielberg.
Comment on fuit les autorités et les fous dangereux d’une sorte de secte évangélique terrifiante sous la normalité ? En cela, il m’est d’avis que la figure de l’immense acteur Sam Shepard est de loin la plus intéressante du film, mais hélas, abandonnée en cours de route, une fois que le cinéaste colle ses basques aux trousses de son couple de fugitifs (excellent Michael Shannon, comme d’habitude, et une parfaite Kirsten Dunst, dans un rôle à contre emploi, où elle y est particulièrement touchante) avec enfant lumière à la Shining (Kubrick, 1980).
Au bout d’une heure, finalement, on comprend que le point de ralliement au milieu des champs, donc au milieu de nulle part, est la recréation, en plein jour cette fois, des séquences finales à la fois de Rencontres du troisième type (1977) et d’E.T l’extraterrestre (1982) de Spielberg. Et le rôle d’Adam Driver, l’analyste de la NSA portant patronyme français : Paul Sevier, en hommage à François Truffaut dans Rencontres. Bon, c’est bien gentil tout cela, toutes ces citations au long du film, mais cela en fait-il pour autant un spectacle renversant ? Mmouais… c’est ici que le bât blesse, car au bout d’une heure on en vient à s’ennuyer ferme, car on devine le dénouement, et le mutisme de Michael Shannon devient vite lassant, et certains traits de personnages ne sont pas assez aiguisés. On ne sait finalement pas qui ils sont, d’où ils viennent, et certaines questions ne reçoivent pas la moindre réponse : pourquoi Alton, l’enfant, a-t-il été enlevé à ses parents pendant 2 ans, et est devenu le fils adoptif du patriarche du début, qui veut remettre la main sur lui en envoyant 2 tueurs aux trousses des fugitifs ? Quelles sont les véritables motivations du FBI et de l’armée dans cette course-poursuite ?
Mais c’est le genre de films qu’il faut voir plusieurs fois, à plusieurs années de distance, et c’est à ce moment-là qu’on le redécouvrira, dans une vision plus singulière, et comme les effluves qui s’échappent d’un bon vin d’arrière garde, Midnight Special n’a pas fini de nous hanter pendant longtemps, très longtemps. Un film de chevet pour plus tard, donc.